La Cour Administrative d’Appel de Marseille juge que le caractère volontaire d’une illégalité commise par une collectivité locale n’exonère pas totalement l’État de sa responsabilité pour carence dans l’exercice de son pouvoir de contrôle de légalité, mais qu’il atténue la responsabilité de l’État.
Il est de jurisprudence bien établie que les carences de l’État dans l’exercice du contrôle de légalité peuvent engager sa responsabilité à la condition que cette carence présente les caractéristiques d’une faute lourde.
Le Conseil d’État a clairement établi cette règle par deux arrêts de l’année 2000.
* Par un premier arrêt, du 21 juin 2000 MINISTRE DE L’ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT c/ commune de Roquebrune-Cap-Martin n° 202058, la Haute Juridiction a rejeté l’appel en garantie de la commune contre l’État qui souhaitait être couverte des conséquences pécuniaires de sa responsabilité pour la délivrance d’un permis de construire illégalement délivré sur la base d’un POS illégal, en jugeant que :
« la circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes s’est abstenu de déférer au tribunal administratif le plan d’occupation des sols de la commune de Roquebrune-Cap-Martin sur le fondement duquel a été délivré le permis de construire litigieux, ne revêt pas le caractère d’une faute lourde, seule de nature à engager en pareil cas la responsabilité de l’Etat envers la commune ; »
* Par un second arrêt, du 6 octobre 2000 MINISTRE DE L’INTÉRIEUR c/ communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d’Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo X… di Tenda n° 205959 la Haute Juridiction a, sur la base du même principe, accepté de reconnaître l’existence d’une faute lourde et d’engager la responsabilité de l’État en jugeant que :
« le préfet de la Haute-Corse, en s’abstenant pendant trois années consécutives de déférer au tribunal administratif neuf délibérations dont l’illégalité ressortait avec évidence des pièces qui lui étaient transmises et dont les conséquences financières étaient graves pour les communes concernées, a commis compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, dans l’exercice du contrôle de légalité qui lui incombait, une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’État ; »
La Cour Administrative de Marseille par un arrêt du 15 avril 2009 syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) CINARCA LIAMONE n° 07MA03382 a franchi un pas de plus dans cette logique en jugeant que :
« le principe de libre administration des collectivités territoriales ne s’oppose pas à ce que la responsabilité de l’État pour carence dans l’exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales et des organismes qui y sont assimilés puisse être utilement engagée par la collectivité qui a elle même commis, en toute connaissance de cause, l’illégalité à l’origine d’un préjudice dont elle a dû assumer la réparation ; »
et, plus loin, que :
« l’incompétence du comité syndical à délibérer sur une matière qui n’était pas mentionnée dans l’arrêté instituant l’établissement public et concernant des communes qui n’y adhéraient pas présentait un caractère évident ; que les délégués des communes adhérentes constituant le comité syndical n’ont donc pas fait preuve de la vigilance qui leur incombait ; qu’ainsi la faute du syndicat est de nature à atténuer la responsabilité de l’État ; »
Il en résulte donc que les collectivités locales peuvent invoquer à l’encontre de l’État, pour engager sa responsabilité, des illégalités qu’elles ont commises en toute connaissance cause, en d’autres termes, qu’elles ont commises sciemment ou volontairement. A la condition de pouvoir établir que la carence du contrôle de légalité constitue une faute lourde (ce qui a été aisément admis en l’espèce où l’incompétence du SIVOM à prendre une délibération résultait de l’arrêté fixant les compétences du SIVOM dont l’auteur était le préfet lui-même) les collectivités peuvent toujours espérer mettre à la charge de l’État une quote-part des indemnités qu’elles sont tenues de verser du fait d’un acte illégal.
Cette jurisprudence est critiquée sur le principe par la doctrine (Voir par exemple le commentaire de Mme Marguerite CANDO-PARIS aux Petites Affiches du 26 mai 2010 n° 104 p. 9) qui admet toutefois que l’apport de cette solution surprenante, dont l’objectif est d’éviter d’absoudre totalement l’État, est finalement limité du fait de l’atténuation de la responsabilité de l’Etat qui devrait être admise systématiquement.