République du Cameroun Paix-Travail-Patrie
Décret N° 95/466 /PM du 20 Juillet 1995
Fixant les modalités d’application du régime de la faune.
LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT,
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 94/01 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ;
Vu le décret n° 92/089 du 4 Mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre ;
Vu le décret n° 92/244 du 25 novembre 1992 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
Vu le décret n° 92/245 du 26 Novembre 1992 portant organisation du Gouvernement, ensemble ses divers modificatifs ;
DECRETE
TITRE I
DES DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE 1er : Le présent décret porte application de la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, ci-après désigne la ‘’loi’’, notamment en son Titre IV relatif à la faune.
ARTICLE 2 : Pour l’application de la Loi et du présent décret, les définitions ci-après sont admises :
1) Une aire protégée : une zone géographiquement délimitée et gérée en vue d’atteindre des objectifs spécifiques de conservation et de développement durable d’une ou de plusieurs ressources données
Tout projet notamment industriel, minier, agro-sylvopastoral susceptible d’affecter l’objectif de conservation dune aire protégée doit être assorti d’une étude d’impact sur l’environnement.
L’Administration chargée de la faune est de droit membre de toute commission ou de tout organe chargé de cette étude d’impact.
2) Un plan d’aménagement : un document technique élaboré par l’Administration chargée de la faune ou toute personne physique ou morale commise par elle, qui fixe dans le temps et dans l’espace la nature et le programme des travaux et études à réaliser dans une aire protégée et auquel cette dernière est assujettie. Toutefois, les plans d’aménagement des aires protégées gérés par les particuliers peuvent être élaborés par eux-mêmes et approuvés par l’Administration chargée de la faune.
3) Un plan de gestion : un document technique élaboré par l’Administration chargée de la faune ou par toute personne physique ou morale commise par ladite Administration, en vue de planifier dans le temps et dans l’espace toutes les stratégies à mettre en oeuvre pour une utilisation durable d’une ou de plusieurs ressources fauniques données.
4) Un plan de chasse : un document technique élaboré par l’Administration chargée de la faune à l’effet de fixer, dans le temps et dans l’espace, les quotas de prélèvement des différentes fauniques dont la chasse est autorisée.
5) Une convention de gestion : un contrat par lequel l’Administration chargée de la faune confie à une communauté un territoire de chasse du domaine national, en vue de sa conservation et de l’utilisation durable des ressources fauniques, dans l’intérêt de cette communauté.
6) Une réserve écologique intégrale : un périmètre dont les : ressources de toute nature bénéficient d’une protection absolue.
Toute activité humaine, quelle qu’elle soit, est strictement interdite.
Toutefois, en vue de la recherche, le Ministre chargé de la faune peut, à titre exceptionnel, en autoriser l’accès ou le survol à basse altitude aux personnes ou institutions habilitée, à condition qu’elles soient accompagnées d’un préposé de l’Administration chargée de la faune.
7) Une réserve de faune : une aire :
– mise à part pour la conservation, l’aménagement et la propagation de la vie animale sauvage, ainsi que pour la protection et l’aménagement de son habitat ;
– dans laquelle la chasse est interdite, sauf sur autorisation du Ministre chargé de la faune, dans le cadre des opérations d’aménagement dûment approuvées ;
– où l’habitation et les autres activités humaines sont réglementées ou interdites.
8) Un parc national : un périmètre d’un seul tenant, dont la conservation de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l’atmosphère, des eaux, et en général, du milieu naturel, présente un intérêt spécial qu’il importe de préserver contre tout effort de dégradation naturelle, et de soustraire à toute intervention susceptible d’en altérer l’aspect, la composition et l’évolution
a) Sont prises en considération à ce titre :
– la préservation d’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ;
– préservation ou la constitution d’étapes sur les grandes voies de migrations de la faune sauvage ;
– les études scientifiques ou techniques indispensables au développement des connaissances humaines.
b) y sont interdits :
– la chasse et la pêche, sauf dans le cadre d’un aménagement ;
– les activités industrielles ;
– l’extraction des matériaux ;
– les pollutions de toute nature ;
– les activités agricoles, pastorales et forestières ;
– la divagation des animaux domestiques ;
– le survol par des aéronefs à une altitude inférieure à 200 m ;
– l’introduction d’espèces zoologiques ou botaniques indigènes ou importées, sauf dans un but scientifique ou dans le cadre d’opération d’aménagement autorisées par le Ministre chargé de la faune.
9) Un sanctuaire : une aire de protection dans laquelle seules les espèce animales ou végétales nommément désignées bénéficient d’une protection absolue.
La liste de ces espèces est fixée par arrêté du Ministre chargé de la faune.
10) Un jardin zoologique : un site créé et aménagé autour des agglomérations pour un intérêt récréatif, esthétique, scientifique, ou culturel, et regroupant des espèces d’animaux sauvages, indigènes ou exotiques bénéficiant d’une protection absolue.
11) Un “game-ranch” : une aire protégée et aménagée en vue du repeuplement des animaux et de leur exploitation éventuelle dans un but alimentaire ou autre.
12) Un “game – farming” : l’élevage dans un environnement contrôlé, de spécimens d’animaux prélevés à l’état sauvage, en vue de les commercialiser.
13) Une zone tampon : une aire protégée située à la périphérie de chaque parc national, réserve naturelle ou réserve de faune, et destinée à marquer une transition entre ces aires et les zones où les activités cynégétiques, agricoles et autres sont librement pratiquées.
Toutefois, certaines activités humaines peuvent y être réglementées selon un plan d’aménagement dûment approuvé par le Ministre chargé de la faune.
L’acte portant création d’une aire protégée fixe les limites de sa zone tampon.
14) Gestion participative : toute approche de gestion des ressources fauniques qui, dans toutes les phases de son élaboration et de sa mise en oeuvre, intègre de façon optimale les populations locales et tous les autres intervenants.
15) Une battue : la chasse d’une espèce animale nommément désignée, ordonnée par l’Administration chargée de la faune, aux fins d’aménagement, ou de protection des personnes et des biens.
16) une zone banale : un territoire du domaine national dans lequel la chasse est réglementée.
17) Une transaction : un acte par lequel l’auteur d’une infraction en matière de faune commise dans une zone banale ou une zone cynégétique manifeste sa volonté de réparer le préjudice par le paiement de certains droits.
La transaction, lorsqu’elle est acceptée par l’Administration chargée de la faune, éteint l’action publique.
18) Un territoire de chasse : une zone dans laquelle les activités de chasse sont autorisées et menées conformément à la réglementation en matière de chasse.
19) Un territoire de chasse communautaire : un territoire de chasse du domaine forestier non permanent faisant l’objet d’une convention de gestion entre une communauté riveraine et l’Administration chargée de la faune.
20) Chasse traditionnelle : celle faite au moyen d’outils confectionnés à partir de matériaux d’origine végétale.
21) Une collecte : un acte par lequel une personne physique ou morale se procure des dépouilles et trophées d’animaux sauvages, exclusivement auprès soit des détenteurs d’un titre de chasse, soit des autorités compétentes dans le cadre d’une battue administrative ou d’une vente aux enchères, ou auprès des communautés constituées pour les activités cynégétiques.
ARTICLE 3 : Au sens de la Loi et du présent décret, est considérée comme :
1) Zone cynégétique : toute aire protégée réservé à la chasse, gérée par l’Administration chargée de la faune, une personne physique ou morale, une collectivité publique locale, et dans laquelle tout acte de chasse est subordonné au paiement d’un droit fixé par la loi des Finances. Aucun acte de chasse ne peut y être perpétré contre les espèces intégralement protégées.
2) Guide de chasse : tout chasseur professionnel agréé par l’Administration chargée de la faune ayant pour activités principales l’organisation et la conduite des expéditions de chasse, dans le cadre d’une société dûment constituée, dont le siège social est situé dans sa zone d’activité.
3) Acte de chasse : toute action visant :
– à poursuivre, tuer, capturer un animal sauvage ou guider des expéditions à cet effet ;
– à photographier et filmer des animaux sauvages à des fins commerciales.
4) Braconnage : tout acte de chasse sans permis, en période de fermeture, en des endroits réservés ou avec des engins ou des armes prohibés.
5) Arme de chasse : tout engin non prohibé destiné à la chasse.
ARTICLE 4 : Les termes ci-dessous désignent ce qui suit :
1) Droits d’usage : l’exploitation par les riverains des produits forestiers, fauniques ou halieutiques, en vue d’une utilisation personnelle. Toutefois, à l’exception de réserves de faune, des sanctuaires et des zones tampons où ils peuvent être autorisés, les droits d’usage ne s’appliquent ni aux réserves écologiques intégrales, ni aux parcs nationaux, ni aux jardins zoologiques ou aux game-ranches.
2) Biodiversité : l’ensemble des organismes vivants, des écosystèmes terrestres, marins et aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie, y compris la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes.
3) Ecosystème : le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organisme et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle.
4) Mutation : le changement de statut d’une aire protégée.
5) Permis de recherche : une autorisation d’accès à la ressource, dans les aires protégées appartenant à l’Etat.
TITRE II
DE LA PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA BIODIVERSITE
CHAPITRE I
DE LA CONSERVATION DE LA FAUNE
SECTION I
DE LA CREATION DES AIRES PROTEGEES
ARTICLE 5 : (1) La création, l’extension, le classement ou le déclassement d’un parc national, d’une réserve écologique intégrale, d’une réserve de faune, d’un sanctuaire, d’un jardin zoologique ou d’un game-ranch est sanctionné par décret du Premier Ministre, Chef du Gouvernement.
(2) La création ou l’extension d’un parc national, d’une réserve écologique intégrale, d’un game-ranch ou d’une réserve de faune ne peut intervenir qu’après indemnisation des personnes concernées conformément à la législation en vigueur, lorsque leurs droits sont affectés par cette opération.
(3) La création, l’extension, le classement ou le déclassement d’une aire protégée donne lieu à l’établissement d’un titre foncier sur cette aire au nom de l’Etat conformément à la réglementation en la matière.
ARTICLE 6 : (1) La création; l’extension, le classement ou le déclassement d’un parc national, d’une réserve écologique intégrale, d’une réserve de faune, d’un game-ranch, d’un sanctuaire ou d’un jardin zoologique est sanctionnée au vu d’un dossier présenté par le Ministre chargé de la faune et comprenant les pièces suivantes :
– un plan de situation visé par l’Administration chargée du cadastre;
– une note technique préparée par le Ministre chargé de la faune et précisant les objectifs visés par la mesure préconisée ;
– le procès-verbal de la commission prévue à l’article 7 ci-dessous.
(2) Le public est informé du projet par un avis publié au Journal Officiel, par voie de presse écrite ou audio-visuelle, ou par toute autre voie utile, et affiché pendant trente (30) jours continus dans les Chefs-lieux des unités administratives et dans les Mairies et les Chefferies traditionnelles dont les territoires sont inclus dans la zone concernée.
(3) Les réclamations sont reçues par les Chefs de circonscriptions administratives ou les responsables locaux de l’Administration chargée de la faune. Passé ce délai, aucune réclamation ou opposition n’est recevable.
ARTICLE 7 : (1) Il est créé dans chaque département une commission, ci-après désignée la “Commission” chargée :
– d’examiner et de donner un avis sur les éventuelles réclamations ou oppositions des populations ou de toute personne intéressée, à l’occasion des opérations de création, d’extension, de classement ou de déclassement d’un parc national, d’une réserve écologique intégrale, d’un game-ranch, d’une réserve de faune, d’un sanctuaire ou d’un jardin zoologique.
– d’évaluer tout bien devant faire l’objet d’expropriation et de dresser un état à cet effet, conformément aux textes en vigueur en la matière.
(2) la Commission se réunit sur convocation de son Président toutes les fois que les circonstances l’exigent.
Elle est composée de la manière suivante :
Président :
– le Préfet ou son représentant
Membres :
– Le responsable local du Ministère chargé de l’agriculture
– L’agriculture ;
– Le responsable local du Ministère chargé des mines ;
– Le responsable local du Ministre chargé des domaines ;
– Le responsable local du Ministre chargé de l’aménagement du territoire ;
– Le responsable local du Ministère chargé de l’élevage ;
– Le responsable local du Ministère chargé du tourisme ;
– Le ou député(s) du département.
(3) Le Président peut faire appel à toute personne jugée compétente sur les questions examinées.
(4) Le responsable du Ministère chargé de la faune rapporte les affaires et assure le secrétariat des travaux de la Commission.
(5) Les fonctions de Président, rapporteur ou de membre de la Commission sont gratuites.
ARTICLE 8 : Le déclassement total ou partiel d’une aire protégée est sanctionné par décret du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, sur la base d’un dossier élaboré par l’Administration de la faune conformément à l’article 28 de la Loi.
ARTICLE 9 : (1) La mutation d’une réserve de faune en parc national est prononcée par décret du Premier Ministre, Chef du Gouvernement au vu d’un projet initié à cet effet par l’Administration chargée de la faune.
(2) La mutation d’une forêt communautaire en zone d’intérêt cynégétique obéit aux dispositions du (1) ci-dessus.
ARTICLE 10 : (1) Les limites des aires protégées doivent être aussi naturelles que possible en suivant notamment, les cours d’eau, les lignes de crête ou les thalwegs.
(2) Elles doivent, dans tous les cas, être matérialisées, conformément à la réglementation en vigueur.
SECTION II
DE L’AMENAGEMENT DES AIRES PROTEGEES
ARTICLE 11 : (1) les plans d’aménagement, tels que définis à l’article 2 au présent décret, sont rendus exécutoires par arrêté du Ministre chargé de la faune.
(2) Tout plan d’aménagement est élaboré sur la base des directives du Ministre chargé de la faune. Ce plan précise notamment :
– La description générale de l’aire protégée ;
– Les objectifs fondamentaux à atteindre tenant compte, entre autres, des intérêts des populations riveraines biodiversité ;
– Les opérations à réaliser, ainsi que le calendrier de leur exécution ;
– Le coût des opérations ;
– Les indications pour leur suivi et leur évaluation.
3) un arrêté du Ministre chargé de la faune fixe les conditions et les modalités d’accès dans les zones protégées.
SECTION III
DE LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS
ARTICLE 12 : (1) Toute battue doit être, au préalable, autorisée l’Administration chargée de la faune.
(2) Elle intervient, soit sur l’initiative de l’initiative de l’Administration chargée de la faune, en cas de menace, ou dans le cadre des préventions, soit à la demande des populations concernées.
(3) Toute demande de battue est adressée au responsable provincial de l’Administration chargée de la faune qui, sur la base d’une enquête préalable, autorise la poursuite, le refoulement, ou l’abattage animaux ayant causé des dommages ou susceptible d’en causer, à l’exclusion de ceux de la chasse. A dont l’abattage ne peut être autorisé que par le Ministre charge de la faune.
(4) Les battues sont conduites par les préposés de l’administration chargée de la faune. Celle-ci peut requérir le concours de chasseurs bénévoles détenteurs d’un permis réglementaire.
ARTICLE 13 : (1) Conformément à l’article 83 de la Loi, nul ne peut être sanctionné pour fait d’acte de chasse d’un animal protégé, commis dans la nécessité immédiate de sa défense, de celle de son cheptel domestique et / ou de celle de ses cultures.
La preuve de la légitime défense doit être fournie dans un délai de soixante douze (72) heures au responsable de l’Administration chargée de la faune le plus proche.
(2) Toute personne ayant blessé un animal est tenue de tout mettre en œuvre pour l’achever.
(3) Lorsque l’animal blessé n’a pas pu être achevé, déclaration doit, dans les vingt quatre (24) heures, sous peine de poursuites judiciaires, en être faite à l’autorité administrative la plus proche qui, en liaison avec le responsable local pour achever cet animal.
TITRE III
DE LA GESTION DE LA FAUNE
CHAPITRE I
DE L’EXERCICE DU DROIT DE CHASSE
SECTION I
DE LA CLASSIFICATION DES ESPECES ANIMALES
ARTICLE 14 : La répartition des espèces animales en classes A, B et C, telles que prévues par l’article 78 de la loi, est actualisée tous les cinq (5) ans au moins.
ARTICLE 15 : Les espèces animales des classes B et C dont la chasse est autorisée dans les conditions précisées à l’article 78 de la loi sont, en fonction de leur intérêt cynégétique, reparties en trois (3) groupes par arrêté du Ministre chargé de la faune.
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