Il est des reportages qui te font ou te défont une carrière. Celle de Sira Léon a bien failli se briser un soir d’août 2000. Informé par une autorité administrative sur l’état de la digue de Maga, le journaliste croit bien faire en câblant à Yaoundé un papier des plus alarmants. L’élément est diffusé en boucle dans les journaux parlés. Ses grandes lignes sont relayées par les chaînes internationales. Ce ramdam médiatique achève de semer l’effroi au plus haut sommet des Etats tchadien et camerounais. Car nul n’ignore à N’Djamena et à Yaoundé que si la digue longue de 27 kilomètres venait à céder, ses eaux engloutiraient à la minute et rayeraient de la carte des villages entiers de part et d’autre de la frontière.
Le gouvernement camerounais dépêche donc illico sur le terrain une forte délégation ministérielle. Laquelle s’empressera de constater que l’alerte était disproportionnée par rapport au danger. Le bouc émissaire est donc trouvé; Sira Léon. Il est destiné à l’abattoir. Finalement le directeur général de la CRTV ne bouge pas.
Le journaliste peut donc sereinement continuer à dérouler le fil de sa vie commencée un jour de l’année 1963 et formatée par des études primaires, secondaires et universitaires à Djafga, Yagoua et Yaoundé. Un cursus qui lui permet de marquer dans la rubrique diplôme de son Cv: Bac A4, Diplôme de journaliste généraliste (Djg), Dsstic, Dess. Les deux derniers attestent de deux séjours fructueux à l’Ecole supérieure des Sciences et Techniques de l’information et de la Communication. Journaliste généraliste puis journaliste principal. Avec ce profil, personne ne peut à priori lui contester sa nomination au stratégique poste de chef de service des programmes et de l’information (Cspi), rédacteur en chef de CRTV Extrême-Nord. Mais à l’épreuve du terrain, l’unanimité n’est vraiment pas de mise. Le Cspi moulé dans un certain environnement socioculturel fait régulièrement référence aux notions de cour, de sujets et de chefferie pour exiger de ses collaborateurs une allégeance qui ne doit pas laisser de place à la contradiction. Mais dans sa rédaction bigarrée, ce message-là ne passe pas. D’où des éclats de voix et des conflits permanents. Aux journalistes qui lui rappellent la formule de Françoise Giroud: « on ne dirige pas une rédaction, on l’anime » «rec» rétorque droit dans ses bottes « moi je dirigerai toujours ».
Sa présence régulière sur les antennes lui a donné une célébrité qu’il veut capitaliser sur la scène politique locale. D’autant plus qu’il a effectué toute sa carrière à Crtv Extrême-Nord : stagiaire, reporter puis rédacteur en chef. Il alterne néanmoins le bon et le mauvais. Conseiller municipal Rdpc de 1996 à 2002, il a ensuite jeté son dévolu sur la députation. Mais la base l’a recal€ dès les primaires. Il a fini par digérer cet échec en se disant que son heure de gloire finira bien par arriver au moins parce que les journalistes principaux ne courent pas les rues dans son pré carré.
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE