31 mai 1957 – Rosan Girard
La notion d’acte inexistant
Analyse

Par cette décision, le Conseil d’État juge que certains actes administratifs sont affectés d’une telle illégalité qu’ils doivent être regardés comme inexistants, ce qui permet de les contester ou de les rapporter à tout moment, même lorsque le délai de recours est écoulé.

Les élections municipales d’avril 1953 eurent lieu dans un contexte particulièrement tendu dans le commune du Moule à la Guadeloupe. A la suite de divers incidents au cours du scrutin et lors du dépouillement, le préfet exigea du maire sortant, qui présidait le bureau centralisateur, que les urnes fussent transmises au conseil de préfecture pour qu’il procède lui-même au dépouillement et à la proclamation des résultats. Le maire refusa mais l’une des quatre urnes fut saisie par la gendarmerie. Le bureau centralisateur proclama néanmoins le résultat des élections et la reconduction du maire sortant. Le préfet, au lieu de déférer ces résultats au juge de l’élection, constata, par arrêté, l’inexistence des opérations électorales. Une délégation municipale spéciale fut alors mise en place et de nouvelles élections furent organisées, qui virent la défaite du maire sortant. Celui-ci attaqua l’arrêté du préfet déclarant l’inexistence des opérations électorales, la mise en place d’une municipalité provisoire et les élections qui lui avaient été défavorables. Le Conseil d’État lui donna raison : alors que la délai de recours contre l’arrêté du préfet était écoulé, il ne rejeta pas la requête de M. Rosan-Girard comme tardive mais déclara “nul et non avenu” l’acte du préfet, “eu égard à la gravité de l’atteinte ainsi portée par l’autorité administrative aux attributions du juge de l’élection”.

Le Conseil d’État ne constate qu’un acte administratif est juridiquement inexistant que de façon très exceptionnelle. L’acte juridiquement inexistant est affecté d’une illégalité particulièrement grave et flagrante, qui le rapproche de la voie de fait, c’est-à-dire d’une décision de l’administration manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration et portant gravement atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale (voir Action française ). Mais les domaines respectifs de ces deux notions ne se recouvrent pas exactement : ainsi certains actes ont été regardés comme juridiquement inexistants par le Conseil d’État sans constituer pour autant une voie de fait. C’est le cas, par exemple, des nominations pour ordre, c’est-à-dire non suivies d’une affectation réelle des intéressés dans leurs fonctions (Sect. 30 juin 1950, M…, n°1326, p. 400 ; Ass. 15 mai 1981, M…, n°33041, p. 221), des mesures prises après qu’un fonctionnaire ait été atteint par la limite d’âge (Sect. 3 février 1956, F…, n°8035, p. 45), la décision prise par le maire d’une commune et ses adjoints réunis en “conseil d’administration” de la commune, en lieu et place du conseil municipal (9 novembre 1983, S…, n°15116, p. 453). Toutefois, le juge ne recourt que de façon exceptionnelle à la notion d’acte inexistant : tous les actes administratifs affectés d’une illégalité très grave ne sont pas nécessairement inexistants (ex. : Ass. 10 février 1961, C…, n°49300, p. 102).

L’acte inexistant peut être déféré au juge de l’excès de pouvoir à tout moment, sans condition de délai. Il peut être retiré à tout moment et ne peut créer de droits. Enfin, le juge soulève d’office l’inexistence de l’acte (5 mai 1971, Préfet de Paris et ministre de l’intérieur, p. 329).

31 mai 1957 – Rosan Girard – Rec. Lebon p. 335
Décisions, Avis & Publications

* ArianeWeb
* Les grands avis
* Sélection contentieuse
* Sélection des décisions faisant l’objet d’un communiqué de presse
* Présentation des grands arrêts
* Jurisprudence du Conseil d’État
* Études & Publications
* Se procurer les actes du Conseil d’État
* Bilan d’activité

*
LES GRANDS ARRETS

Vous pouvez retrouver les grands arrêts en texte intégral suivi d’une fiche de jurisprudence (titrage et résumé de l’arrêt) plus développée sur le site Legifrance
*

Voir le
site Internet
du Tribunal des conflits