Basile ATANGANA KOUMA, ministre de l’Eau et de l’Energie, explique l’option de diversification.
M. le ministre, en ce qui moment, le gouvernement semble faire feu de tout bois pour résorber le déficit énergétique. Fallait-il attendre la cote d’alerte, telle que décriée récemment par le chef de l’Etat à Memve’ele ?
Au cours des années de crise économique qu’à connu notre pays, l’offre publique des services sociaux de base a été particulièrement affectée par les difficultés financières auxquelles l’Etat a été confronté. Les programmes énergétiques en général, et plus spécifiquement les programmes de développement de l’offre d’électricité ont connu un ralentissement. D’où les déficits de production d’électricité enregistrés depuis l’année 2001.
On voit actuellement beaucoup de chantiers et de projets dans ce secteur, pour différents types de sources d’énergie. Qu’est-ce qui justifie ce choix de la diversité ?
Tout d’abord, les multiples projets qui voient le jour dans le secteur de l’énergie sont le fruit des multiples efforts déployés par le gouvernement pour apporter une solution idoine au déficit énergétique auquel est confronté notre pays. S’agissant de la variété des sources d’énergie auxquelles nous recourons, nous traduisons dans les faits le fameux adage de chez nous selon lequel il ne faut pas mettre ses œufs dans le même panier. En effet, l’approvisionnement en énergie est l’objet d’influences diverses dont les plus en vue sont le comportement des marchés et les phénomènes naturels. Les tensions persistantes sur les marchés pétroliers et gaziers remettent au goût du jour le concept de « diversification du bouquet énergétique ». En ce qui concerne les phénomènes d’origine naturelle, notre parc de production qui est à prédominance hydraulique n’est pas à l’abri des vicissitudes du climat qui peuvent se traduire dans des sècheresses exceptionnelles telles que nous les avons vécues en 1972/73 et plus récemment au début des années 2000. La diversification des technologies de production électrique d’un pays permet d’améliorer la sécurité d’approvisionnement en énergie et de réduire les effets négatifs des variations du prix des hydrocarbures et des vicissitudes climatiques sur la fourniture d’énergie et sur l’économie.
Quelle place accordez-vous aux énergies renouvelables ? Simple solution de rechange ou option à part entière ?
Les énergies renouvelables sont devenues incontournables devant le risque que font peser sur la sécurité énergétique les problématiques de la limitation des ressources d’énergie conventionnelle et du réchauffement de la planète qui est associé à leur développement, de l’explosion démographique et du doublement inhérent à la demande d’énergie globale. Ces problématiques nous concernent tous. Le nombre des pays et des acteurs qui de nos jours sont touchés par ces problématiques et qui sont engagés dans la recherche des solutions efficaces à la sécurité énergétique augmente dans le monde entier. Notre pays ne peut rester en marge de ces développements, au risque de ne pas être au rendez-vous de la sécurité énergétique alors qu’il est richement doté de ressources énergétique renouvelables. En réponse, je dirais que les énergies renouvelables ne sont pas une simple solution de rechange, mais une option à par entière.
Pourquoi ces autres sources d’énergies sont-elles si peu vulgarisées ?
En fait, l’usage de l’énergie nécessite de répondre aux questions où ? Quand ? Comment ?
Le développement significatif des énergies renouvelables pose un certain nombre de problèmes inédits, de par leur nature même. Les énergies renouvelables ont des caractéristiques qui les différencient des énergies classiques : elles sont, de manière générale, diffuses et intermittentes. Par exemple, si la filière pétrolière répond facilement aux questions de transport, de stockage et de flexibilité des usages, ce n’est pas le cas pour les énergies renouvelables. A l’exclusion des énergies renouvelables des réseaux (éolien, hydrolien…) pour lesquelles ces questions se posent à des degrés moindres. Répondre à ces questions nécessite une intégration plus fine des énergies renouvelables dans les systèmes énergétiques de consommation. Par ailleurs, la faible taille des installations pose aussi le problème de transaction entre tous les acteurs nécessaires à leur mise en œuvre. En effet, les décisions en système énergétique centralisé sont plus aisées que dans un système décentralisé. Mais il pose aussi le problème de l’innovation. En effet, il s’agit dans la plupart de temps de technologies nouvelles qu’il faut faire émerger. Ce qui nécessite un certain temps pour leur diffusion.
Quel est exactement le déficit à combler ?
Le déficit énergétique à la pointe sur le réseau interconnecté Sud qui regorge la majeure partie de la demande se situait autour de 150 MW à l’étiage 2012. Celui-ci sera comblé dès la mise en service de la Centrale au gaz naturel de Kribi au premier trimestre 2013.
Menés à terme, tous ces projets permettront de largement combler le déficit actuel tant décrié. Mais le gouvernement tient-il compte de l’évolution des besoins (démographie, développement de l’industrie…) ?
La sécurité énergétique implique en effet non seulement d’apporter une solution au problème existant, mais surtout d’anticiper les actions adéquates pour faire face à la demande d’énergie future. Ce qui suppose de s’appuyer sur la prévision et la planification. A cet effet, le gouvernement a élaboré un Plan de développement du secteur de l’électricité à long terme (PDSE 2030) dont la mise à jour est en cours. Ce plan dont l’horizon de mise à jour projeté est 2035, comprendra : une analyse prévisionnelle de la demande d’électricité des différentes catégories de consommateurs (ménages, industries, exportation) ; un plan de développement à moindre coût des moyens de production les mieux appropriés pour répondre à la demande en termes de capacités et de localisation et un plan de développement du réseau de transport répondant en tout temps et de façon fiable aux besoins de la production et de la demande à l’échelle nationale et à l’exportation.
Il nous permettra en effet d’anticiper à temps la préparation des projets adaptés à la satisfaction de la demande.
Les ménages camerounais peuvent-ils espérer à la longue, le prix du courant électrique plus accessible ?
Le contexte du développement durable implique en effet de minimiser les coûts économiques et sociaux des modèles de production et de consommation d’énergie. L’une des pistes principales qui permettent de diminuer ces coûts réside dans le recours aux technologies pouvant permettre d’avoir un résultat plus efficient à coût plus faible. En élaborant un plan de développement à moindre coût des moyens de production, le gouvernement s’engage dans la voie de fourniture de l’énergie à des prix compétitifs pour les industries et abordables pour les ménages.
Propos recueillis
Par Jocelyne NDOUYOU-MOULIOM