LOI N° 99 /014 DU 22 DEC. 1999
REGISSANT LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
Assemblée Nationale a délibéré et adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
CHAPITRE I :
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er . : Les organisations non gouvernementales, ci-après désignées les « ONG », se créent et exercent leurs activités dans le cadre de la législation sur la liberté d’association et de la présente loi.
Article 2 :
(1) Au sens de la présente loi, une ONG est une association déclarée ou une association étrangère autorisée conformément à la législation en vigueur agréée par l’administration en vue de participer à l’exécution des missions d’intèrêt général.
(2) Par dérogation aux dispositions de l’alinéa (1) ci-dessus, une personne physique ou morale peut créer une ONG unipersonnelle.
Article 3 : Les missions d’intérêt général visées à l’article 2 ci-dessus sont en fonction des priorités fixées par les pouvoirs publics, notamment dans les domaines juridique, économique, social, culturel, sanitaire ,sportif, éducatif, humanitaire, matière de protection de l’environnement ou de promotion des droits de l’Homme.
CHAPITRE II :
DE L’AGREMENT
Article 4 :
(1) Toute association régulièrement déclarée ou toute association étrangère dûment autorisée justifiant d’une contribution effective de trois (3) ans au moins dans l’un des domaines visés à l’article 3 ci-dessus, peut être agréée au statut d’ONG.
(2) Elle doit produire à cet effet un dossier comprenant :
a) Une demande timbrée au tarif en vigueur ;
b) Une copie du récépissé de la déclaration ou de l’acte d’autorisation, selon le cas ;
c) Le rapport d’évaluation des activités de trois (3) ans au moins et le programme d’activités ;
d) Le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire tenant lieu d’assemblée constitutive de l’ONG ;
e) Quatre (4) exemplaires des statuts de l’ONG ;
f) La dénomination, l’objet, le siège de l’ONG ainsi que les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction.
Article 5 :
(1) Un agrément provisoire d’une durée de trois (3) ans peut être accordé, à titre exceptionnel, à une ONG unipersonnelle.
(2) Le fondateur ou le représentant légal de la personne morale demanderesse est tenu de produire à cet effet, un dossier comportant les pièces ci-après :
a) Une demande timbrée mentionnant la dénomination, l’objet, le siège de l’ONG ainsi que les noms, profession et domicile du fondateur ou, le cas échéant, dudit représentant ;
b) Le programme d’activités ;
c) Quatre (4) exemplaires des statuts de l’ONG.
Article 6 :
(1) Le dossier d’agrément visé aux articles 4 (2) et 5 (2) est déposé le (s) ou le (s) mandataire (s) de l’ONG auprès des services du gouverneur de la province où celle-ci a son siège ou, le cas échéant, son principal établissement au Cameroun.
(2) Une décharge mentionnant le numéro et la date d’enregistrement du dossier est délivrée au déposant.
(3) Le gouverneur de province dispose d’un délai maximal de quinze (15) jours, à compter de la date de dépôt du dossier, pour le transmettre à la commission prévue à l’article 7 ci-dessous.
Article 7 :
(1) Il est créé une commission technique chargée de l’étude des demandes d’agrément et du suivi des activités des ONG, ci-après désignée « Commission ».
(2) La commission est composée des représentants des pouvoirs et des membres de la société civile.
(3) Des représentants des organismes bailleurs de fonds peuvent être admis à prendre part aux travaux de la Commission siégeant dans le cadre du contrôle des ONG, et lorsque lesdits organismes ont apporté leur contribution financière à ces ONG.
(4) Elle rend un avis sur toute question relative à l’agrément, au sujet du contrôle des activités des ONG, sous réserve des cas de dissolution prévus à l’alinéa (2) ci-dessous.
(5) Un décret d’application de la présente loi précise l’organisation et le fonctionnement de la Commission.
Article 8 : la Commission dispose d’un délai maximal de trente (30) jours, à compter de la réception du dossier d’agrément, pour la transmettre, assorti d’un avis motivé, au Ministre chargé de l’administration territoriale.
Article 9 :
(1) L’agrément au statut d’ONG est accordé après avis de la Commission, par arrêté du Ministre chargé de l’administration territoriale.
(2) Le Ministre chargé de l’administration territoriale se prononce dans un délai maximal de soixante quinze (75) jours à compter de la date de dépôt du dossier auprès du gouverneur. Passé ce délai, et faute pour le Ministre de notifier au (x) fondateur (s) ou au (x) mandataire (s) de l’ONG le rejet ainsi que les motifs de rejet de la demande, l’agrément est réputé accordé.
(3) L’agrément accordé dans l’un des cas visés aux alinéas (1) et (2) ci-dessus emporte acquisition de la personnalité juridique par l’ONG.
Article 10 :
(1) L’agrément est accordé pour une période de cinq (5) ans renouvelable.
(2) Au terme de la période de trois (3) ans prévue à l’article 5 (1) ci-dessus, un agrément de cinq (5) ans renouvelable peut être accordé à une ONG unipersonnelle, après avis de la Commission.
(3) Sauf décision contraire de l’Administration, l’agrément est renouvelé par tacite reconduction, au terme d’une période de cinq (5) ans pour la même durée.
Article 11 : L’agrément est personnel, intransmissible et incessible.
CHAPITRE III :
DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT
Article 12 :
(1) Les ONG s’administrent librement dans le respect de la législation en vigueur et de leurs statuts.
(2) Toutefois, lesdits statuts doivent prévoir notamment :
a) Le mode de désignation, la durée du mandat, les attributions et le régime de responsabilité du personnel dirigeant ;
b) Des dispositions financières, faisant notamment ressortir les diverses ressources ainsi que la règle de l’exclusivité de l’affectation de ces ressources aux activités de l’ONG concerné ;
c) Le contrôle intérieur des comptes ;
d) Le contrôle extérieur des comptes annuels par une personne physique ou un organisme habilité (e) ainsi que par les services publics compétents, suivant le cas ;
e) L’adoption de rapports annuels d’activités et de programmes annuels d’action ;
f) L’ouverture d’un compte dans un établissement bancaire ou de crédit agréé par le Ministre chargé des finances.
Article 13 : Les ONG sont soumises à des formalités de publicité dans un journal d’annonce légales, en ce qui concerne notamment les actes accordant l’agrément, les modifications des statuts ainsi que l’adresse ou l’indication géographique précise du siège ou du principal établissement au Cameroun.
Article 14 : Les ONG sont tenues de faire connaître au Ministre chargé de l’administration territoriale, dans les deux (2) mois, tous les changements survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.
Article 15 :
(1) Les ONG tiennent un état de leurs recettes et dépenses et dressent chaque année, le compte financier de l’année écoulée et l’état d’inventaire de leurs biens meubles et immeubles.
(2) Les états et compte visés à l’alinéa (1) ci-dessus ainsi que les rapports et programmes annuels d’activités sont transmis au Ministre chargé de l’administration territoriale dans un délai maximal de soixante (60) jours suivant l’arrêt des comptes.
Article 16 : Nul ne peut exercer à quelque titre que ce soit, des fonctions de direction, d’administration, de gestion ou de contrôle d’une ONG :
– S’il a fait l’objet d’une condamnation à une peine privative de liberté pour fait contraire à la probité notamment pour vol, détournement de deniers publics, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux ou pour atteinte aux bonnes mœurs ;
– S’il possède, même par personne interposée, des intérêts de quelque nature que ce soit, dans une société ou une entreprise entretenant des relations d’affaires avec l’ONG concernée.
Article 17 :
(1) Toute ONG dûment agréée dans les conditions fixées par la présente loi peut :
– Ester en justice ;
– Gérer et disposer des sommes provenant des cotisations des membres ;
– Acquérir à titre onéreux et posséder le local destiné à son administration et aux réunions de ses membres ainsi que les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement du but poursuivi ;
– Recevoir des dons et legs de toute nature ainsi que des financement d’organismes nationaux ou internationaux, dans le cadre de ses activités sous réserve de l’autorisation du Ministre chargé de l’administration territoriale pour les dons et legs immobiliers ;
– Recevoir des subventions des personnes morales de droit public ; dans ce cas , la Commission doit s’assurer de la bonne utilisation de ces subventions ;
– Obtenir rémunération de ses services ;
– Recruter et rémunérer le personnel strictement nécessaire à l’accomplissement de ses missions.
(2) Le recrutement et la gestion du personnel visé à l’alinéa (1) ci-dessus, ainsi que le régime fiscal applicable aux salaires et accessoires de salaire versés audits personnel se conforment à la législation et à la règlementation en vigueur.
Article 18 :
(1) Les ONG dûment agréées bénéficient d’exonérations fiscales et droits d’enregistrement, conformément au Code Général des Impôts et au Code d’Enregistrement.
(2) Elles sont également exonérées de la Taxe sur la Valeur Ajoutée, conformément à la législation en vigueur.
(3) Le régime fiscal et douanier applicable aux ONG est précisé, en tant que de besoin, par la loi de finances.
Article 19 :
(1) Les ONG peuvent fusionner ou se scinder en vue de l’accomplissement efficient de leurs missions.
(2) La procédure d’agrément prévue par la présente loi s’applique à l’ONG ou aux ONG issue (s) de la fusion ou de la scission, suivant le cas.
Article 20 : Les ONG peuvent s’affilier, sans incidence sur leur statut, à des ONG poursuivant des objectifs similaires dans un ou plusieurs pays étrangers.
CHAPITRE IV
DE LA DISSOLUTION
Article 21 : les ONG peuvent être dissoutes :
– Par la volonté de leurs membres, conformément aux statuts ;
– Par décision judiciaire, à la diligence du ministère public ou à la requête de tout intéressé dans les cas de nullité prévus par la législation sur la liberté d’association. Le jugement ordonne la fermeture des locaux et/ou l’interdiction de toute réunion des membres de l’ONG et fixe également les modalités de sa liquidation. Il est exécutoire nonobstant toute voie de recours.
Article 22 :
(1) Le Ministre chargé de l’administration territoriale peut après avis motivé de la Commission, suspendre par arrêté, pour un délai maximal de trois (3) mois toute ONG dont les activités s’écartent de son objet.
(2) Le Ministre chargé de l’administration territoriale peut également, par arrêté, dissoudre toute ONG pour atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat.
(3) Par dérogation à l’article 12 de l’ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême, les actes prévus aux alinéas (1) et (2) ci-dessus sont susceptibles de recours, sur simple requête, devant le président de la juridiction administrative compétente.
Ce recours doit intervenir dans un délai de dix (10) jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile.
Le Président statue par ordonnance dans un délai de trente (30) jours.
(4) L’exercice des voies de recours n’a pas effet suspensif.
Article 23 : En cas de dissolution d’une ONG par le Ministre chargé de l’administration territoriale, celui-ci, dans un délai de trente (30) jours après épuisement des voies de recours, saisit le Tribunal de première instance compétent pour sa liquidation.
Article 24 : Toute dévolution d’avoirs ou de biens d’une ONG dissoute à l’un quelconque de ses membres est interdite.
Article 25 : La dissolution d’une ONG ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires éventuellement engagées contre ses dirigeants ou ses membres.
CHAPITRE V
DES SANCTIONS PÉNALES
Article 26 : Sont punis des peines prévues aux articles 184 et 225 du Code Pénal, les dirigeants ou les membres d’une ONG reconnus coupables de détournement des fonds appartenant ou destinés à ladite ONG.
Article 27 :
(1) Sont punis d’un emprisonnement de trois (3) mois à un (1) an et d’une amende de cent mille (100 000) à un million (1 000 000) de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, les fondateurs, les dirigeants ou administrateurs d’une ONG maintenue en activité ou reconstituée illégalement après la dissolution ou l’interdiction, ou pendant la durée de suspension, suivant le cas.
(2) Lorsque la suspension, la dissolution ou l’interdiction d’une ONG a été motivée par des manifestations armées, une atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, le maximum des peines prévues à l’alinéa (1) ci-dessus est doublé.
(3) Est puni conformément aux dispositions :
– De l’alinéa (1) ci-dessus, tout fondateur ou promoteur d’une ONG ayant demandé un agrément qui se comporte comme si l’agrément était déjà accordé ;
– Des alinéas (1) et (2), quiconque favorise de quelque manière que ce soit, la réunion des membres d’une ONG suspendue, dissoute ou interdite.
CHAPITRE VI
DES DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES
Article 28 : Les associations régulièrement déclarées ainsi que les associations étrangères dûment autorisées à la date de promulgation de la présente loi, justifiant d’une contribution effective de trois (3) ans dans un des domaines visés à l’article 3 ci-dessus, peuvent prétendre à l’agrément au statut d’ONG.
Article 29 :
(1) Les associations reconnues d’utilité publique conformément à la législation en vigueur régissant la liberté d’association, peuvent prétendre à l’agrément au statut d’ONG, suivant le régime applicable aux associations déclarées ou autorisées.
(2) Elles sont tenues à cet effet d’insérer dans leur dossier, outre les pièces prévues à l’article 4 (1) ci-dessus, une copie du décret de reconnaissance.
Article 30 :
(1) Les avantages d’ordre fiscal et douanier et en matière d’enregistrement prévus par la présente loi pour les ONG leur sont exclusivement octroyés dans le cadre de l’exécution de leurs missions d’intérêt général.
(2) Toute violation des dispositions de l’alinéa (1) ci-dessus est susceptible d’entraîner le retrait de l’agrément, sans préjudice des sanctions pénales prévues par la réglementation en vigueur.
Article 31 : Les ONG peuvent faire l’objet d’interdiction par décision judiciaire à la diligence du ministère public ou sur requête de toute personne intéressée.
Article 32 : une ONG interdite ne peut, à nouveau, prétendre au bénéfice du régime des associations déclarées ou de celui des associations étrangères.
Article 33 : Exception faite des ONG dissoutes en application de l’article 22 (2) ci-dessus, une ONG dissoute peut, à nouveau, se reconstituer en association déclarée ou autorisée, conformément à la législation en vigueur sur la liberté d’association.
Article 34 : Les litiges nés à l’occasion du fonctionnement interne des ONG, relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire, conformément au droit commun.
Article 35 : Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires.
Article 36 : La présente loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais./.
Yaoundé, le 22 Décembre 1999
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
PAUL BIYA.