De manière générale, les conventions relatives à l’environnement marin définissent des termes, principes et concepts tendant à la protection ou à la gestion de ce milieu. La convention et le protocole d’Abidjan répondent bien à ces critères. Seulement, plusieurs raisons permettent d’émettre des réserves sur l’efficience des dispositions de la convention et du protocole. La première critique va à l’encontre de la définition de la notion de pollution marine. D’après ces textes, elle est « l’introduction directe ou indirecte par l’homme de substance ou d’énergie dans le milieu marin, les zones côtières et les eaux intérieures connexes (…) ». Cette définition semble ne pas tenir compte de l’évolution des activités maritimes et surtout côtière313(*). Elle est limitée dans le temps dans la mesure où la dégradation de l’environnement marin n’est plus le seul fait de la pollution. Parmi les autres sources de dégradations figurent la surexploitation des ressources biologiques et non vivantes du sol et du sous-sol marin ; l’érosion côtière et les « agressions esthétiques314(*) ». Donc la dégradation des océans et des mers ne peut plus uniquement être attribuée à la pollution. Les activités de dragage des fonds marins et d’extraction de sable et gravier315(*) génèrent des effets nuisibles sur l’environnement marin, sans qu’il soit besoin d’introduire des substances étrangères dans le milieu marin.
Cette définition lacunaire a sûrement inspiré le législateur camerounais car il aborde la notion de pollution marine avec la même philosophie et dans le même sens.
La deuxième critique, quant à elle, va à l’encontre de l’imprécision des dispositions concernant « les mesures appropriées » que sont censées prendre les parties contractantes pour « prévenir, réduire, combattre et maîtriser la pollution». Elles sont redondantes, sans qu’aucune précision ne soit apportée sur leur nature. Le professeur KAMTO relève également cette lacune et souligne par ailleurs que cette expression revêt un caractère rhétorique dans les conventions internationales et revient inlassablement et invariablement316(*). Elle n’en est pas moins insatisfaisante alors même qu’elle s’applique à la principale source de dégradation du milieu marin. Cette disposition aurait pu faire l’objet d’un protocole et donner lieu à une réglementation beaucoup plus détaillée et techniquement plus contraignante ; et donc à la possibilité d’entreprendre les actions concrètes317(*).
Telles sont donc les dispositions lacunaires qui fragilisent le dispositif d’Abidjan. A ces lacunes s’ajoute son protocole répondant difficilement à tous les problèmes écologiques du milieu marin.
La pollution marine d’origine tellurique et l’érosion côtière sont les plus importants des problèmes écologiques du milieu marin et des zones côtières dans la sous région d’Afrique Centrale. Mais, le dispositif juridique mis en place survole tranquillement cette question ; ce qui constitue un autre point de faiblesse des textes d’Abidjan. Son seul protocole en vigueur est relatif à la lutte contre la pollution marine par les hydrocarbures en cas de situation critique. Cette démarche ne tient pas compte de l’évolution du droit international de l’environnement en général et de l’existence actuelle d’instruments juridiques multiples relatifs à l’environnement marin et côtier318(*).
En effet, lors de son élaboration, le système juridique d’Abidjan était déjà soucieux des lacunes du protocole. C’est pour cette raison que le texte de la convention dispose en son article 4 paragraphe 2 que : « les parties contractantes coopèrent en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique (…), d’autres protocoles prescrivant des mesures, des procédures et des normes convenues en vue de prévenir, réduire, combattre et maîtriser la pollution quelle qu’en soit la source ; ou de promouvoir la gestion de l’environnement (…) ». Mais, l’on ne comprend pas pourquoi jusqu’à nos jours, rien n’a été fait pour doter la convention d’Abidjan d’autres protocoles. Pourtant, l’adoption d’un protocole additionnel sur les zones spécialement protégées semble être une nécessité dans la mesure où l’on parvient encore difficilement à une gestion écologiquement durable des ressources marines en Afrique Centrale notamment au Cameroun. Par contre, un tel dispositif est déjà effectif depuis le 21 Juin 1985 en Afrique Orientale. Ce protocole sur les zones spécialement protégées a été élaboré le même jour que la convention de Nairobi de 1985.
Ainsi, le système juridique d’Abidjan devrait suivre non seulement l’exemple du dispositif de Nairobi, mais aussi et surtout celui de la Méditerranée où le système juridique de Barcelone, composé déjà de six protocoles s’apprête maintenant à y ajouter un septième relatif aux zones côtières319(*).
En somme, les textes d’Abidjan sont lacunaires dans certaines de ses dispositions. Ces lacunes empêchent à ce système juridique de permettre une protection efficace de l’environnement marin et des zones côtières. Elles sont aussi susceptibles de fragiliser les systèmes juridiques nationaux qui se bornent à les mettre en oeuvre sans recourir aux mesures d’autres instruments conventionnels concernant les milieux marin et côtier. Cependant ces lacunes ne suffisent pas à elles seules pour justifier la faible protection de l’environnement marin au Cameroun. A elles peut s’ajouter la complexité de la mise en oeuvre des normes internationales dans ce pays.
* 313 Voir ASSEMBONI -OGUNJIMI (A, N) ; op. cit. pp. 150-151.
* 314 Cette expression est de Mme Maguelonne DEJEANT-PONS ; citée par ASSEMBONI- OGUINJINMI, Idem. Elle désigne les agressions portées aux zones côtières par les activités touristiques.
* 315 Ce sont les pratiques très prisées sur le littoral camerounais.
* 316 Voir, KAMTO (M), Droit de l’environnement en Afrique, op. cit. p. 263.
* 317 Voir KAMTO (M), Idem.
* 318 Voir ASSEMBONI-OGUNJIMI (A, N), op. cit. p. 154.
* 319 Idem, p.157.