Lorsqu’une banque ou tout autre établissement de crédit accorde un crédit à une personne en vue de la construction ou de l’acquisition d’un immeuble bâti, elle a le droit et surtout intérêt à exiger la constitution d’une hypothèque sur cet immeuble. Celle-ci procure un maximum de sécurité à sa créance. En effet, en cas d’insolvabilité du débiteur, elle aura droit de faire vendre l’immeuble et de se faire payer sur le prix de la vente, par préférence aux autres créanciers, notamment chirographaire. Et si le débiteur (l’emprunteur immobilier) insolvable aliène l’immeuble hypothéqué, la banque aura le droit de le saisir entre les mains du tiers acquéreur en vertu de son droit de suite (art. 2166 C. Civ).
L’hypothèque fait donc naître en faveur de la banque un droit de suite et un droit de préférence qui la mettent à l’abri de la mauvaise foi et de l’insolvabilité de l’emprunteur immobilier.
L’hypothèque n’entraine pas le dessaisissement du débiteur, celui-ci a la possibilité, notamment lorsque le crédit accordé par la banque est insuffisant pour la construction ou l’acquisition de l’immeuble projeté, de consentir d’autres hypothèques sur le même immeuble en garantie des crédits que d’autres créanciers pourraient lui accorder.
Pour faire échec à cette possibilité de constitution d’autres hypothèques, les banquiers exigent et obtiennent le plus souvent la conservation des titres fonciers des emprunteurs immobiliers. Cette pratique qui constitue un véritable abus de droit (v. Roger MEVOUNGOU – MSANA, la situation juridique de l’emprunteur immobilier en droit camerounais (Introduction à la reforme du droit camerounais du crédit immobilier) Revue Juridique Africaine, 1992/1993, p.63), est en principe inutile. Mais elle peut dans certains cas contribuer au renforcement de la garantie du banquier.
a)- La conservation du titre foncier d’un emprunteur par la banque est inutile en raison des conséquences que la loi attache à la réalisation de la formalité d’inscription des hypothèques.
L’inscription des hypothèques, dont les modalités sont prévues par les articles 2146 et suivants du Code Civil, est la condition d’opposabilité de celles-ci aux tiers, qu’ils s’agisse des tiers acquéreurs ou des tiers créanciers hypothécaires. Entre ces derniers, l’inscription est attributive de rang. Le créancier hypothécaire qui inscrit son hypothèque le premier prime les autres en vertu de la règle « Prior tempore portio jure ». il sera par conséquent, en cas de vente de l’immeuble grevé d’hypothèques, colloqué et payé avant tout les autres créanciers ayant inscrit leurs hypothèques après lui.
Il découle de ce qui précède que les banques n’ont pas à redouter la constitution d’autres hypothèques sur le même immeuble où elles ont acquis une, dès que celle-ci est de premier rang. Ce que les banques exigent toujours.
La conservation du titre foncier ne leur est dans ce cas d’aucune utilité. Il en est de même si elles ont acquis une hypothèque plutôt d’un rang plus ou moins reculé. Elles seront toujours primées, même en conservant le titre foncier de l’emprunteur, par les créanciers qui ont acquis et inscrit leurs hypothèques les premiers.
b)- Il peut cependant arriver que la conservation du titre foncier soit d’une grande utilité pour la banque, notamment lorsque celle-ci a été négligente et omis soit d’inscrire son hypothèque, soit de la renouveler avant la péremption.
Lorsque la banque a omis d’inscrire son hypothèque, celle-ci ne peut pas être opposée aux tiers. Par conséquent, si d’autres hypothèques viennent à être constituées sur le même immeuble et à être inscrites, leurs titulaires primeront la banque en cas de vente de l’immeuble. La conservation du titre foncier évite donc à une banque négligente de telles surprises. Cette conservation ne la met cependant pas à l’abri de tout risque. Si elle attend pendant longtemps avant d’inscrire son hypothèque, cette inscription peut devenir inefficace si elle est effectuée après l’arrêt du cours des inscriptions suite à une des causes énumérées par l’article 2146 du Code Civil.
L’inscription de l’hypothèque ne produit pas des effets indéfiniment. Aux termes de l’article 2154 du Code Civil, « les inscriptions conservent l’hypothèque et le privilège pendant des années, à compter du jour de leur date ; leur effet cesse, si ces inscriptions n’ont été renouvelées avant l^’expiration de ce délai ». ainsi, si la banque, bien qu’ayant inscrit son hypothèque, ne renouvelle cette inscription avant l^’accomplissement de la péremption, son hypothèque perdra son rang et son opposabilité, mais ne deviendra pas caduque. Il lui faudra, pour la rendre de nouveau opposable, prendre une autre inscription. Mais son hypothèque n’aura plus rang que du jour de cette deuxième inscription. Ce qui veut dire que si d’autres hypothèques ont été constituées et inscrites après celle de la banque, la péremption de son inscription lui fera perdre le premier rang ou un autre rang avantageux qu’elle occupait.
La conservation du titre foncier permettra à la banque d’enrayer les effets de la péremption de son inscription. Cette conservation lui permettant d’empêcher la constitution d’autres hypothèques, elle pourra toujours après péremption de la première inscription, prendre une nouvelle sans avoir à se soucier du rang.
La conservation du titre foncier de l’emprunteur permet donc à la banque de pallier sa négligence.
Mais plus que la négligence, ce qui peut justifier la pratique de la conservation des titres fonciers par les banques, c’est le manque de confiance de celles-ci à l’égard de l’administration des domaines qui pourrait être tentée de manipuler les dates des inscriptions des hypothèques. Si la banque ne permet pas la constitution d’autres hypothèques en retenant le titre foncier, elle se mettrait à l’abri de ce risque.