Le déroulement des élections à la Présidence de la République au Cameroun est précédé par une phase préalable de campagne. Cette étape est destinée à permettre aux différents candidats d’affiner leurs stratégies et de pouvoir se déployer sur le terrain électoral pour séduire, convaincre et susciter l’adhésion de l’électorat. Elle est par conséquent constituée pour chaque candidat d’un ensemble de travaux et d’activités coordonnés destinés à véhiculer l’idéologie défendue et le projet de politique adopté dans l’optique de la conquête de la magistrature suprême. Dans ce cadre, eu égard à la pleine liberté d’expression prégnante, tous les coups peuvent être permis avec comme conséquence fâcheuse le libertinage. Raison pour laquelle, afin d’éviter toutes formes de dérives, le législateur électoral camerounais du 06 Mai 2011, de concert avec ses devanciers du 09 Septembre 1997 et du 17 Septembre 1992, a aménagé une réglementation appropriée de la campagne électorale.
Et dans un contexte marqué par une ouverture historique du droit de vote aux citoyens établis ou résident à l’étranger à la faveur de la Loi N 2011/013 du 13 juillet 2011, cette réglementation va désormais concerner aussi bien les activités exercées à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Dans ce sens, le premier alinéa de l’article 27 du Décret N 2011/237 du 08 aout 2011 portant modalités d’application de la Loi N 2011/013 du 13 juillet 2011 relatives au vote des citoyens camerounais établis ou résident à l’étranger dispose que : « la campagne électorale ou référendaire à l’étranger est faite conformément aux lois et règlement du pays d’accréditation. C’est donc la conjugaison de cette réglementation étrangère avec les dispositions de la loi du 17 septembre 1990 fixant les conditions d’élection et suppléance à la Présidence de la République modifiée par la loi N 2011/002 du 06 Mai 2011 qui permet d’avoir une visibilité suffisante sur le cadre de la campagne électorale au Cameroun(I) et l’encadrement qui lui est réservé (II).
I-LE CADRE DE LA CAMPAGNE ELECTORALE AU CAMEROUN :
Le cadre de la campagne électorale au Cameroun est fixé par l’administration(A) une marge de manœuvre étant reconnue aux candidats(B).
A-LE CADRE FIXE PAR L’ADMINISTRATION :
Au premier abord, il convient de dire d’une part que l’administration en question se résume fondamentalement à la Direction Générale des élections et d’autre part que la campagne électorale se déroule dans un cadre temporel clairement déterminé par l’article 65(1)(nouveau) de la Loi du 06 Mai 2011 qui prévoit que « la campagne électorale est ouverte à partir du quinzième jour qui précède le scrutin. Et en s’appuyant sur la date du 09 Octobre prévue pour la tenue du scrutin présidentiel au Cameroun, il y a lieu de préciser que le début de la campagne électorale est fixé au 24 Septembre 2011. Elle prend fin la veille du scrutin à minuit ». A partir de là, chaque candidat bénéficie d’un nombre de bulletins de vote correspondant à celui des électeurs inscrits, majoré d’un quart établis par la direction générale des élections. Ce même organe établit des bulletins de campagne aux différents candidats dans un format fixé par décision du Directeur Général des élections. C’est la décision de la même autorité qui fixe le format maximum des affiches établies en vue de la campagne électorale.
En plus des dispositions de la Direction Générale des Elections, l’administration publique est appelée à réserver des emplacements aux différents candidats pour l’apposition des affiches et du matériel de campagne de chaque candidat. L’alinéa 2 de l’article 69 de la loi électorale exige pour cela une attribution égalitaire des différents emplacements aux candidats.
B-LE CADRE FIXE PAR LES CANDIDATS ET LEURS FORMATIONS POLITIQUES :
Pour ce qui est des candidats et éventuellement de leurs formations politiques, il s’agit des principaux acteurs de la campagne électorale. Ils sont libres d’élaborer les méthodes gagnantes à leur guise. Pour ce faire ; la loi électorale leur reconnait une certaine marge de manœuvre sous réserve des obligations souscrites à leur charge.
Au nombre des facultés ouvertes aux candidats, l’on peut mentionner la possibilité de faire établir à leurs frais ou ceux du parti qui présente leur candidature, des circulaires, des professions de foi ou des affiches en vue de la campagne électorale. Ces documents seront par la suite établis sur papier de la couleur retenue pour le candidat ou le parti avec le sigle retenu pour l’impression des bulletins de vote. Ils peuvent également librement organiser des réunions sans avoir besoin de requérir une autorisation préalable de l’administration. Mais cela devrait se faire dans le respect des dispositions relatives au maintien de l’ordre public. Ce qui les oblige à prendre toutes dispositions de nature à assurer la salubrité publique, la sécurité publique et la tranquillité publique. Ils devraient à tout le moins éviter d’entraver cet ordre public. Ils sont néanmoins tenus d’informer les autorités administratives des programmes de conférences des réunions électorales qu’ils envisagent d’organiser. Cette exigence a pour but de permettre aux autorités administratives de prendre à leur niveau des mesures appropriées pour assurer le maintien de l’ordre.
. Toujours au titre des obligations à la charge des candidats, l’on peut noter la nécessité d’effectuer pour chaque texte de circulaires et professions de foi et des affiches imprimés, un dépôt de dix exemplaires auprès de l’administration et deux exemplaires auprès du conseil constitutionnel.
II-L’ENCADREMENT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE AU CAMEROUN :
L’encadrement de la campagne électorale au Cameroun vise essentiellement à assurer une certaine moralisation dans les activités de campagne pour notamment éviter les abus des différents acteurs. C’est ainsi que certaines attitudes leur sont interdites(A) et toute dérive encourt des sanctions précises(B).
A-LE REGIME DE L’INTERDICTION/LES ATTITUDES INTERDITES :
A partir du moment ou l’administration a la charge de réserver des emplacements aux candidats pour l’apposition de leurs affiches et matériel électoral, tout affichage public en dehors de ces emplacements est purement interdit à toute personne candidate ou pas. Cette interdiction s’étend aux affiches et inscriptions apposées dans un lieu ouvert au public, dans les locaux privés et aux panneaux attribués à d’autres candidats.
De même, étant donné que la campagne s’achève la veille du jour du scrutin à minuit conformément à l’article 65(1)(nouveau) de la loi électorale, toute diffusion de circulaires, de bulletins et autres documents est interdite le jour du scrutin. Une telle diffusion pourrait non seulement bousculer l’équilibre du jeu politique mais aussi mettre à mal la sérénité du scrutin. C’est pour cela d’ailleurs que l’alinéa 3 de l’article 71 de la loi électorale interdit l’ouverture des débits de boisson..Dans le même sens, il n’est pas permis de tenir des réunions sur la voie publique. Les dispositions de l’article 73(1) autorisent dans cette logique l’autorité administrative à interdire une ou plusieurs réunions projetées par les candidats lorsqu’une menace manifeste ou troubles graves à l’ordre public viendraient à se présenter. Il ne s’agit toutefois pas d’une disposition arbitraire dans la mesure ou l’alinéa2 du même texte prévoit la possibilité de rattraper l’organisation de telles réunions dans un lieu sécurisé et choisi d’un commun accord entre l’administration et le candidat ou la formation politique concernée.
B-LE REGIME DE SANCTION DES ECARTS DE CONDUITE DURANT LA CAMPAGNE ELECTORALE :
S’il est prévu que les candidats peuvent faire établir des circulaires et des professions de foi, cette faculté n’est ouverte que dans un délai de douze jours précédant le scrutin sous peine de forclusion empêchant la délivrance par l’administration du visa nécessaire. Ce même refus s’impose lorsque le texte établi par le candidat constitue un appel à la violence, une atteinte à l’unité ou à l’intégrité du territoire national ou même une indication à la haine contre une autorité politique, un citoyen ou un groupe de citoyens. Toute distribution de tels documents exposent les mis en cause aux poursuites pénales, l’administration ayant en outre le loisir de saisir lesdits documents.
Toujours en guise de sanction, les autorités administratives doivent procéder à l’enlèvement des affiches irrégulièrement apposées. De même, la réunion tenue en dépit de troubles graves à l’ordre public peut être interrompue par le fonctionnaire délégué par l’autorité déconcentrée de la localité concernée conformément aux dispositions de l’article 75 de la loi électorale.