MA’AN
Me François Xavier Menye Ondo
Ma’an n’est pas un carrefour de la joie
Le visiteur qui barbaque à Ma’a, localité du département de la Valée du Ntem, a l’impression de se trouver dans une ville fantôme. Tien n’est a priori fait pour le retenir. Les invités de marque (Roger Milla, Jean Paul Akono, etc..) que Me François Xavier Menye Ondo a fait venir dans la bourgade pour clôturer, en fin août dernier, le tournoi de football qu’il organise ici depuis quatre années, ont pu s’en rendre copte. Par ces temps de début de saison des pluies, la principale route qui dessert l’arrondissement, dont le chef-lieu est situé à quelque 80 Km d’Ebolowa via Meyo Centre, sur l’axe Ambam, est un véritable bourbier. Pour y arriver en provenance de Yaoundé, il faut compter un jour de voyage en véhicule 4×4. Hors des sentiers battus, la plupart du temps. Un guide est recommandé, la persévérance aussi. C’est plutôt un saut dans l’aventure qu’une simple promenade.
Et c’est précisément ce qui désole Me Pierre François Menye Ondo. « Vous-même vous avez pu constater que la route, située à 55Km du l’axe bitumé Ebolowa-Ambam, est dans un très mauvais état », dit-il, l’âme en peine
L’auxiliaire de justice ne croit pas si bien dire, tant l’axe qui dessert l’arrondissement est jonché d’ouvrages d’art en piteux état. A Ma’an, tout est désuétude et décrépitude. Les bâtiments qui abritent les services publics inspirent désolation et démission. La ville a pourtant une grande histoire.
Avant son érection, en 1969, en chef-lieu d’arrondissement, Ma’an était déjà un grand carrefour. « Dans les années 50, vivaient déjà ici un acheteur de cacao grec, un menuisier batanga et une forte communauté bamoun, qui s’est finalement transportée chez les Ntoumou. Un poste de douane avait été mis en place dès 1943 », se souvient le patriarche Pierre Oko Mengue. A en croire l’administrateur civil retraité, « Ma’an a été créé par la volonté d’u chef, Oba Alo’oko Ndongo, du clan Esa Mbida, qui a débarqué sur les lieux en 1917 avec les siens ».
Oba Alo’oko Ndongo, selon le patriarche, dans le souci de rassembler les siens, le clan Esambia Mvog Kouna dispersé dans les forêts environnantes, bouscule les populations Esa Mba et Esakounan, trouvées sur place. Grâce au renfort des populations venues de Bilop et d’Evelmang, le chef de clan crée, à Alene, un carrefour de rassemblement des Ntoumou Esambida Mvog Kouna. D’où le nom Ma’an (carrefour, en langue béti) où se retrouvent les Fang et Ntoumou). L’arrondissement va vite trouver les voies de son développement.
Le coin dispose d’un poste de douane, mais aussi d’un poste agricole, d’un centre d’état civil mais aussi et surtout d’une école, érigée dès les années 40 par l’administration coloniale française. Ayant très tôt été pénétré par l’école et l’église presbytérienne, Ma’an ne tarde pas à livrer au Cameroun ses premiers grands commis. Simon Pierre Ondo Alo’o, Samuel Menye (ancien préfet et père de Me Menye Ondo Pierre François-Xavier), Marcel Obam Evina et pIerre Oko Menye sont de ceux-là, qui tâcheront de sortir Ma’an de l’ornière.
Malheureusement, aujourd’hui encore Ma’an est un bled perdu dans la forêt tropicale humide camerounaise. L’hôpital public est un centre sinistré de tout (personnel, équipements, infrastructures) qui n’accueille que de rares patients, quoi ne sont pas rendus au minuscule dispensaire de l’Eglise presbytérienne camerounaise, situé à un jet de pierre. La place du marché est le lot des débits de boisson mal tenus et de boutiques qui n’est sont que de nom. Elle reçoit à longueur de journée des populations qui trouvent ici, l’endroit idéal pour noyer les nombreux problèmes existentiels du quotidien de Ma’an. Au premier rang desquels l’eau et l’électricité. L’adduction d’eau potable, fruit de la coopération nippo-camerounaise d’une valeur de plus d’un milliard de francs, est inopérante du fait d’un manque d’entretien. L’électricité, quant à elle, est distillée quelques heures par soir par un groupe électrogène géré par la commune rurale. « Il ne fonctionne que quand le maire est dans la ville », expliquent quelques résidents.
Au regard dam de Me Menye Ondo, qui se bat pour que Ma’an devienne le grand centre de ses rêves. Et c’est vrai que la commune rurale de Ma’an n’est pas n’importe quoi. Ses caisses sont bien fournies. Par les ressources de la redevance forestière annuelle, d’un peu plus d’un demi-milliard de francs. A tel oint que l’on se demande, à Ma’an, où va l’argent tiré des trois unités forestières d’aménagement exploitées par la société Wijma. Une question à laquelle ne veut pas répondre Me Menye Ondo. Qui préfère pour l’instant se consacrer, via le Fondation Samuel du Menye, du nom de son père, à l’animation de la jeunesse pendant les vacances scolaires. D’ailleurs le notaire, qui vient régulièrement se ressourcer au village, possède l’unique établissement hôtelier de la ville.
N’empêche que le maire, Ndongo Ela, réélu dans une atmosphère teintée de contestation, se targue de quelques réalisations : auberge municipale louée à Wijma, une salle de fêtes qui existe difficilement. Ma’an méritait bien de porter le nom de carrefour du sous-développement.
La gestion des retombées forestières, on n’en sort pas. Selon le patriarche Pierre Oko Menye, qui préside le comité de gestion de l’Ufa (Unité forestière d’aménagement) 09021, « les populations rurales ne sont pas mûres pour apprécier leurs besoins. Il faut les aider à mettre des projets sur pieds ». il précise que Ma’an, deuxième commune forestière du Cameroun, a besoin, à travers la création d’un comité de développement, de resserrer les rangs de son élite, divisée justement sur l’utilisation des immenses retombées forestières.
Déjà, Me Menye montre l’exemple en érigeant, à Ma’an, des structures devant accueillir des visiteurs, dans un coin qui ne manque pourtant pas d’atouts touristiques. Ce d’autant plus que la ville est appelée, à moyen terme, à jouer pleinement son rôle de carrefour, de ville frontalière et de centre névralgique avec l’avènement annoncé du barrage de Memve’ele, situé à proximité. Mais là encore, le péril est à redouter : dans le cahier de charges de l’étude de réalisation de l’ouvrage hydroélectrique, la routez Meyo centre Mva’an-Nyabisan est présentée comme un axe secondaire, à élargir et à renforcer simplement. Une perspective qui n’enchante guère Me Menye Ondo qui rêvait plutôt d’une route bitumée. Et le notaire de rappeler que le 3ème plan quinquennal du Cameroun, élaboré en 1972, prévoyait déjà 80 millions de francs dans l’étude de faisabilité du barrage de Memve’ele.
Francky Bertrand Béné
Ma’an en raccourci
Situation géographique : ville du département de la vallée du Ntem de la province du Sud au Cameroun. Ma’an est le chef lieu de l’arrondissement du même nom.
Date de création ; 1969
Premier chef de district : Moïse Nfonpa, installé le 25 juillet 1970
Population : environ 15000 habitants, parmi lesquels les autochtones Ntoumou et Mvae, qui sont tous des Fang.
Activités économiques : agriculture et petit élevage
Principales ressources de la commune : retombées forestières
Maire : Ndongo Ela
Elites : Essono Edou, Samuel Menye Me Mve, Maurice Alo’o Ndong, Pierre François Ondo Menye, Victor Ntomo Ntong, André Fils Menye Ella, Esaïe Abessolo, Benjamin Ndongo Njemba, Patrice Ngiesa Essono, Juliette Alene, Théophile Ela Menye, Jean Robert Mengue Meka, Emmanuel Mvé, Ndong Ntoung, Victor Emmanuel Menye (« Vito »), Jean Pierre N’djemba, François Moneze, etc.
Sites touristiques : confluents de la Mvila et du Ntem ; les chutes de Memve’ele.