La publicité des décisions prises sur les demandes de permis de construire produit ses effets aussi bien à l’égard du bénéficiaire qu’à l’égard des tiers. Elle permet à tous de connaître l’existence de l’acte et de d’en mesurer les conséquences sur leurs droits et obligations. Elle a alors des effets sur l’entrée en vigueur de l’acte (I) et sur les recours éventuels (II).
I – L’ENTREE EN VIGUEUR DE LA DECISION
Pour bien cerner les effets de la publicité sur l’entrée en vigueur de la décision, il faut la confronter avec deux notions importantes : l’opposabilité (A) et la légalité (B)
A – PUBLICITE ET OPPOSABILITE DE LA DECISION
La question est simple : un permis de construire est-il opposable à l’administré dès sa signature ou bien la réalisation des formalités de publicité est-elle un préalable indispensable ?
Il faut ici distinguer entre l’existence d’une décision et son caractère exécutoire et se référer au droit administratif général. Un permis de construire n’est en effet rien d’autre, de ce point de vue, qu’une décision administrative individuelle. A ce titre, selon la formule jurisprudentielle consacrée, « l’existence d’un acte administratif n’est pas subordonné à sa publication ou à sa notification » (CE sect. 27 janvier 1961, Daunizeau : Leb. p.57 ; AJDA 1961 et chr. – CE ass. 21 décembre 1990, Conf. Nat. des Associations Familiales Catholiques : leb. p.368 et concl. B. Stirn ; RFDA 1990, p.1065 et concl. ; AJDA 1991, p.158). Cette existence entraîne notamment deux conséquences non négligeables : un recours pour excès de pouvoir st recevable, la légalité de l’acte s’apprécie à la date de la prise de décision.
A ces principes généraux, il faut ajouter ceux issus du droit de la décentralisation lorsque la décision est prise par le maire au nom de la commune (ou par le président d’un établissement de coopération intercommunale au nom de son établissement). De ce point de vue, la décision est un acte administratif pris par une autorité administrative décentralisée et à ce titre soumis à la loi du 2 mars 1982 qui précise que ces actes « sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés, ainsi qu’à leur transmission au Représentant de l’Etat ». Cette formule a d’ailleurs été reprise dans l’article L.421-2-4 CU.
Ainsi, dans cette hypothèse, les textes sur la décentralisation distinguent clairement l’existence de la décision de son entrée en vigueur. Seule cette dernière date rend l’acte exécutoire. Ainsi le bénéficiaire sera titulaire de son permis de construire dès la signature de l’arrêté mais ne pourra le mettre en oeuvre qu’après respect de l’obligation de transmission et de notification.
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B – PUBLICITE ET LEGALITE DE LA DECISION
Il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie au jour de son édiction. Notamment elle ne s’apprécie jamais en fonction de la manière selon laquelle elle est exécutée. Ainsi une irrégularité dans son exécution, et au cas particulier une publicité irrégulière ne peut le rendre illégal.
Les autorisations d’urbanisme suivent naturellement cette règle : un permis de construire n’est pas illégal du seul fait de l’irrégularité de ses mesures de publicité (CE 3 mai 1974, Boirot : Leb. p.267 – CE 6 février 1981, SCI Kerambigorn : leb. p.65).
Toutefois l’insuffisance ou l’absence de publicité n’est pas pour autant dénué de conséquences. Mais celles-ci ne se font ressentir qu’en matière de contentieux
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II – LA PUBLICITE ET LE DELAI DE RECOURS CONTRE LA DECISION
La publicité de la décision permet à la fois d’informer les administrés et de leur ouvrir une possibilité de recours. Deux problèmes doivent alors être résolus : la définition du point de départ du délai de recours (A) et la coexistence de plusieurs délais parallèles(B).
A – LA DETERMINATION DU POINT DE DEPART DU DELAI DE RECOURS
La détermination du point de départ du délai de recours contre une décision administrative est simple lorsque les formalités de publicité de cette dernière sont simple.
Ainsi, vis à vis du bénéficiaire, le permis de construire fait l’objet d’une simple notification. Le point de départ du recours contentieux est donc, pour lui, la date de cette notification.
Vis à vis des tiers, les éléments se compliquent du fait de l’existence d’une procédure complexe :la décision doit être publiée par affichage en mairie pendant deux mois, affichée sur le terrain également pendant deux mois et pendant toute la durée du chantier et mis à la disposition du public jusqu’au dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux. Trois modalités différentes et donc autant de possibilités de point de départ du délai en fonction de la modalité qui sera privilégiée. Devant cette complexité, la définition du point de départ du délai a varié dans le temps.
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1 – la conception originelle
Pendant longtemps, le juge administratif n’a pris en considération que l’affichage en mairie. Le point de départ du délai du recours contentieux était donc fixé à l’expiration du délai d’affichage sauf si l’illégalité invoquée ne pouvait être connue que par consultation du dossier lui même et que ce dernier n’avait pas été mis à disposition dans des conditions réglementaires. Dans cette hypothèse le délai ne commençait à courir qu’à compter de la date de mise à disposition effective (CE 29 janvier 1965 Erard, leb. p.62 ; AJDA 1965, p.98 ; JCP 1969, II, 14053). Ainsi le juge administratif refusait-il de proroger le délai de recours à raison de l’inexistence de l’affichage sur le terrain (CE 21 avril 1967, Favier : leb. p.175).
Vraisemblablement, le juge ne voulait pas faire dépendre la détermination du point de départ du délai du recours contentieux de l’accomplissement d’une formalité que le bénéficiaire devait lui-même remplir. Or cette interprétation le conduisait à privilégier une modalité du publicité souvent confidentielle et souvent respectée par l’administration avec une bonne dose de mauvaise foi, et imposant à l’administré des déplacements fréquents en mairie sous peine de voir son action contentieuse éventuelle frappée de forclusion. L’affichage sur le terrain au contraire est le mode le plus « transparent » et informatif qui soit. En outre les constructeurs prenaient bien soin de ne pas afficher l’autorisation sur le terrain tout en évitant de commencer les travaux ou même de « préparer » le terrain avant l’expiration du délai de deux mois d’affichage en mairie. Ainsi lorsqu’une activité sur le terrain alertait le voisinage, les délai de recours des tiers étaient déjà expirés.
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2 – l’évolution jurisprudentielle
Ce n’est qu’en 1975 que le Conseil d’Etat a modifié sa jurisprudence par un arrêt d’Assemblée du 25 juillet 1975 (SCI Les Hortentias : AJDA 1975, p.458 et chr. ; AJPI 1975, p.902 et note ; JCP 1976, II, 18233 et note ; rev. adm. 1976, p.484 et note ; RDP 1976, p.1588 et note) en estimant que :
« (…) pour que le délai de recours puisse courir, la publication doit être complète et régulière et comporter notamment l’affichage de la mention du permis de construire sur le terrain dès la délivrance dudit permis. (…) »
Ainsi, dès lors que l’affichage de l’autorisation sur le terrain est tardif, le point de départ du délai de recours contentieux est retardé d’autant car » (…) il ne peut courir qu’à compter de l’expiration d’un délai d’affichage sur le terrain d’au moins deux mois (…) » (CE 10 février 1978, SCI La Résidence, DA 1978, n°92). D’une manière générale, le juge administratif estimait que le point de départ du délai de recours des tiers se situe » (…) à l’expiration d’un délai de deux mois qui commence à courir à compter de la date à laquelle le dernier de ces affichage a été réalisé (…). » (CE 22 juin 1979, SARL Camping Tal Ar Moor : D1979, IR, p.417 et obs.). Ce principe a été maintes fois confirmé par la suite :
« La formalité de l’affichage qui constitue, en principe, le point de départ du délai de recours contentieux, ne peut être réputé accomplie qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui commence à courir à compter de la date à laquelle le dernier de ces affichage a été réalisé. » (CE 16 juin 1982, Meyer Jean-Paul et Min. Env. et Cadre de Vie : req. n° 31.881 et 31.444)
Cette jurisprudence permettait de résoudre le problème de la computation des délais en cas d’affichage tardif : si l’affichage a été réalisé simultanément de façon suffisante et pendant un délai consécutif de deux mois, la suppression postérieure de l’affichage sur le terrain n’est d’aucun effet sur le délai de recours et sa reprise ne fait pas courir un nouveau délai (CE 11 octobre 1978, Ass. pour la protection du site et le développement. harmonieux de Barneville-Carteret : DA 1978, n°333 – CF. contra : CE 2 mars 1979, Comité de défense du plateau de Malmousque : D 1979, n°122)
Cette interprétation, constante depuis lors, n’a connu qu’une exception dans des circonstances bien particulière il faut bien le dire. A la suite d’un conflit larvé entre un pétitionnaire et le Maire d’une commune, ce dernier a délibérément « omis » de se prononcer sur une demande de permis de construire. Le pétitionnaire, se prévalant alors d’un permis tacite, afficha sur son terrain le document valant permis de construire. De son coté le maire refusa obstinément d’afficher la décision en mairie malgré les nombreuses injonction de son bénéficiaire. De guerre lasse le maire finit par retirer l’autorisation alors que l’affichage sur le terrain avait été réalisé depuis plus de deux mois. Le bénéficiaire n’a pas manqué de déférer cette décision à la censure du juge administratif. Pour sa défense, le maire soutint que l’affichage incomplètement réalisé avait empêché le délai de recours de partir et donc que la décision pouvait être retiré à tout moment.
Un tel raisonnement conduisait à vider la jurisprudence de tout son sens : un refus délibéré d’un maire d’afficher une décision en mairie pouvait bloquer le départ de délai contentieux. Cela faisait dépendre le point de départ du délai contentieux de la seule volonté de l’auteur de l’acte.
Le Conseil d’Etat n’a pas voulu suivre le maire dans cette voie et a au contraire considéré, en fonction des circonstances propres à l’affaire, que l’affichage régulier sur le terrain était suffisant en lui-même et que le délai de recours avait normalement commencé à courir deux mois après le début de ce dernier.
Cette espèce est une hypothèse caricaturale qui montre la limite du principe jurisprudentiel. Il n’empêche que dans sa formulation la plus générale, l’interprétation du Conseil d’Etat était très favorable aux tiers. En effet le délai de recours ne commençant à courir qu’après un délai d’affichage de deux mois, les tiers disposaient donc en fait de plus de quatre mois pour réagir après l’octroi du permis de construire : deux mois d’affichage, deux mois de délai de recours auxquels il faut ajouter le délai matériel nécessaire pour assurer l’affichage sur le terrain et en mairie.
La situation était donc exorbitante du droit du contentieux administratif général. Aussi le pouvoir réglementaire, autant par désir d’aligner le droit de l’urbanisme sur le droit commun administratif, que par volonté de suivre les sollicitations des constructeurs désavantagés par cette situation, est intervenu pour modifier l’interprétation du juge.
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3 – l’évolution réglementaire
Un décret n° 88-471 du 28 avril 1988 est venu modifier l’article R.490-7 CU, désormais rédigé ainsi :
Art. R.490-7 : « Le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes:
a) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l’article R. 421-39;
b) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l’article R. 421-39. »
(… suit un ensemble de dispositions qui adapte ce principe aux spécificités des autres autorisations d’occupation et d’utilisation du sol…)
Ce nouveau principe a été explicité par une circulaire n° 88-36 du 2 mai 1988 et commentés par divers auteurs (M. Combrexelle : «Le décret n°88-471 du 28 avril 1988 sur les délais de recours en matière d’urbanisme», GP 1988,2, Doct, 475 – S. Pérignon : « Les autorisations d’urbanisme et le recours des tiers», Defrénois 1988, 753).
En fait cette méthode de calcul fait coïncider la fin du délai de recours des tiers avec la fin du délai d’affichage minimal concomitant mairie/terrain. Elle limite également le délai réel de recours offert aux tiers. Encore faut-il que la période d’affichage ait été effectivement une période de deux mois continue (CE 7 octobre 1992, Laloi : req n°128.985).
L’ensemble de ces solutions pose un problème commun : le problème de la preuve de l’affichage. Le principe est que la preuve appartient soit au bénéficiaire soit à l’administration chacun pour ce qui le concerne. Il appartient également au requérant de démontrer que l’affichage n’a pas été suffisant en « qualité » ou en « temps ». Le juge admettra alors des preuves par tous moyens et la solution ne sera guidée que par l’appréciation des faits de l’espèce.
L’ensemble de ces solutions pose un problème commun : le problème de la preuve de l’affichage. Le principe est que la preuve appartient soit au bénéficiaire soit à l’administration chacun pour ce qui le concerne. Il appartient également au requérant de démontrer que l’affichage n’a pas été suffisant en « qualité » ou en « temps ». Le juge admettra alors des preuves par tous moyens et la solution ne sera guidée que par l’appréciation des faits de l’espèce.
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B – LA COEXISTENCE DE DIFFERENTS DELAIS DE RECOURS
Le permis de construire est soumis à trois modalités de publicité différentes : la transmission au représentant de l’Etat, la notification à l’intéressé, l’affichage et éventuellement la notification au tiers requérant en cas de substitution d’acte en cours de contentieux. A ces trois modes de publicité correspond le point de départ du délai de recours de trois acteurs : le préfet, le bénéficiaire, le tiers et le tiers requérant. Chacun de ces délais et bien de deux mois, mais le plus souvent les différents points de départ ne coïncident pas entre eux.
Cette coexistence de délai impose donc à l’administration une gestion rigoureuse des délais de recours, qui seule permet de déterminer avec exactitude la date à laquelle chacune des décisions prises devient définitive.