En parlant de la tendance nouvelle du problème de la responsabilité administrative, relevons que l’évolution est actuellement en France dans un sens d’une extension constante de la responsabilité civile de l’Etat. Le développement des services publics, dont la gestion a entraîné de nombreux dommages professionnels ainsi que divers préjudices aux particuliers, a fait qu’à l’heure actuelle tous les actes de l’Etat sans distinction, engagent sa responsabilité civile et donnent lieu à réparation, qu’il s’agisse d’actes de gestion privée ou d’actes de puissance publique34(*).
La jurisprudence française s’est orientée dans le sens d’une extension continue de la responsabilité sous l’action des facteurs convergents : l’accroissement des activités publiques, le développement des idées de solidarité et l’égalité, l’extension et la responsabilité privée liée à la généralisation des assurances35(*).
Cette extension s’est manifestée dans trois directions :
a. Sur le terrain initial de la responsabilité pour faute de service on assiste, actuellement, au déclin de l’exigence, en certaines hypothèses, d’une « faute lourde ». On se rapproche donc d’une situation dans laquelle tout fait quelconque de l’Administration causant un dommage à l’administré pouvait engager la responsabilité de la puissance publique.
b. Parallèlement s’est développée une responsabilité de plus en plus importante de l’Administration, en dehors de toute faute ; le cas même qui fait l’objet de nos préoccupations tout au long de ce travail.
c. Enfin on a assisté à la disparition des derniers vestiges de l’irresponsabilité de la puissance publique : c’est le cas notamment de la responsabilité du fait des actes du pouvoir législatif, du fait de l’activité juridictionnelle, du fait des services de police36(*).
Comme en France, la responsabilité administrative étendue se fonde en Belgique sur l’idée d’une obligation de sécurité que l’Etat doit garantir aux particuliers. L’arrêt du 7 mars 1963 introduit déjà ce fondement en laissant de côté toute idée de faute et la distinction artificielle parmi les actes dommageables de l’Administration.
A en croire KALONGO MBIKAYI, l’éminent doctrinaire et docteur en droit, cette nouvelle tendance confirme simplement un mouvement de socialisation des risques et de la responsabilité civile qui gagne tous les pays. Partout, on se préoccupe du sort des victimes, et pour leur venir en aide, on ne veut pas être arrêté par des conditions d’indemnisation trop rigides comme la preuve de la faute dommageable. On proclame au contraire que la victime a un droit subjectif à la sécurité et que le corps social tout entier doit pouvoir la sauvegarder et la garantir contre les nombreux risques de la vie, qu’ils proviennent de l’activité administrative ou non37(*).
Dans la section qui suit, nous allons maintenant aborder le vif de notre sujet, qu’est la théorie de la responsabilité sans faute et pour risque de l’Administration.