La notion de protection de la vie privée découle d’un long processus à la fois politique et juridique, et continue aujourd’hui de se heurter à des problèmes de délimitation. En effet, la notion de vie privée en tant que telle n’est pas clairement définie, et ne peut s’appréhender qu’en considérant les modalités de sa protection et les différents droits concrets qu’elle suppose. C’est pourquoi notre étude se centre sur le cas français tout en considérant les évolutions introduites dans le droit interne par le développement de la réglementation européenne, et en évoquant parfois les progressions parallèles des systèmes anglo-saxons.
En dépit des dispositions législatives et réglementaires existant sur ce sujet, ainsi que d’une jurisprudence abondante, la protection de la vie privée se heurte aujourd’hui à deux nouvelles difficultés. L’incompatibilité des aspirations manifestées par les citoyens révèle des contradictions entre cette nécessaire protection de la vie privée et d’autres principes démocratiques. Ainsi, la sécurité, considérée depuis de nombreuses années comme l’une des préoccupations majeures des français génère des dispositifs de protection et de surveillance de plus en plus sophistiqués et difficilement conciliables avec une garantie d’inviolabilité de la vie privée. De même, les évolutions technologiques et le développement de l’informatique et des télécommunications ne vont pas sans nuire à la confidentialité des activités privées.
On peut donc se demander comment le développement d’une protection de la vie privée a mené à la consécration de la notion même de vie privée et comment cette protection évolue et s’adapte face aux attaques renouvelées qui lui sont portées.
Nous verrons tout d’abord que le développement de la protection de la vie privée a permis l’avènement d’une vision étendue de la notion de vie privée, puis que cette protection continue d’être en concurrence avec d’autres principes démocratiques et enfin que cette protection est mise à mal par le développement des nouvelles technologies de l’information.
{{Quelques extraits de La protection de la vie privée}}
[…] Cependant, la protection de la vie privée demeure fragile au regard des atteintes qui lui sont portées sous des formes sans cesse nouvelles. La théorie d’une puissance unique envahissant les recoins les plus intimes de notre vie au moyen de technologies à la pointe tient bien plus du mythe que de la réalité. Les menaces qui pèsent sur la protection de la vie privée semblent bien plus découler de l’apathie d’individus dont le bien être est pris en charge par un Etat bienveillant doublé d’une multiplicité d’acteurs proposant des services personnalisés grâce à la formation de fichiers nominatifs collectant les données personnelles qui nous caractérisent. […]
[…] Ce sont les différents domaines de protection contre les empiétements de l’Etat qui ont permis l’émergence de la notion et dessiné les contours de la vie privée. Les Etats-Unis proclament ainsi dans le quatrième amendement de la Constitution (1787) le « droit des citoyens d’être garantis dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et effets, contre toute perquisition et saisie déraisonnable ». Cet article, connu sous le nom de « search and seizure clause » a et continue de donner lieu à une jurisprudence abondante qui tente de définir de plus en plus précisément et de manière de plus en plus restrictive les conditions sous lesquelles la police est autorisée à s’introduire chez les particuliers. […]
[…] En France, c’est la loi du 17 juillet 1970, qui assure une véritable protection de la vie privée. En effet, elle ne garantit plus seulement la protection de l’individu contre l’Etat, mais également contre les tiers. Le Code civil consacre dès lors dans son article 9, le principe selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée » et prévoit en outre que « les jugent peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toutes mesures telles que séquestre, saisie et autre, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ». […]
[…] Elle est à l’origine de l’approfondissement des bases juridiques de la protection de la vie privée. En effet, par exemple, le Conseil Constitutionnel a interdit le 12 janvier 1967 puis à nouveau le 18 janvier 1995 la fouille généralisée des véhicules parce qu’elle constituait une atteinte à la liberté individuelle. De même, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France le 24 avril 1990 parce qu’elle se refusait à légiférer sérieusement sur les écoutes téléphoniques en constatant que cette immixtion dans la vie privée, réglementée de façon floue, n’était pas conforme aux exigences d’une société démocratique. […]
[…] III Les NTIC, une menace pour la protection de la vie privée? Le développement des Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication quel que soit leur usage portent de différentes manières des risques d’atteinte à la vie privée notamment par le stockage d’informations de toute nature concernant un individu qu’elles rendent possibles. L’établissement de profils de consommateurs en tout domaine, la réalisation de dossiers médicaux portables sur carte, la vidéosurveillance dans les entreprises ou dans la rue sont quelques exemples de possibilités de stockage d’informations sur un individu par les NTIC. […]