Arrêté n°019/SG/CJ du 26 mai 1993

Fixant les modalités de l’élection et les conditions d’exercice des fonctions des Délégués du personnel

Le Ministre du travail et de la prévoyance sociale

Vu la constitution ;

Vu la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail ;

Vu le décret n° 92/245 du 26 novembre 1992 portant organisation du Gouvernement ;

Vu le décret n°92/248 du 27 novembre 1992 portant formation du gouvernement ;

Vu le décret n° 93/084/PM du 26 janvier 1993 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Commission Nationale Consultative du Travail ;

Vu l’avis émis par la Commission Nationale Consultative du Travail en séance du 30 mars 1993 ;

Arrêté :

CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

Article 1er : Des délégués du personnel sont obligatoirement élus dans tous les établissements sur le territoire national quel qu’en soit l’employeur, public ou privé, laïc ou religieux, civil ou militaire, où sont habituellement occupés au moins vingt travailleurs relevant du Code du travail.

Article 2 :

1. Au sens du présent arrêté, l’établissement s’entend d’un groupe de personnes travaillant en commun, en un lieu déterminé sous l’autorité d’un ou plusieurs représentants d’une même autorité directrice (personne physique ou morale, publique ou privée). L’établissement est donc caractérisé par l’exercice d’une activité collective en un lieu donné, le mot lieu étant employé dans le sens d’usine ou de local et non dans le sens de ville ou de circonscription.

2. L’entreprise est une organisation économique de forme juridique déterminée (propriété individuelle ou collective) constituée pour production de biens destinés à la vente ou la fourniture de services rémunérés ou non.

3. Une entreprise peut comprendre un ou plusieurs établissements. Un établissement donné relève toujours d’une entreprise. Un établissement unique et indépendant constitue à la fois une entreprise et un établissement.

Article 3 :

1. L’effectif à prendre en considération est celui des travailleurs occupés habituellement dans l’établissement, qu’ils soient ou non inscrits au registre de l’employeur. Sont considérés notamment comme occupés habituellement dans l’établissement :

a) Les apprentis et les travailleurs engagés à l’essai ;

b) Les travailleurs temporaires, occasionnels et saisonniers quand ils ont totalisé équivalent de six mois précédant l’établissement de la liste des électeurs.

2. Les travailleurs collaborant à plusieurs établissements dépendant ou non de la même entreprise sont considérés comme appartenant au personnel de l’établissement auquel ils consacrent la plus grande partie de leur activité et subsidiairement de celui où ils perçoivent le salaire le plus élevé.

3. Lorsque le chef d’établissement a la qualité de travailleur, il fait partie de l’effectif à prendre en considération.

Article 4 : Lorsque plusieurs établissements d’une même entreprise appartenant à la même branche d’activité et situés dans une localité ou dans un rayon de dix kilomètres de l’établissement ou à défaut, d’un établissement considéré comme central, ne comportent pas chacun séparément le nombre minimum de travailleurs exigés ci-dessus pour procéder aux élections de délégués, les effectifs de ces établissements sont réunis pour la détermination de ce nombre.

Article 5 : le nombre de délégués du personnel à élire est fixé comme suit :

a) De vingt à cinquante travailleurs : deux délégués titulaires et deux délégués suppléants ;

b) De cinquante et un à cent travailleurs : trois délégués titulaires et trois délégués suppléants ;

c) De 101 à 250 travailleurs : 04 délégués titulaires et 04 délégués suppléants ;

d) De 251 à 500 travailleurs : 05 délégués titulaires et 05 délégués suppléants ;

e) De 501 à 1000 travailleurs : 06 délégués titulaires et 06 délégués suppléants ;

f) Plus un délégué titulaire et un suppléant par tranche supplémentaire de cinq cents travailleurs.


CHAPITRE II : MODALITES DE L’ELECTION

Article 6 : 1. L’élection des délégués du personnel a lieu tous les deux ans sur l’ensemble du territoire à une période fixée par le ministre chargé du travail.

2. Les délégués en poste conservent leurs fonctions jusqu’à la prise d’effet du mandat des nouveaux délégués.

Article 7 : 1. En cas d’ouverture ou de remise en activité d’un établissement ou d’extension dans l’intervalle compris entre deux périodes d’élections générales, il peut être procédé à des élections de délégués du personnel, sous la double condition suivante :

a) L’élection ne peut avoir lieu dans les six mois précédant le début de la période d’élection générale à venir.

b) Une demande doit être adressée à l’inspecteur du Travail du ressort, soit par l’employeur, soit par une organisation syndicale intéressée, soit par la majorité des travailleurs en service dans l’établissement.

2. Des dérogations aux conditions d’électorat et d’éligibilité telle que prévues à l’article 123 du Code du travail sont dans ce cas accordées par l’inspecteur du travail. Les délégués du personnel ainsi investis exercent leur mandat jusqu’à la prise d’effet du mandat des délégués élus au cours de la période d’élection générale suivante.

Article 8 :

1. Quarante jours au moins avant la date prévue pour les élections, le chef d’établissement dresse la liste des travailleurs remplissant les conditions d’électorat exigées.

2. Les électeurs sont repartis dans les deux collèges suivants :

a) Manœuvres, ouvriers, employés (catégorie I et VI) ;

b) Agents de maitrise, techniciens, et assimilés, cadres, (catégorie VII à XII).

3. La répartition des sièges des délégués entre ces deux collèges est effectuée au prorata des effectifs que comporte chacun d’eux.

4. Le chef d’établissement communique la liste ainsi établie aux organisations syndicales les plus représentatives des travailleurs. En cas de divergence entre celles-ci et le chef d’établissement sur la répartition du personnel dans les collèges, l’inspecteur du travail du ressort décide de cette répartition.

Article 9 : Ne sont éligibles pour un collège électoral déterminé que les travailleurs inscrits comme électeurs dans ce même collège.

Article 10 : 1. Quand la répartition indiquée ci-dessus est devenue définitive et au moins vingt jours avant la date du scrutin, le chef d’établissement affiche la liste des électeurs répartis en collèges, aux emplacements habituellement réservés aux communications destinés au personnel. A cette liste est joint un avis précisant le jour, le lieu, les heures d’ouverture et de fermeture du scrutin. Le chef d’établissement adresse sans délai copie de cet avis à l’inspecteur du travail du ressort d’une part et aux organisations syndicales les plus représentatives des travailleurs d’autre part, en invitant ces dernières à lui faire parvenir les listes des candidats qu’elles présentent.

2. Pour être recevables ces listes doivent être déposées au moins six jours francs avant la date fixée pour le scrutin, sous réserve que la liste visée à l’article 8 ci-dessus ait été reçue dans les délais par l’organisation syndicale intéressée. Elles doivent être établies par collège électoral séparément pour les délégués titulaires et pour les délégués suppléants. Elles ne peuvent comprendre un nombre de candidats supérieur à celui des sièges à pourvoir.

3. Les listes de candidats doivent être affichées six jours francs avant la date du scrutin par les soins du chef d’établissement ou son représentant, aux mêmes emplacements que la liste des électeurs et l’avis du scrutin. Elles doivent faire connaître les noms, prénoms, âges et durée des services des candidats ainsi que les syndicats qui les représentent.

Nul ne peut figurer en qualité de candidat sur deux ou plusieurs listes différentes.

Article 11 : Si aucune des organisations syndicales n’a fait parvenir de liste de candidats dans les conditions et délais prévus à l’article 10 ci-dessus, le chef d’établissement fait constater cette carence par l’inspecteur du travail. Celui-ci après enquête, autorise le vote pour des candidats non présentés par une organisation syndicale.

Article 12 :

1. Le scrutin est de liste majoritaire à deux tours.

2. A l’issue du premier tour, si aucune liste n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, il est procédé dans un délai de 15 jours à un second tour entre les deux premières listes ayant le plus grand nombre de voix.

En élue, la liste qui obtient la majorité simple à l’issue du second tour.

3. En cas d’égalité de voix entre les deux listes, les sièges à pourvoir sont attribués à la liste dont la moyenne d’ancienneté des candidats dans l’entreprise est plus élevée.

Article 13 : le vote a lieu dans l’établissement, un jour ouvrable pendant les heures de travail.

Article 14 : Sont admis à voter par correspondance ; sous double enveloppe adressée à l’établissement :

a) Les travailleurs en congé et ceux dont le contrat est suspendu pour l’une des causes énumérées aux paragraphes c, d, e, f, g, i et k de l’article 32 du code du travail et qui peuvent se rendre sur les lieux du scrutin.

b) Les travailleurs que leurs occupations professionnelles hors établissement empêchent de prendre part au scrutin.

Article 15 : 1. L’élection a lieu au scrutin secret sous enveloppe, l’introduction du bulletin dans l’enveloppe s’effectuant dans un isoloir.

2. Il est procédé dans chaque collège à des votes séparés pour les délégués titulaires et les délégués suppléants.

Article 16 :

1. Seuls sont valables les votes allant aux listes en présence.

2. Sont considérés comme nuls outre les bulletins de vote surchargés ou multiples dans une seule enveloppe, ceux qui :

a) Comportent des noms barrés ;

b) Comportent des noms barrés et remplacés par des noms de personnes non candidates ;

c) Et d’une manière générale comportent tout signe quelconque permettant l’identification de l’électeur.

Article 17 : le chef d’établissement ou son représentant est chargé de l’organisation du déroulement régulier des élections, notamment de la constitution du bureau de vote qu’il préside, assisté de deux travailleurs non candidats désignés par les organisations syndicales les plus représentatives et qui jouent le rôle de scrutateurs. Des travailleurs qui doivent faire partie du personnel de l’établissement, prennent place au bureau, assistent au vote et participent au dépouillement des votes.

Article 18 :

1. Les opérations de vote et de dépouillement font l’objet d’un procès-verbal conforme au modèle joint au présent arrêté. Ce procès-verbal est établi en trois exemplaires au moins par le président du bureau de vote, signé par lui et par les représentants du personnel, membres du bureau.

2. Dans les vingt-quatre heures qui suivent la réaction du procès-verbal, le chef d’établissement est tenu d’envoyer deux exemplaires à l’inspecteur du travail du ressort. Il doit délivrer une copie de ce document aux organisations syndicales ayant participé aux élections, et aux représentants des listes élues.

Article 19 : le chef d’établissement ou son représentant doit immédiatement après la proclamation des résultats, afficher aux mêmes lieux que l’avis du scrutin et les candidatures, les noms, prénoms des délégués élus titulaires et suppléants.

CHAPITRE III : EXERCICE DES FONCTIONS DE DELEGUE DU PERSONNEL

Article 20 :

1. Le chef d’établissement est tenu de laisser aux délégués du personnel dans les limites d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles et sauf convention contraire, ne peut excéder quinze heures par mois, le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. Ce temps leur est payé comme temps de travail. Il doit être utilisé exclusivement aux tâches afférentes à l’activité du délégué du personnel telles qu’elles sont déterminées par la législation en vigueur.

2. Le temps non utilisé ne peut être reporté sur un mois suivant ni faire l’objet d’une quelconque indemnité.

3. Les délégués suppléants bénéficient des dispositions édictées ci-dessus quand ils sont appelés à remplacer un délégué titulaire dans les cas prévus par la législation en vigueur et quand ils participent avec les délégués titulaires aux réunions prévues à l’article 23 ci-après.

Article 21 : le chef d’établissement est tenu de mettre à la disposition des délégués du personnel le local nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission et notamment, de se réunir. Sur les chantiers où il n’existe pas de locaux, le chef d’entreprise facilitera dans la mesure du possible les réunions des délégués du personnel.

Article 22 : les délégués du personnel peuvent faire afficher, à l’exclusion de tout autre document de quel que ordre que ce soit, les renseignements qu’ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel dans le cadre de leur mission telle qu’elle est définie par la législation en vigueur. Ces renseignements sont avant l’affichage soumis au visa du chef d’établissement. L’affichage ainsi prévu doit être effectivement assuré aux portes d’entrée des lieux de travail et également sur des emplacements obligatoirement prévus et destinés aux communications syndicales.

Article 23 :

1. Les délégués du personnel titulaires et suppléants sont reçus collectivement par le chef d’établissement au moins une fois par mois. Ils sont en outre reçus sur leur demande en cas de circonstances exceptionnelles telles que définies à l’article 24 ci-après (soit collectivement, soit individuellement, soit par catégorie, atelier, chantier, service ou spécialité professionnelle, selon les questions qu’ils ont à traiter).

2. Si le chef d’établissement ne peut se prononcer dans les trois jours sur les réclamations et suggestions présentées par les délégués, il doit les transmettre au chef d’entreprise ou à son représentant (en cas d’établissements multiples) qui est tenu de se prononcer dans les quinze jours suivant la transmission.

3. S’il s’agit d’une entreprise en société anonyme et qu’il ne peut être donné suite aux réclamations et suggestions qu’après délibération du Conseil d’Administration de la société, les délégués doivent être reçus par celui-ci sur leur demande. S’il n’est pas prévu de réunion de Conseil d’Administration dans les quarante jours suivant la demande des délégués, ou si le Conseil d’Administration se réunit habituellement dans un lieu autre que celui du siège de l’établissement en cause, les délégués peuvent saisir par lettre recommandée avec accusé de réception le président du Conseil d’Administration. Celui-ci est tenu d’envoyer sa réponse dans un délai de trois semaines pour compter de la réception de la lettre recommandée.

4. Les délégués suppléants peuvent assister avec les délégués titulaires aux réunions avec les employeurs et leurs représentants.
Article 24 : les circonstances exceptionnelles visées à l’article 23 ci-dessus doivent s’entendre :

a) Soit d’une demande urgente d’installation d’un dispositif de sécurité après un accident de travail par exemple ;

b) Soit de circonstance intéressant la climat social dans l’établissement telle que l’imminence d’un trouble grave ou la nécessité de rétablir l’entente entre employeur et travailleur.

Art.25 :

1- Il est tenu au siège de l’établissement un registre spécial destiné à recueillir les réclamations et suggestion formulées par les délégués du personnel et les réponses faites à celles-ci par le chef d’établissement.

2- Ce registre doit être tenu à la disposition des travailleurs de l’établissement qui désirent en prendre connaissance, chaque jour ouvrable de la semaine.

Art.26 :

1- Tout délégué du personnel peut être révoqué en cours de mandat, soit sur proposition de l’organisation syndicale qui l’a présenté, soit sur pétition écrite et signée de la majorité du collège électoral auquel il appartient, adressé à l’Inspecteur du travail du ressort.

2- Cette proposition, ou cette pétition, doit être confirmée au scrutin secret par la majorité du collège auquel appartient le délégué.

Art.27 : Les infractions aux dispositions du présent arrêté sont passibles des peines prévues à l’article 168 paragraphe 4 du Code du travail et à l’article R 370 (12°) du Code Pénal.

Art.28 : est abrogé l’arrêté n° 09/MTPS/SG/CJ du 25 avril 1991 portant application des articles 131 et 132 du Code du travail relatifs aux délégués du personnel.

Art.29 : Le présent arrêté qui prend effet pour compter de la date de signature, sera enregistré et publié au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 26 mai 1993

Le Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale,

SIMON MBILA.