C.E., 22 JUIN 1951, DAUDIGNAC (extraits), D. 1951.589, concl. F. Gazier, note J. C. :
(…) Sur la légalité de l’arrêté du maire de Montauban en date du 2 mars 1949:
Cons. que, par cet arrêté, le maire a soumis à une autorisation, dont les conditions étaient fixées par l’acte attaqué, l’exercice, même temporaire, de la profession de photographe sur la voie publique ; qu’il est constant qu’il a entendu viser ainsi notamment la profession dite de photographe-filmeur ;
Cons. que les opérations réalisées par ces photographes n’ont pas le caractère de ventes au déballage, soumises à autorisation spéciale du maire par la loi du 30 décembre 1906 ; qu’en admettant même qu’elles soient faites par des personnes ayant la qualité de marchand ambulant au sens de l’art. 1er de la loi du 16 juillet 1912, le maire, qui tient de l’art. 97 de la loi du 5 avril 1884, le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux inconvénients que ce mode d’exercice de la profession de photographe peut présenter pour la circulation et l’ordre public, – notamment en défendant à ceux qui s’y livrent de photographier les passants contre leur volonté ou en interdisant, en cas de nécessité, l’exercice de cette profession dans certaines rues ou à certaines heures, – ne saurait, sans méconnaître la loi précitée du 16 juill. 1912 et porter atteinte à la liberté de l’industrie et du commerce garantie par la loi, subordonner l’exercice de ladite profession à la délivrance d’une autorisation ; que dès lors, le sieur Daudignac est fondé à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’excès de pouvoir ; (Annulation).
C.E., 22 JUIN 1951, DAUDIGNAC (Photographes-filmeurs)
Thèmes : Pouvoir de Police du Maire – Atteinte à liberté du commerce et de l’industrie
Faits et procédure:
Depuis les années 30, le développement de la profession des photographes-filmeurs dans les rues de bon nombre de villes et de sites touristiques se heurte à l’hostilité des passants (qui ne veulent pas qu’on les photographie sans leur accord et craignent une atteinte à leur vie privée) et des photographes installés en magasin (qui craignent une concurrence déloyale). Un assez grand nombre de Municipalités ont interdit ou réglementé l’exercice de cette activité… Le Maire de Montauban par exemple a soumis l’exercice de cette activité à une autorisation préalable avec des conditions multiples.
Monsieur Daudignac, qui exerce cette profession et a connu quelques ennuis, intente un recours contre l’Arrêté du Maire pour éviter d’être poursuivi et verbalisé.
Problème juridique :
En vertu de l’article 97 de la Loi du 5 avril 1884 (Art. L. 2212-2 du C.G.C.T.), le Maire doit maintenir l’ordre public dans la rue ; c’est la base légale de l’arrêté attaqué par M. Daudignac.
Mais il faut concilier l’exercice de la liberté du commerce et de l’industrie avec cette obligation qui incombe à l’autorité publique de maintenir l’ordre dans la rue. Ici le Conseil d’État indique que le Maire aurait pu limiter l’exercice de cette profession à certaines rues ou à certaines heures et interdire la photographie des passants contre leur gré.
Solution :
Le Conseil d’État indique : « Le Maire ne saurait, sans méconnaître la Loi du 16 juillet 1912 sur les marchands ambulants et porter atteinte à la liberté de l’industrie et du commerce garantie par la loi (des 2-17 mars 1791), subordonner l’exercice de ladite profession à la délivrance d’une autorisation’.
Cette liberté n’est cependant pas absolue, mais seule la Loi peut prévoir les limitations nécessaires.
Le Conseil d’État exerce un contrôle poussé sur les autorités de police compétentes. Il vérifie notamment:
– que la mesure est bien adaptée aux faits reproché,
– qu’il y a une adéquation entre la mesure prise et la nécessité du maintien de l’ordre,
– que la finalité de l’autorité qui a interdit est bien légitime.
Portée :
Cette jurisprudence est aujourd’hui transposable à d’autres activités. La nécessité de faire un procès et d’attendre la décision définitive du juge quelques années en limite la portée. Cette jurisprudence a été confirmée par le Conseil d’État (époux Leroy 13 mars 1968) et par la Cour de Cassation.
à voir : Arrêts Benjamin, Avranches et Desmarets, Sté des Autobus Antibois, Chambre syndicale du Commerce en détail de Nevers. Références : G.A.J.A.