LOI N° 96/12 DU 5 AOUT 1996
PORTANT LOI-CADRE RELATIVE A LA GESTION DE
L’ENVIRONNEMENT
L’ASSEMBLEE NATIONALE A DELIBERE ET ADOPTE
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR
SUIT :
TITRE I
DES DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE 1er.- La présente loi fixe le cadre juridique général de la gestion de l’environnement
au Cameroun.
ARTICLE 2.- (1) L’environnement constitue en République du Cameroun un patrimoine
commun de la nation. Il est une partie intégrante du patrimoine universel.
(2) Sa protection et la gestion rationnelle des ressources qu’il offre à la vie
humaine sont d’intérêt général. Celles-ci visent en particulier la géosphère, l’hydrosphère,
l’atmosphère, leur contenu matériel et immatériel, ainsi que les aspects sociaux et culturels
qu’ils comprennent.
ARTICLE 3.- Le Président de la République définit la politique nationale de l’environnement.
Sa mise en oeuvre incombe au Gouvernement qui l’applique, de concert avec les collectivités
territoriales décentralisées, les communautés de base et les associations de défense de
l’environnement.
A cet effet, le Gouvernement élabore des stratégies, plans ou programmes nationaux
tendant à assurer la conservation et l’utilisation durables des ressources de l’environnement.
CHAPITRE I
DES DEFINITIONS
ARTICLE 4.- Au sens de la présente et de ses textes d’application, on entend par :
(a) « air » : l’ensemble des éléments constituant le fluide atmosphérique et dont la
modification physique, chimique ou autre peut porter atteinte aux êtres vivants,
aux écosystèmes et à l’environnement en général ;
(b) « audit environnemental » : l’évaluation systématique, documentée et objective de
l’état de gestion de l’environnement et de ses ressources ;
(c) « déchet » : tout résidu d’un processus de production, de transformation ou
d’utilisation, toute substance ou tout matériau produit ou, plus généralement, tout
bien meuble ou immeuble abandonné ou destiné à l’abandon ;
(d) « développement durable » : le mode de développement qui vise à satisfaire les
besoins de développement des générations présentes sans compromettre les
capacités des générations futures à répondre aux leurs ;
(e) « eaux continentales » : l’ensemble hydrographique des eaux de surface et des
eaux souterraines ;
(f) « eaux maritimes » : les eaux saumâtres et toutes les eaux de mer sous
juridiction nationale camerounaise ;
(g) « écologie » : l’étude des relations qui existent entre les différents organismes
vivants et le milieu ambiant ;
(h) « écosystème » : le complexe dynamique formé de communautés de plantes,
d’animaux, de micro-organismes et de leur environnement vivant qui, par leur
interaction, forment une unité fonctionnelle ;
(i) « effluent » : tout rejet liquide et gazeux d’origine domestique, agricole ou
industrielle, traité ou non traité et déversé directement ou indirectement dans
l’environnement ;
(j) « élimination des déchets » : l’ensemble des opérations comprenant la collecte, le
transport, le stockage et le traitement nécessaires à la récupération des matériaux
utiles ou de l’énergie, à leur recyclage, ou tout dépôt ou rejet sur les endroits
appropriés de tout autre produit dans des conditions à éviter les nuisances et la
dégradation de l’environnement.
(k) « environnement » : l’ensemble des éléments naturels ou artificiels et des
équilibres bio-géochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs
économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le
développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ;
(l) « équilibre écologique » : le rapport relativement stable créé progressivement au
cours des temps entre l’homme, la faune et la flore, ainsi que leur interaction avec
les conditions du milieu naturel dans lequel il vivent ;
(m) « établissement classés » : les établissements qui présentent des causes de
danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité
du voisinage, soit pour la santé publique, ou pour l’agriculture, ainsi que pour la
pêche ;
(n) « établissements humains » : l’ensemble des agglomérations urbaines et rurales,
quels que soient leur type et leur taille, et l’ensemble des infrastructures dont elles
doivent disposer pour assurer à leurs habitants une existence saine et décente ;
(o) « étude d’impact environnemental » : l’examen systématique en vue de
déterminer si un projet a ou n’a pas un effet défavorable sur l’environnement ;
(p) « gestion écologiquement rationnelle des déchets » : toutes mesures pratiques
permettant d’assurer que les déchets sont gérés d’une manière qui garantisse la
protection de la santé humaine et de l’environnement, contre les effets nuisibles
que peuvent avoir ces déchets ;
(q) « gestion des déchets » : la collecte, le transport, le recyclage et l’élimination des
déchets, y compris la surveillance des sites d’élimination ;
(r) « installation » : tout dispositif ou toute unité fixe ou mobile susceptible d’être
générateur d’atteinte à l’environnement, quel que soit son propriétaire ou son
affectation ;
(s) « nuisance » : l’ensemble des facteurs d’origine technique ou sociale qui
compromettent l’environnement et rendent la vie malsaine ou pénible ;
(t) « polluant » : toute substance ou tout rejet solide, liquide ou gazeux, tout déchet,
odeur, chaleur, son, vibration, rayonnement ou combinaison de ceux-ci,
susceptibles de provoquer une pollution ;
(u) « pollueur » : toute personne physique ou morale émettant un polluant qui
entraîne un déséquilibre dans le milieu naturel ;
(v) « pollution » : toute contamination ou modification directe ou indirecte de
l’environnement provoquée par tout acte susceptible :
_ d’affecter défavorablement une utilisation du milieu favorable de l’homme ;
_ de provoquer ou qui risque de provoquer une situation préjudiciable pour la
santé, la sécurité, le bien-être de l’homme, la flore et la faune, l’air,
l’atmosphère, les eaux, les sols et le biens collectifs et individuels ;
(w) « ressource génétique » : le matériel animal ou végétal d’une valeur réelle ou
potentielle.
CHAPITRE II
DES OBLIGATIONS GENERALES
ARTICLE 5.- Les lois et règlements doivent garantir le droit de chacun à un environnement
sain et assurer un équilibre harmonieux au sein des écosystèmes et entre les zones
urbaines et les zones rurales.
ARTICLE 6.- (1) Toutes les institutions publiques et privées sont tenues, dans le cadre de
leur compétence, de sensibiliser l’ensemble des populations aux problèmes de
l’environnement.
(2) Elles doivent par conséquent intégrer dans leurs activités des programmes
permettant d’assurer une meilleure connaissance de l’environnement.
ARTICLE 7.- (1) Toute personne a le droit d’être informé sur les effets préjudiciables pour la
santé, l’homme et l’environnement des activités nocives, ainsi que sur les mesures prises
pour prévenir ou compenser ces effets.
(2) Un décret définit la consistance et les conditions d’exercice de ce droit.
ARTICLE 8.- (1) Les associations régulièrement déclarées ou reconnues d’utilité publique et
exerçant leurs activités statutaires dans le domaines de la protection de l’environnement ne
peuvent contribuer aux actions des organismes publics et para-publics en la matière que si
elles sont agréées suivant des modalités fixées par des textes particuliers.
(2) Les communautés de base et les associations agréées contribuant à tout
action des organismes publics et para-publics ayant pour objet la protection de
l’environnement, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les
faits constituants une infraction aux dispositions de la présente loi et de ses textes
d’application, et causant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont
pour objet de défendre.
CHAPITRE III
DES PRINCIPES FONDAMENTAUX
ARTICLE 9.- La gestion de l’environnement et des ressources naturelles s’inspire, dans le
cadre des lois et règlements en vigueur, des principes suivants :
a) le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des
connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption
des mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages
graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ;
b) le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à
l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût
économiquement acceptable ;
c) le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de
prévention, de réduction de la pollution et de la lutte contre celle-ci et de la remise en
l’état des sites pollués doivent être supportés par le pollueur ;
d) le principe de responsabilité, selon lequel toute personne qui, par son action, crée
des conditions de nature à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement,
est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination dans des conditions propres
à éviter lesdits effets ;
e) le principe de participation selon lequel
_ chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l’environnement,
y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses ;
_ chaque citoyen a le devoir de veiller à la sauvegarde de l’environnement et de
contribuer à la protection de celui-ci ;
_ les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se
conformer aux mêmes exigences ;
_ les décisions concernant l’environnement doivent être prises après
concertation avec les secteurs d’activité ou les groupes concernés, ou après
débat public lorsqu’elles ont une portée générale ;
f) le principe de subsidiarité selon lequel, en l’absence d’une règle de droit écrit,
générale ou spéciale en matière de protection de l’environnement, la norme
coutumière identifiée d’un terroir donné et avérée plus efficace pour la protection de
l’environnement s’applique.
TITIRE II
DE L’ELABORATION DE LA COORDINATION ET
DU FINANCEMENT DES POLITIQUES DE L’ENVIRONNEMENT
ARTICLE 10.- (1) Le Gouvernement élabore les politiques de l’environnement et en
coordonne la mise en oeuvre.
A cette fin, notamment, il :
_ établit les normes de qualité pour l’air, l’eau, le sol et toutes normes nécessaires à
la sauvegarde de la santé humaine et de l’environnement ;
_ établit des rapports sur la pollution, l’état de conservation de la diversité
biologique et sur l’état de l’environnement en général ;
_ initie des recherches sur la qualité de l’environnement et les matières connexes ;
_ prépare une révision du Plan National de Gestion de l’Environnement, selon la
périodicité prévue à l’article 14 de la présente loi, en vue de l’adapter aux
exigences nouvelles dans ce domaine ;
_ initie et coordonne les actions qu’exige une situation critique, un état d’urgence
environnemental ou toutes autres situations pouvant constituer une menace grave
pour l’environnement ;
_ publie et diffuse les informations relatives à la protection et à la gestion de
l’environnement ;
_ prend toutes autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la présente loi.
(2) Il est assisté dans ses missions d’élaboration de coordination,
d’exécution et de contrôle des politiques de l’environnement et une Commission Nationale
Consultative de l’Environnement et du Développement Durable dont les attributions,
l’organisation et le fonctionnement sont fixés par des décrets d’application de la présente loi.
ARTICLE 11.- (1) Il est institué un compte spécial d’affectation du Trésor, dénommé « Fonds
National de l’Environnement et du Développement Durable » et ci-après désigné le
« Fonds », qui a pour objet :
_ de contribuer au financement de l’audit environnemental ;
_ d’appuyer les projets de développement durable ;
_ d’appuyer la recherche et l’éducation environnementales ;
_ d’appuyer les programmes de promotion des technologies propres ;
_ d’encourager les initiatives locales en matière de protection de l’environnement, et
de développement durable ;
_ d’appuyer les associations agréées engagées dans la protection de
l’environnement qui mènent des actions significatives dans ce domaine ;
_ d’appuyer les actions des départements ministériels dans le domaine de la
gestion de l’environnement.
(2) L’organisation et le fonctionnement du Fonds sont fixés par un décret du Président
de la République.
ARTICLE 12.- (1) Les ressources du Fonds proviennent :
_ des dotations de l’Etat ;
_ des contributions des donateurs internationaux
_ des contributions volontaires ;
_ du produit des amendes de transaction telle que prévue par la présente loi ;
_ des dons et legs ;
_ des sommes recouvrées aux fins de remise en l’état des sites ;
_ de toute autre recette affectée ou autorisée par la loi.
(2) Elles ne peuvent être affectées à d’autres fins que celles ne correspondant qu’à
l’objet du Fonds.
TITRE III
CHAPITRE I
DU PLAN NATIONAL DE GESTION DE L’ENVIRONNEMENT
ARTICLE 13.- Le Gouvernement est tenu d’élaborer un Plan National de Gestion de
l’Environnement. Ce plan est révisé tout les cinq (5) ans.
ARITCLE 14.- (1) L’Administration chargée de l’environnement veille à l’intégration des
considérations environnementales dans tous les plans et programmes économiques,
énergétiques, fonciers et autres.
(2) Elle s’assure, en outre, que les engagements internationaux du
Cameroun en matière environnementale sont introduits dans la législation, la réglementation
et la politique nationale en la matière.
ARTICLE 15.- L’Administration chargée de l’environnement est tenue de réaliser la
planification et de veiller à la gestion rationnelle de l’environnement, de mettre en place un
système d’information environnementale comportant une base de données sur différents
aspects de l’environnement, au niveau national et international.
A cette fin, elle enregistre toutes les données scientifiques et technologiques relatives
à l’environnement et tien un recueil à jour de la législation et réglementation nationales et
des instruments juridiques internationaux en matière d’environnement auxquels le Cameroun
est partie.
ARTICLE 16.- (1) L’Administration chargée de l’environnement établit un rapport bi-annuel
sur l’état de l’environnement au Cameroun et le soumet à l’approbation du Comité Interministériel
de l’Environnement.
(2) Ce rapport est publié et largement diffusé.
CHAPITRE II
DES ETUDES D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL
ARTICLE 17.- (1) Le promoteur ou le maître d’ouvrage de tout projet d’aménagement,
d’ouvrage, d’équipement ou d’installation qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature
ou des incidences des activités qui y sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à
l’environnement est tenu de réaliser, selon les prescriptions du cahier des charges, une
études d’impact permettant d’évaluer les incidences directes ou indirectes dudit projet sur
l’équilibre écologique de la zone d’implantation ou de toute autre région, le cadre et la qualité
de vie des populations et des incidences sur l’environnement en général.
Toutefois, lorsque ledit projet est entrepris pour le compte des services de la défense
ou de la sécurité nationale, le ministre chargé de la défense ou, selon le cas, de la sécurité
nationale assure la publicité de l’étude d’impact dans des conditions compatibles avec les
secrets de la défense ou de la sécurité nationale.
(2) L’étude d’impact est insérée dans les dossiers soumis à enquête publique,
lorsqu’une telle procédure est prévue.
(3) L’étude d’impact est à la charge du promoteur.
(4) Les modalités d’application des dispositions du présent article sont fixées
par un décret d’application de la présente loi.
ARTICLE 18.- Toute étude d’impact non conforme aux prescriptions du cahier des charges
est nulle et de nul effet.
ARTICLE 19.- (1) La liste des différentes catégories d’opérations dont la réalisation est
soumise à une étude d’impact, ainsi que les conditions dans lesquelles l’étude d’impact est
rendue publique sont fixées par un décret d’application de la présente loi.
(2) L’étude d’impact doit comporter obligatoirement les indications
suivantes :
_ l’analyse de l’état initial du site et de l’environnement ;
_ les raisons du choix du site ;
_ l’évaluation des conséquences prévisibles de la mise en oeuvre du projet sur le
site et son environnement naturel et humain ;
_ l’énoncé des mesures envisagées par le promoteur ou maître d’ouvrage pour
supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables
du projet sur l’environnement et l’estimation des dépenses correspondantes ;
_ la présentation des autres solutions possibles et des raisons pour lesquelles, du
point de vue de la protection de l’environnement, le projet présenté a été retenu.
ARTICLE 20.- (1) Toute étude d’impact donne lieu à une décision motivée de
l’Administration compétente, après avis préalable du Comité Interministériel prévu par la
présente loi, sous peine de nullité absolue de cette décision.
La décision de l’Administration compétente doit être prise dans un délai maximum de
quatre (4) mois à compter de la date de notification de l’étude d’impact.
Passé ce délai, et en cas de silence de l’Administration, le promoteur peut démarrer ses
activités.
(2) Lorsque l’étude d’impact a été méconnue ou la procédure d’étude d’impact
non respectée en tout ou en partie, l’Administration compétente ou, en cas de besoin,
l’Administration chargée de l’environnement requiert la mise en oeuvre des procédures
d’urgence appropriées permettant de suspendre l’exécution des travaux envisagés ou déjà
entamés. Ces procédures d’urgence sont engagées sans préjudice des sanctions pénales
prévues par la présente loi.