L’histoire de la décentralisation au Cameroun est antérieure à l’indépendance du pays. C’est en 1941 que furent créées les Communes de Yaoundé et de Douala. Depuis cette période coloniale, le double processus dévolutif des compétences et de création de nouvelles communes n’a eu de cesse. Aujourd’hui, le paysage administratif est enrichi de 374 communes. La commune, à la naissance, dispose des compétences classiques. Avec les transferts de compétences consentis par l’Etat, au début de l’exercice 2010, par le mécanisme de la décentralisation, les communes se voient munir de larges éventails de pouvoirs qu’il convient de fédérer en un document unique, sorte de vade me cum (du latin vade me cum, « vient avec moi » ), petit livre de voyage de l’élu municipal , répondant aux préoccupations de compétences matérielle de la commune. Pour une bonne compréhension, la première catégorie de compétence classiques de la commune, prend, dans mon texte, le nom de service minimum de la commune (I), tandis que la dernière catégorie, à savoir, les compétences nouvellement transférées à ces collectivités territoriales décentralisées, je la qualifie de compétences acquises (II).

I. LE SERVICE MI NIMUM COMMUNAL OU LES COMPETENCES INNEES DE LA COMMUNE CAMEROUNAISE
Les compétences innées de la commune sont celles inhérentes à son existence et qui découlent des textes légaux et réglementaires dont certains sont partiellement abrogées, à savoir : la loi n° 74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale, la loi n° 87/015 du 15 juillet 1987 portant création des communautés urbaines, l’ordonnance n° 81/002 du 29 Juin 1981, portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques, de la jurisprudence administrative. Ces compétences sont :
A- La gouvernance urbaine
• L’urbanisation et l’aménagement urbain ;
• Le permis de construire ;
• La dénomination des rues, places et édifices publics ;
• L’équipement et les infrastructures d’intérêt communautaire ;
• L’entretien de la voirie principale et la signalisation ;
• La circulation et les transports ;
• Les parkings publics et les parcs de stationnement ;
• Les parcs et les jardins ;
• L’approbation des plans d’urbanisme ;
• La délivrance des autorisations d’alignement et toutes permissions de voirie, notamment l’établissement de canalisations dans la voie publique ;
• La police des voies communales ;
• La délivrance des permis d’occupation temporaire des rues et places publiques ou de dépôts temporaire de matériaux sur les voies communales, les rivières, ports, quais fluviaux autres places publiques communales ;
B- Dans le domaine de la production animale
• Les abattoirs municipaux.
C- Dans le domaine des échanges
• Les marchés et foires
D- Dans le domaine du droit des personnes
• L’Etat-Civil
• La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes ;
• La fourniture d’une sépulture convenable à toute personne décédée dans la commune ;
• Les cimetières.
E- Dans le domaine des infrastructures et services de base
• L’hygiène et la salubrité publiques ;
• L’enlèvement et le traitement des ordures et déchets, l’épuration des eaux usées ;
• L’Assainissement ;
• L’entretien et le nettoyage des voies communales secondaires ;
• L’éclairage public et l’approvisionnement en eau potable.
F- Dans le domaine de la culture
• Les bibliothèques municipales ;
• Les musées municipaux ;
• Les sports et loisirs.
G- Dans le domaine économique
L’intervention dans le domaine économique et social, notamment par voie d’exploitation directe ou par simple participation financière dans les organismes privés ou publics.
H- Dans le domaine du pouvoir réglementaire
1. Le suivi de la réglementation
• La police municipale ;
• La publication et le suivi de l’observance des lois et règlements de police ;
• L’application générale des lois règlements dans la commune ;
• L’exécution des infrastructures gouvernementales et la prise des mesures permettant de leur donner application dans sa commune ;
• L’Exécution des lois et règlements.
2. L’exercice du pouvoir réglementaire de proximité.
J’appelle pouvoir réglementaire de proximité, ce pouvoir que le maire détient, en vertu de la jurisprudence et qui lui donne compétence pleine et entière pour ajouter, à la règlementation générale édictée par le chef de l’Etat ou le Premier Ministre, toutes prescriptions réglementaires que l’intérêt public commande dans la localité. Autrement dit, le maire peut aggraver les mesures édictées par l’autorité supérieure lorsque les circonstances locales exigent une telle aggravation, mais il ne peut les réduire, ni, bien entendu les modifier. Ce principe a été énoncé en France, dans une affaire dont il convient de rappeler les faits. Le Préfet de l’Allier avait, par arrêté, interdit les jeux d’argent dans les lieux publics, avec possibilité de dérogation par le ministre de l’Intérieur. Cet arrêté de police était applicable à toutes les communes du département. Le maire de l’une des communes édicta la même prohibition, mais de manière absolue et sans possibilité de dérogation. Le préfet, usant de son pouvoir de tutelle annula l’arrêté du maire. Le Maire déféra la décision du Préfet au Conseil d’Etat, qui lui donna raison. Cet arrêt qui date de 1902 en France, posa donc le principe que le Maire peur aggraver pour sa commune, les mesures de police prises par les autorités supérieures.
En sus des pouvoirs ci-dessus, la commune camerounaise a acquis des compétences dans de nombreux domaines.

II- LES COMPETENCES ACQUISES DE LA COMMUNE
L’acquisition est positive et négative
A-L’acquisition positive
1-dans la gouvernance de la santé publique
• La maîtrise d’ouvrage en vue de la construction des centres de santé intégrés ;
• L’équipement de ces centres de santé intégrés, par le mise à leur disposition, de mobiliers et matériels homologués, indispensables à la prestation des soins de santé primaires ;
• Toutes mesures nécessaires pour assurer l’hygiène et la salubrité dans les enceintes et autour desdits centres de santé ;
• Le recrutement, la mise à disposition et la prise en charge des salaires du personnel d’appoint, des centres de santé intégrés ;
• La participation aux travaux des comités de gestion des centres de santé intégrés installés dans le ressort territorial de la commune.
2- Dans la gouvernance éducative
• La construction des infrastructures éducatives, notamment les salles de classe, les blocs administratifs, les logements d’astreinte, les aires de jeux ainsi que les latrines, puits et forages rattachés auxdites infrastructures ;
• La réalisation des jardins et cantines scolaires ;
• L’équipement des infrastructures éducatives en mobiliers et matériels nécessaires ;
• L’entretien et la maintenance de l’ensemble des équipements éducatifs ;
• La prise de toutes mesures nécessaires pour assurer l’hygiène et la salubrité au sein et autour de ces écoles et établissements ;
• La mise à la disposition des fournitures scolaires nécessaires au fonctionnement des écoles maternelles et primaires, et des établissements préscolaires ;
• La fourniture des matériels scolaires à ces écoles et établissements ;
• Le recrutement, la mise à disposition et la prise en charge des salaires du personnel d’appoint, des écoles maternelles et primaires, et des établissements préscolaires de ressort.
3- Dans le domaine de politique de la famille et de la femme
La participation à l’entretien et la gestion des centres de Promotion de la femme et de la famille se déclinant en :
• L’entretien et la maintenance des bâtiments, des équipements et des salles spécialisées ;
• L’approvisionnement en matériels et fournitures ;
• L’organisation des fêtes et cérémonies ;
• La prise de toutes mesures nécessaires pour assurer l’hygiène et la salubrité, dans l’entretien et autour desdits centres ;
• Le recrutement, la mise à disposition et la prise charge des salaires du personnel d’appoint, des centres de Promotion de la femme et de la famille ;
• La participation aux travaux des conseils de direction des centres de Promotion de la famille installés dans son ressort territorial
• L’acquisition négative

Il faut relever que la loi du 5 décembre 1974 reconnaissait à la commune un domaine public comprenant :
– les rues, les places et jardins publics, les marchés, les halles, les cimetières, les voies de communications d’intérêt local, à l’exception de celles de grande voirie, placées sous la gestion de l’Etat ;
-les bibliothèques, musées et monuments de la commune et ceux qui lui sont données en cession ou en gérance.
Aujourd’hui, cette reconnaissance directe de la domanialité publique communale est remise en cause par la loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions qui consacre l’exclusivité de la gestion du domaine public artificiel à l’Etat (article 15), lequel peut en transférer la gestion aux collectivités territoriales décentralisées.

Publié en 2004