Il suffit de héler la première moto-taxi qui vient à passer, de donner la destination pour voir le jeune conducteur hocher de la tête et s’engouffrer avec son client au cœur du quartier arabe de Kousseri. Quelques centaines de mètres plus loin, la moto gare en bordure d’une route poussiéreuse devant une imposante muraille. Les vigiles qui filtrent les entrées ne compliquent nullement la tâche au journaliste. Un signe qui ne trompe pas sur la disponibilité du maître des lieux qu’on retrouve étendu sur des coussins au fond d’une vaste pièce tapissée de son duplex. Drapé dans une gandoura blanche immaculée, Talaf comme c’est la règle dans cette région, est entouré par une espèce de cour. Une dizaine d’hommes assis en arc de cercle autour du maître de céans. Ce dernier se détourne un temps de sa compagnie, pour braquer son regard interrogateur sur le nouvel arrivant. Lequel décline alors l’objet de sa visite pour voir le visage de son interlocuteur s’éclaircir d’un sourire radieux.
Talaf peut alors se lancer dans de longues tirades sur les grands épisodes de sa vie et celle de sa communauté. Il raconte d’un air satisfait son rôle de pacificateur pendant les affrontements interethniques Arabes Choas et Kotokos qui ont failli plonger le Logone et Chari dans le chaos. Il est arabe et son épouse kotoko. Il n’a pas eu beaucoup de mal à se faire entendre de ses frères d’une part et ses beaux frères d’autre part. s’il est prolixe sur ce feuilleton, il est peu disert sur les tranches de sa vie qui ont fait sa richesse. Talaf c’est l’une des grosses fortunes de l’Extrême-Nord. Très présent dans l’import-export. Une précision qui vaut bien son pesant d’or ce natif de Makary est un self made man comme la plupart des opérateurs économiques du Logone et Chari qui n’ont pas bénéficié de crédits. En cela ils se distinguent de plusieurs autres grosses fortunes du septentrion qui ont bénéficié à une certaine époque de plusieurs passe-droits.
Est-ce parce qu’il a connu une jeunesse difficile que Talaf déjà quinquagenaire est plutôt généreux. Généreux à l’égard de ces griots et autres visiteurs qui viennent l’assaillir au quotidien. Généreux aussi pour son parti politique, le Rdpc dont il est conseillé municipal à Kousseri. Plus que ces strapontins, il est « la voix» des Arabes Choas. Un cadre de la Cameroon radio télévision originaire de Kousseri confesse: « quand Mahamat Tom dit qu’on va à gauche, nous obliquons à gauche ».
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE