MICROFINANCE, PAUVRETE, BESOINS SANS REPONSES
ET RESSOURCES LOCALES INEXPLOITEES
LA NECESSITE D’UNE APPROCHE COMPLEMENTAIRE DE « MICROFINANCE NON MONETAIRE »
(CONCEPT « CAP’COMPENSATION »)
1 – CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Cette contribution concrète procède d’un constat très simple : d’une part les Etablissements de microfinance se plaignent généralement de ne pas pouvoir jouer pleinement leur rôle d’instrument de développement et de réduction de la pauvreté du fait des problèmes récurrents auxquels ils sont confrontés et tenant entre autres à la faiblesse des ressources financières permanentes, alors que d’autre part, le milieu cible traditionnellement visé par les Etablissements de microfinance est constitué d’acteurs dynamiques, de véritables créateurs de richesses, postés à l’avant-garde de la lutte contre la pauvreté, recelant d’importantes potentialités et ressources (inexploitées) mais généralement ignorés ou exclus des circuits financiers traditionnels, avec leurs besoins en financement (entre autres) insatisfaits du fait des blocages financiers ou monétaires.
Des enquêtes sommaires ont en effet démontré que les acteurs du secteur informel (par exemple) confrontés au problème de financement dus à l’absence d’apport personnel, à l’insuffisance des garanties et à la faiblesse des capacités de remboursement, rendant difficile l’accès à un crédit classique, conservent généralement intacte leur capacité de production, et seraient disposés à satisfaire à leurs obligations (de remboursement) dans le cadre d’un processus d’échange marchandises.
2 – DESCRIPTION SOMMAIRE
Le concept préconisé est une approche de « microfinance sans argent » consistant pour l’Etablissement de microfinance à émettre (dans le respect des normes COBAC) des instruments de paiement complémentaires non monétaires (sécurisés via des mécanismes de garantie), réellement adaptés à la lutte contre la pauvreté et que les acteurs de la lutte contre la pauvreté intéressés utilisent pour satisfaire réciproquement leurs besoins, en payant chacun indirectement avec ses propres productions prestations, capacités disponibles (ou futures), grâce à une technique maîtrisée de compensation multilatérale par compte.
3 – PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT
Basé sur l’échange marchandises, le principe de fonctionnement de ce mode alternatif de « microfinance non monétaire » qui permet de construire un « pont » entre les besoins sans réponse et les ressources locales inexploitées est simple et sans risque :
1 – Chaque acteur intervient comme fournisseur ou prestataire pour offrir ses productions ou ses prestations propres, en retour, il reçoit en contrepartie pour la part compensable (dans un compte spécial fonctionnant sans argent liquide) un « crédit » équivalent qu’il pourra utiliser à son rythme pour acquérir des biens ou services dont il a besoin auprès de n’importe quel autre participant
2 – Un Guichet de compensation fonctionnant comme une Chambre de Compensation Industrielle et une « plate-forme d’échange marchandises » gère les comptes d’échange compensation dont chaque intervenant est titulaire
4 – EXEMPLES CONCRETS
1 – CAS DE L’ETABLISSEMENT DE MICROFINANCE
Dans le cadre d’un Programme spécial de « microcrédits (solidaires) alternatifs », un Etablissement de microfinance finance partiellement par « échange marchandises » certaines activités de production de ses clients demandeurs de crédits. A l’issue de ce « Programme », on obtient le tableau simplifié suivant :
DETAILS MONTANT
Montant global des besoins en financement 50 000 000
Financements non monétaires (40%) 20 000 000
Financements en numéraires 30 000 000
Economie de trésorerie 20 000 000
Remboursement en numéraires (10%) 2 000 000
Accroissement des ressources pour l’EMF 2 000 000
2 – CAS D’UN ARTISAN
Dans le cadre d’un Programme ponctuel de promotion du secteur artisanal, un métallo soudeur réalise avec divers partenaires des transactions réglées par échange marchandises, et le relevé de son compte spécial « COMPENSATION » se présente de manière simplifiée comme suit :
LIBELLES
DEBIT
CREDIT
SOLDE
Livraisons grilles
300 000
+300 000
Acquisition ferraille
100 000
+200 000
Livraison mobilier médical
500 000
+700 000
Réfection atelier
200 000
+500 000
Livraison moules à briques
400 000
+900 000
Acquisition matériel
600 000
+300 000
Livraison outillage agricole
500 000
+800 000
Hospitalisation et soins
200 000
+600 000
3 – CAS D’UNE DIPLOMEE SANS EMPLOI
Dans le cadre de sa participation à un Programme ponctuel de soutien à la lutte contre le chômage, une jeune diplômé sans emploi satisfait ses besoins en payant partiellement avec ses compétences et le « relevé » de son compte spécial COMPENSATION présente comme suit :
LIBELLES DEBIT CREDIT SOLDE
Cours de répétition 200 000 +200 000
Denrées alimentaires 100 000 +100 000
Acquisition de mobilier 75 000 +25 000
Travaux comptables 150 000 +175 000
Formation informatique 50 000 +125 000
Soins médicaux 50 000 +75 000
Cours d’entraide scolaire 100 000 +175 000
4 – CAS D’UNE PERSONNE SANS QUALIFICATION
Dans le cadre de sa participation à un Programme municipal de lutte contre la pauvreté urbaine, un responsable de famille sans qualification satisfait ses besoins en payant partiellement avec sa « force de travail » et le « relevé » de son compte spécial COMPENSATION présente de manière simplifiée comme suit :
LIBELLES DEBIT CREDIT SOLDE
Travaux de manœuvre 100 000 +100 000
Denrées alimentaires 60 000 +40 000
Dépannage téléviseur 15 000 +25 000
Curage des caniveaux 50 000 +75 000
Achat chaussures + habits 40 000 +35 000
Soins médicaux 10 000 +25 000
Fournitures scolaires 20 000 +5 000
5 – CAS D’UNE ENTREPRISE PARTENAIRE
Dans le cadre de sa participation à un Programme municipal de lutte contre la pauvreté urbaine, une Société de téléphonie mobile finance entièrement en nature sa participation à la réhabilitation et à la remise en état de deux structures sanitaires, et l’état de sa contribution se présente de manière simplifiée comme suit :
DETAILS
MONTANT
BUDGET TOTAL PREVU
10 000 000
DONS EN UNITES TELEPHONIQUES (70%) 7 000 000
DONS EN PORTABLES (30%) 3 000 000
CONTRIBUTIONS EN NUMERAIRES
0
ECONOMIE DE TRESORERIE POUR LA SOCIETE
10 000 000
6 – CAS D’UNE MUNICIPALITE
Dans le cadre d’un Programme municipal de lutte contre la pauvreté urbaine, une Municipalité fait effectuer sur la base du concept préconisé des travaux de réhabilitation et d’équipement d’Etablissements scolaires et sanitaires, et d’assainissement divers, et les résultats de ces actions se présentent de manière simplifiée comme suit :
DETAILS MONTANT
Travaux de maçonnerie 3 000 000
Travaux de plomberie 1 000 000
Travaux de peinture 1 000 000
Travaux d’électricité 1 000 000
Travaux de soudure 2 000 000
Travaux de menuiserie 1 000 000
Travaux d’assainissements divers 1 000 000
COUT TOTAL DES TRAVAUX 10 000 000
FINANCEMENT NON MONETAIRE (50%) 5 000 000
BUDGET REEL 5 000 000
ECONOMIE DE TRESORERIE 5 000 000
5 – ASPECTS TECHNIQUES
Techniquement, l’approche préconisée comporte globalement trois étapes :
1 – Création d’une base de données
2 – Mise en relation des « partenaires compensateurs »
3 – Traitement, comptabilisation et gestion des opérations
Les dispositions techniques et précautions visant à réduire au minimum les facteurs de risque d’une telle solution se situent essentiellement aux niveaux suivants : la sélection des candidats, la formation des acteurs, le respect des obligations réciproques, la surveillance des comptes de compensation, la maîtrise des risques de surfacturation, la moralisation des échanges, la sécurisation des opérations, la définition précise des limites des responsabilités, les respect des législations en vigueur, la garantie de bonne fin des transactions, le contrôle strict de l’émission et de la circulation ainsi que des conditions de garantie des instruments de compensation, la constitution éventuelle d’un « fonds de garantie », la mise en œuvre prudente et progressive de certaines activités, etc.
6 – ACTIVITES
Le Guichet Spécial de Compensation qui possède une structure de « CERCLE » regroupant les « clients et les partenaires compensateurs », se charge de concevoir et de mettre en œuvre des formules de produits, des actions d’animation dynamiques, des services spécialisés, des microprogrammes spéciaux attractifs, etc. :
1 – PRODUITS MICROFINANCIERS COMPLEMENTAIRES
Il s’agit d’une gamme de produits et d’instruments microfinanciers alternatifs très simples à comprendre et à appliquer, conçus pour « doper » la lutte contre la pauvreté.
2 – ACTIONS D’ANIMATION
Il s’agit d’un ensemble d’actions d’animation dynamiques directement en prise avec les offres et les besoins exprimés, destinées à créer des disponibilités suffisantes et un courant mutuellement satisfaisant de transactions entre les acteurs
3 – SERVICES SPECIALISES
Il s’agit des sept solutions concrètes spécifiques aux éventuels problèmes liés à la technique d’échange marchandises préconisée
4 – FORMULES D’APPROCHES
Il s’agit de quatre formules d’approches prenant en compte les motivations des acteurs et qu’une étude sommaire a permis de mettre au point
7 – AVANTAGES
Avec la solution préconisée, les productions, les prestations, les capacités disponibles ou futures, etc., deviennent de « nouveaux moyens complémentaires de paiement », et chaque client participant peut, par échanges partiels indirects avec ses propres productions ou prestations :
– satisfaire ses besoins personnels, domestiques ou professionnels, etc.
– anticiper sur la création de son épargne
– améliorer son pouvoir d’achat
– liquider ses dettes ou recouvrer ses créances
– atténuer le phénomène de « saison morte » de son activité
– bénéficier de conseils ou de formation
– Etc.
Quant à l’Etablissement de microfinance, il peut tirer profit de ce mode alternatif et complémentaire de financement pour :
– attirer les dépôts et accroître ses ressources
– augmenter ses capacités de financement
– augmenter ses capacités de recouvrement de créances
– s’impliquer davantage dans la lutte contre la pauvreté
– expérimenter sans risque de nouveaux produits et services
– renforcer son image et accroître sa notoriété
– acquérir de nouveaux champs de compétences
– etc.
8 – CONCLUSION
Une telle solution pragmatique (fonctionnant actuellement avec succès en SUISSE – Banque WIR) adaptée aux réalités locales, contribuera de manière significative à « doper » la lutte contre la pauvreté, à valoriser les ressources locales, à créer des ponts entre les besoins (au sein de la communauté) sans réponse et les ressources inexploitées, etc.
De nombreux groupes cibles interrogées dans le cadre des sondages et des réunions d’information, apprécient positivement cette approche bienvenue qui leur apporte un appui qu’ils ne pouvaient espérer avoir autrement, et souhaitent vivement sa concrétisation rapide.
Jean-Pierre MFOMY
PROJET PILOTE CAP’COMPENSATION
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