Au Cameroun, la prévention et la lutte contre la pollution marine sont possibles grâce à la mise en place des mesures préventives (1) et curatives (2).
1- L’adoption des mesures préventives
Les mesures préventives sont celles susceptibles de permettre une anticipation des risques de pollution, soit pour éviter celle-ci ; soit pour mieux se préparer afin d’y faire face efficacement, le cas échéant291(*). En constitue de telles mesures au Cameroun, l’évaluation des effets potentiels de l’activité humaine sur l’environnement marin.
Au même titre que l’étude d’impact sur l’environnement général, l’étude d’impact sur l’environnement marin est une procédure administrative entrant dans le cadre de la prévention des risques liés à l’exécution des projets d’envergure sur ces milieux292(*). Elle permet d’examiner et d’évaluer les conséquences tant bénéfiques que néfastes des projets et programmes de développement envisagés. C’est pourquoi le législateur camerounais en fait une obligation. La loi-cadre du 05 août 1996 dispose à cet effet que « tout promoteur ou maître d’ouvrage de tout projet d’aménagement, d’équipement ou d’installation qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature ou des incidences des activités qui sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à l’environnement est tenu de réaliser, selon les principes du cahier des charges, une étude d’impact (…)293(*)».
En tant qu’un préalable à toute activité d’envergure sur le milieu marin, l’étude d’impact permet de se convaincre que telle ou telle activité peut être opérationnelle ou non. Dans l’affirmative, elle relève conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 19 de la loi N° 96/12 les indications et obligations auxquelles est soumis le promoteur de l’activité, notamment l’analyse de l’état initial du site et de son environnement, l’analyse des effets prévisibles sur la qualité de l’environnement marin, la description des mesures prévues pour réduire ou éliminer les effets négatifs sur l’environnement marin et enfin la description des solutions de recharge ; c’est-à-dire celles qui permettent de substituer au projet ou à certains de ses éléments un autre présentant moins de risque 294(*).
En terme d’étude d’impact sur l’environnement marin, certaines catégories de travaux et ouvrages sont principalement concernées. Il s’agit pour la plupart des cas de travaux d’envergure réalisables et réalisés sur le littoral tels les ports, les hôtels et autres activités industrielles et minières situées sur la côte ; soit encore en pleine mer tels les plates-formes offshore. C’est pourquoi le projet de construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun a donné lieu à la réalisation d’une vaste étude d’impact sur l’environnement marin camerounais. La réalisation de cette condition n’empêche en rien l’adoption des mesures curatives de pollution marine.
2- L’adoption des mesures curatives
Les mesures curatives consistent dans la plupart des pays en l’établissement d’un plan d’intervention d’urgence. Il désigne un plan élaboré sur la base nationale, bilatérale ou multilatérale, pour lutter contre la pollution et les autres atteintes au milieu marin et aux zones côtières ou la menace de situation de ce genre, résultant d’accidents ou d’autres évènements imprévus295(*).
Les plans d’intervention d’urgence en cas de situation critique pour le milieu marin connaissent en réalité, depuis l’adoption et l’entrée en vigueur des textes d’Abidjan, d’énormes difficultés liées à leur démarrage effectif tant sur plan régional que national. L’Etat du Cameroun n’échappe pas ce constat.
D’ailleurs, la loi-cadre sur l’environnement aborde la question de manière imprécise et échappatoire. Elle reconnaît qu’il revient au gouvernement d’initier et de coordonner les actions qu’exige une situation critique, un état d’urgence de l’environnement ; mais laisse le soin à un décret296(*) de fixer les modalités nécessaires pour prévenir et combattre toute pollution marine en provenance des navires et installations sises en mer et /ou sur terre. Ceci revient à dire qu’aucune mesure n’est prise relativement à l’adoption d’un plan d’intervention d’urgence d’envergure nationale.
Cependant le législateur camerounais dans son intention de combler ce vide, soumet tout opérateur des produits pétroliers à l’obligation de disposer d’un système rigoureux de prévention d’accidents et les plans d’urgences à adopter en cas de sinistre ou de menace de sinistre présentant un danger pour l’environnement et la sécurité des biens et des populations297(*).
Pour se conformer à cette disposition règlementaire, le Plan National de Lutte contre les Déversements Accidentels d’Hydrocarbures (PNLDAH) indique de manière détaillée les matériaux et équipements de nettoyage qui ne sont adéquates que pour des déversements mineurs localisés298(*) et moyens299(*). Ils sont inadaptés aux déversements importants franchissant les capacités nationales d’intervention.
En somme, les moyens de prévention et de lutte contre la pollution marine ne sont pas encore sérieusement mis en place par les Etats Parties à la convention d’Abidjan300(*), notamment au Cameroun. Alors, qu’en est-il des moyens d’utilisation durable et de conservation de la diversité biologique marine ?
* 269 Voir article 77 alinéas 1 de cette loi.
* 270 Voir alinéa 2 du même article.
* 271 Cf, ASSEMBOUNI – OGUINJIMI (A, N), le droit de l’environnement marin et côtier en Afrique Occidentale, cas de cinq pays francophones, op. cit, p. 291.
* 272 Voir les dispositions de l’article L 72 de la loi N° 2001-01 du 15 Janvier 2001 portant code de l’environnement au Sénégal.
* 273 Voir article 79 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
* 274 Idem, article 32 alinéa 1.
* 275 Cf., ASSEMBONI – OGUNJIMI (A, N), op. cit, p. 304.
* 276 Cf. Etude pour le suivi de la protection de la zone côtière et de l’environnement marin dans le cadre du projet CAPECE- Cameroun ; in Rapport trimestriel N° 1 présentée par Environnement République du Cameroun, novembre 2006, p.43.
* 277 Voir LE TOURNEAU (P), la responsabilité civile, PUF, Collection « Que sais-je » , paris, 2003, P 5 ; cité par ASSEMBONI- OGUINJIMI, op. cit. p. 291.
* 278 Il est très important de relever qu’en France, toutes les différentes formes de dégradation du milieu marin et des zones côtières ont été prises en compte. Le cadre juridique français n’est donc pas limité à la pollution.
* 279 Voir article 83 alinéa 1 de cette loi.
* 280 Voir, Point 21 du Préambule de la constitution qui énonce que…………
* 281 Cf. Article 14 alinéa 2 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement
* 282 Cette Commission a été mise sur pied par le décret N° 94/259/ PM du 31 mai 1994. Elle analyse les divers rapports établis dans le cadre du suivi de l’application des différentes conventions internationales relatives à l’environnement et au développement durable.
* 283 Cf. HENGUE (P) , « Présentations des cadres juridiques et institutionnels en matière de lutte contre les déversements accidentels des hydrocarbures », Inédit, p.8.
* 284 Elle a pour attribution la détermination des types d’engins de pêche en fonction des espèces disponibles, bref de tout ce qui a trait à la pêche. Mais ses capacités d’intervention sont aujourd’hui très réduites en raison des contraintes budgétaires.
* 285 Cet institut mène des recherches spécifiques sur les ressources marines et halieutiques à travers le Centre Spécialisé de Recherches sur les Ecosystèmes Marins (CERECOMA) de Kribi et la Station spécialisée de Recherches halieutiques de Batoké à Limbé.
* 286 Ce rôle est confié au Service des Pollutions Marines qui est un département de la dite Direction.
* 287 Voir Sévère KAMEN, Défaillance du terminal Cotco : les déchets pétroliers sur les plages à Kribi, in Quotidien Le Messager en sa parution du 22 janvier 2007.
* 288 Cf. Article 8 alinéa 2 de la loi N° 96/12 du août 1996.
* 289 Elle a été créée en septembre 1992 à Douala, où se trouve son Secrétariat Général. Elle comprend les ONG du Cameroun, Gabon, Congo, Centrafrique, Rwanda, Tchad et du Zaïre. Sa Secrétaire Général en la personne de Dr Jacqueline NKOYOK a rédigé un article sur le Thème : « communication et Education dans la protection des écosystèmes côtiers et marins du Cameroun » dans le cadre d’une plate-forme organisée par l’UNESCO.
* 290 Basée à Limbé, c’est à cette ONG qu’a été confiée l’étude pour le suivi de la protection de la zone côtière et de l’environnement marin dans le cadre du projet CEPECE-Cameroun.
* 291 Voir KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op. cit. p. 295.
* 292 Cf. ASSEMBONI – OGUNJIMI (A, N), op. cit. p. 255.
* 293 Cf. article 17 alinéa 1 de cette loi ».
* 294 Cette dernière condition n’est pas toujours exigée dans la réalisation de l’étude d’impact en général ; mais elle peut être indispensable en ce qui concerne le milieu marin et les zones côtières
* 295 Cf. article 1er paragraphe 3 du protocole de la convention d’Abidjan
* 296 Il est nécessaire de dire qu’un tel décret n’a jamais vu le jour au Cameroun
* 297 Cf. article 61 paragraphe 3 du décret N° 2000/ 465 du 30 juin 2000 fixant les modalités d’application du code pétrolier.
* 298 Il s’agit des déversements qui peuvent être nettoyés à l’aide des ressources et équipements disponibles sur un site.
* 299 Ce sont des déversements qui ne peuvent pas être nettoyés par l’opérateur seul. Des renforts doivent être appelés. Ce type d’incident comprend les accidents résultant d’un abordage de navires pétroliers ou bien d’une rupture d’un pipeline sous-marins entraînant une fuite importante au niveau de l’une des plates-formes de production offshore.
* 300 Ils le sont vraiment dans seulement 2 pays à savoir la Côte- d’Ivoire et le Congo.