AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS

L’an deux mille deux

Et le Vingt huit Février ;

La Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

Réunie au Palais de Justice à Yaoundé, dans la salle ordinaire des audiences de la Cour ;

A rendu en audience publique ordinaire, conformément à la loi, le jugement dont la teneur suit :

Sur le recours intenté :

P A R :

Les sieurs EMAH Basile et Autres ayant pour Conseil Maître … , Avocat B.P. … Yaoundé, demandeurs ;

D’une part,

C O N T R E :

L’Etat du Cameroun (Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat) représenté par le sieur ESSOMBA, Chef de la Cellule Juridique dudit Ministère, désigné par décision n° 0013/Y.7/MINUH/S100 du 11 Janvier 2001 de Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, défendeur ;

D’autre part ;

En présence de Monsieur Pierre-Marie MVIENA, Avocat Général à la Cour Suprême ;

LA COUR

Vu la requête contentieuse des sieurs EMAH Basile et Autres enregistrée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le 05 Octobre 2000 sous le numéro 11, les sieurs EMAH Basile, EMAH OTTOU Pierre, OTTOU Paul, ESSONO Dieudonné, MEBENGA Marcous, MANGA Sylvain, ONAMBALA Barthélemy, OTTOU ZIBI Pascal, OTTOU MEBENGA Simon II, ESSONO ANDELA Joseph, OTTOU Etienne, OTTOU NTSAMA François, ZIBI Jean et Madame Veuve OTTOU Paul née BANDOLO Cécile demeurant à Yaoundé formant la Collectivité MVOGBETSI d’Etetak et ayant pour Conseil Maître … , Avocat ……. B.P. … Yaoundé, en l’Etude duquel domicile est élu aux fins de la présente;

Ont l’honneur de vous exposer :

Que par arrêté n° 199 du 26 Août 1937 et la délibération n° 178/54 du 5 Novembre 1954 de l’Assemblée Territoriale du Cameroun rendu exécutoire par arrêté n° 977 du 7 Février 1955, leur collectivité se voyait déposséder au profit de l’Etat F
édéré du Cameroun Oriental, d’un vaste immeuble de plus 90 hectares, suite à une expropriation pour cause d’utilité publique ;

Que l’Etat du Cameroun obtenait sur cet immeuble de 90 ha 08 a 86 ca un titre n° 3258 ;

Que l’ expropriation pour cause d’utilité publique poursuivie par l’Etat du Cameroun au préjudice de la collectivité MVOG-BETSI d’Etetak l’était en vue de la réalisation d’une ferme avicole de MVOG-BETSI ;

Que ladite ferme n’ayant pas pu se déployer sur une vaste étendue du site approprié, la Collectivité requérante dont certains membres vivent de l’agriculture a continué l’exploitation de la surface restante, sans que jaillisse un quelconque différend ;

Que grande a été cependant leur surprise lorsqu’en date du 26 Avril 2000 ils recevaient une sommation de libérer et d’arrêt des travaux du ministère de Maître …, Huissier de Justice à Yaoundé à la requête d’une certaine collectivité MBIA MBIA ;

Que de la surprise, les requérants passeront à l’émoi et à la stupéfaction lorsqu’ils apprendront l’existence du titre foncier n° 27848 établi le 15 Novembre 1999 au nom des sept personnes composant ladite collectivité sur un espace assez considérable de 31 ha 9 a 81 ca ;

Que l’on se demande dès lors par quels procédés la collectivité MBIA MBIA a acquis le terrain objet du titre foncier dont elle se targue aujourd’hui ;

Que quoiqu’il en soit, il y a lieu de relever qu’au cas où l’Etat du Cameroun envisagerait la rétrocession de la surface de 31 ha 96 a 81 ca, cette proposition devait prioritairement être faite aux requérants propriétaires coutumiers initiaux qui n’avaient perdu leurs droits qu’à la suite d’une expropriation pour cause d’utilité publique ;

Qu’en effet, il y a souvent lieu à rétrocession au profit des anciens propriétaires toutes les fois que l’une des deux situations suivantes se présente :

– Utilité publique incertaine ou non réalisation de cette utilité publique : rétrocession de la totalité du bien ;

– Utilité publique couvrant partiellement une grande étendue : rétrocession partielle ;

Qu’en tout état de cause, cette pratique avait été confortée et généralisée suite à une prescription de Monsieur le Secrétaire Général de la Présidence à Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat du 4 Avril 1991, laquelle faisant la synthèse de la réunion interministérielle du 17 Janvier 1991 sur les problèmes liés à la gestion domaniale, recommandait notamment d’examiner au cas par cas les modalités de rétrocession des terrains non utilisés aux anciens propriétaires ainsi qu’aux victimes non indemnisées pour les terres affectées à des projets finalement abandonnés ;

Que d’ailleurs la rétrocession n’est rien d’autre que le retour à l’ancien propriétaire ou détenteur ;

Que dès lors le titre foncier n° 27848 délivré en collectivité à MBIA MBIA émane d’une faute de l’Administration, le terrain étant déjà immatriculé au nom de l’Etat du Cameroun ;

Que ledit titre foncier a été obtenu de manière frauduleuse ;

Que les recourants aujourd’hui soumis à l’arrêt des travaux et à quitter les lieux estiment être victimes d’une grave injustice ;

Que c’est à tort que Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat est resté muet sur le recours gracieux préalable à lui adressé par la requérante ;

C’est pourquoi,

Les recourants sollicitent respectueusement qu’il plaise à la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

Vu la requête qui précède, les moyens y exposés, les pièces jointes et les dispositions des articles 9 et suivants de l’Ordonnance n° 72/6 du 26 Août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême ;

Vu l’article 2 alinéa 3 du décret n° 76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier ;

Déclarer le présent recours recevable en la forme et justifié au fond ;

Y faisant droit, procéder au retrait du titre foncier n° 27848 établi le 15 Novembre 1999 au nom de MBIA MBIA et autres ainsi qu’à celui du titre foncier n° 28014 du 11 Janvier 2000 issu d’un morcellement du premier titre foncier ;

Bien vouloir procéder à la rétrocession de la parcelle objet du titre foncier n° 27848 aux requérants et au besoin, toutes autres parcelles non utilisées ;

Condamner l’Etat du Cameroun aux dépens ;

Attendu que par ordonnance de soit-communiqué n° 74/CSC/PCA/S/2000-2001 du 16 Novembre 2000 rendue par le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, une copie du dossier de recours et des pièces y annexées a été communiqué au Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat ;

Attendu que cette autorité administrative a, par décision n° 0013/Y.7/MINUH/S100 du 11 Janvier 2001, désigné le sieur ESSOMBA Georges, Juriste en Service à la Cellule Juridique du Ministère de l’Urbanisme et l’Habitat, représentant de l’Etat dans la cause susvisée;

Attendu que par conclusions datées du 16 Janvier 2001 enregistrées au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 320, le représentant de l’Etat sus-désigné a développé son argumentaire ainsi qu’il suit :

Attendu que par requête introductive d’instance non datée mais déposée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême de céans le 5 Octobre 2000 et enregistrée sous le numéro 11, Monsieur EMAH Basile et Autres ont attrait l’Etat du Cameroun représenté par le Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat dans ladite cause pour s’entendre obtenir le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI du 15 Novembre 1999 établi au nom de la collectivité MBIA MBIA et autres, ainsi que son morcellement n° 28014/MFOUNDI du 11 Janvier 2000 ;

Qu’en plus, leur accorder la rétrocession de cette parcelle de terrain, objet du titre foncier n° 27848/MFOUNDI visé en annulation ;

Attendu qu’à l’analyse, il appert que les membres de la collectivité MVOG-BETSI d’Etetak sont les tout premiers occupants et exploitants de cette partie de terrain de 90 ha 08 a 86 ca qui a fait l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique par arrêté n° 977 du 07 Février 1955 rendant exécutoire la délibération n° 178/54 du 5 Novembre 1954 de l’arrêté d’acquisition n° 299 du 26 Août 1937 ;

Qu’en date du 22 Octobre 1971, l’Etat du Cameroun obtenait l’immatriculation dudit terrain au livre Foncier sous le numéro 3258/MFOUNDI, vol 17, Folio 108 ;

Que le but de cette expropriation était la création d’une ferme avicole ;

Mais que ladite ferme n’avait pas occupé tous les 90 ha 08 a 86 ca ;

Qu’en effet, les 31 ha 96 a 81 ca non occupés et non exploités par l’Etat ont continué à l’être par la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak par des cultures vivrières ;

Que c’est dans cette situation qu’en date du 26 Avril 2000, la collectivité recourante a été surprise par une sommation de libérer les lieux et de cesser de cultiver,
sommation qui ne vient même pas de l’Etat du Cameroun, mais plutôt d’une autre collectivité appelée MBIA MBIA ;

Que de là le recours de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak nous paraît « ULTRA RATIO » et mérite d’être examiné ;

SUR LA FORME

Attendu que la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak a été notifiée de la décision de quitter leurs terres et leurs champs le 26 Avril 2000 ;

Que le 8 Mai 2000, elle introduit son recours gracieux auprès du Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat enregistré sous le numéro 1285 ;

Que le recours contentieux est intervenu à la suite du rejet implicite du recours gracieux ; il est donc introduit dans les formes et délai de la loi ;

AU FOND

Attendu qu’en alléguant qu’il y a faute de l’Administration du fait que ledit terrain était déjà immatriculé au nom de l’Etat du Cameroun est une aberration juridique ;

Car, attendu qu’en immatriculant au Livre Foncier les 90 ha 8a 86ca ainsi expropriés sous le n° 3258/MEFOU, l’Etat du Cameroun faisait de ce terrain son domaine privé (article 10, Ordonnance n° 74/2 du 6 Juillet 1974 fixant le régime domanial) ;

Que cette clarification est donc nécessaire pour écarter la brouille entre la partie recourante et l’Etat du Cameroun (MINUH) ;

Cela dit, attendu que sur le fond de l’affaire, il y a réellement faute ou complicité de l’Administration dans l’établissement du titre foncier n° 27848/MFOUNDI et son morcellement n° 28014 /MFOUNDI ;

Qu’il est constant que les prescriptions de la Présidence en date du 4 Avril 1991 avaient été données au Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat sur les modalités de rétrocession des terrains non utilisés à leurs anciens propriétaires, ainsi qu’aux victimes non indemnisés pour des terres affectées à des projets finalement abandonnés ;

Que ces prescriptions de la Présidence de la République constituent pour le moment la seule base procédurale en fait de rétrocession ;

Qu’il convient de s’y conformer parce qu’il n’y a pas encore de texte réglementant la rétrocession ;

Qu’en effet, l’esprit desdites prescriptions s’identifie entièrement à celui du droit de préemption ;

Attendu donc qu’à partir de cette lumière que je viens d’apporter sur le terrain où nous nous trouvons, à savoir, la rétrocession, plaise à l’Auguste Chambre de retenir ce qui suit :

Attendu qu’à l’appui de l’esprit juridique de ces prescriptions de la Présidence de la République qui constituent pour l’heure notre base procédurale en matière de rétrocession, on est en droit de conclure qu’il y a faute de l’Administration en ce que l’Etat du Cameroun (MINUH) qui sait jusqu’à ce jour que le terrain où se trouve construite la ferme avicole de MVOG-BETSI appartenait, avant l’expropriation pour cause d’utilité publique, à la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak ;

Que l’Etat du Cameroun, n’ayant pas occupé tout le terrain pris des MVOG-BETSI en vue de la construction de la ferme avicole se devait, en tant que gérant de la légalité républicaine, de remettre le reste dudit terrain aux premiers occupants qui ne sont autres que les MVOG-BETSI d’Etetak ;

Qu’en procédant au morcellement de son titre foncier n° 3258/MEFOU au profit d’une collectivité autre que celle des MVOG-BETSI d’Etetak, l’Etat n’a pas suivi les prescriptions de la Présidence de la République sus évoquées, qui épousent l’esprit du droit de propriété que « la terre appartient au premier occupant » ;

Qu’il échet dans le cas d’espèce d’appliquer cette règle et subséquemment le droit de préemption au profit de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak;

Attendu qu’au vu et à l’analyse du bordereau analytique, on relève aisément la fraude du bénéficiaire, à savoir, la collectivité MBIA MBIA qui déclare avoir exploité le terrain querellé (cf article 2 alinéa 6 du décret n° 76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d’établissement du titre foncier) ;

Qu’or c’est plutôt la collectivité recourante c’est-à-dire les MVOG-BETSI d’Etetak qui l’exploite depuis des décades jusqu’à être frappée par l’expropriation pour cause d’utilité publique sus mentionnée ;

Et, attendu que dans le cas d’espèce le représentant de l’Etat du Cameroun conclut une fois pour toutes aux fins d’une décision de l’auguste Chambre;

Par ces motifs

Et tous autres à déduire, suppléer ou ajouter même d’office,

Plaise à l’Auguste Chambre :

– Dire et déclarer l’Etat du Cameroun (MINUH) recevable en ses conclusions ;

– L’y dire fondé et de bonne foi ;

– Dire droit et ordonner le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI du 15 Novembre 1999 ainsi que son morcellement n° 28014/MFOUNDI du 11 Janvier 2000 ;

– Dire droit et ordonner la rétrocession des 31h a 96 a 81 ca que couvrait le titre foncier n° 27848/MFOUNDI ainsi annulé ;

– Dépens à la charge du Trésor Public ;

Attendu que par une requête ultérieure enregistrée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le 1er Février 2001 sous le numéro 356, les sieurs MBIA MBIA et autres ayant pour Conseils Maîtres … et Associés Avocats B.P. 307 Yaoundé, ont saisi ladite Chambre d’une requête aux fins d’intervention volontaire ainsi rédigée :

Qu’ils sont co-propriétaires de l’immeuble urbain non bâti objet du titre foncier n° 27848 du Département du Mfoundi sis à Yaoundé IIe au lieu dit OYOMABANG d’une superficie de 31ha 96ca 81ca ;

Mais que curieusement des individus sans droit ni titre ont cru devoir saisir l’Auguste Cour à la suite du rejet de leur recours gracieux préalable par son Excellence Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, aux fins de voir ordonner disent-ils, le retrait de leur titre foncier pourtant régulièrement obtenu sur un domaine qui leur appartient légitimement depuis la nuit des temps ;

Que pour la sérénité des débats, un rappel des faits permettra à l’Auguste Cour de constater que le présent recours a été introduit par des personnes juridiquement non qualifiées, tardivement, aux fins du retrait d’un titre foncier inattaquable, définitif, intangible comme ayant été obtenu régulièrement par les légitimes propriétaires conformément aux prescriptions légales en vigueur ;

A – SUR LES FAITS

Attendu que dans le cadre de la réalisation d’un jardin potager et conformément à l’article 10 de l’arrêté fixant les modalités d’application du décret du 12 Janvier 1938 portant organisation du régime des terres domaniales au Cameroun, l’Administration coloniale de l’époque avait exproprié les familles MVOG-BETSI d’EMAH Basile et ANGOK d’OYOMABANG sur une superficie de 130 hectares, sis au lieu dit MVOG-BETSI Yaoundé, aux fins de constituer une réserve indigène dont l’usage a été confié à la Société Africaine de Prévoyance S.A.P afin d’assurer l’existence et le développement économique des collectivités ;

Que cette réserve avait été décidée par arrêté n° 299 du 26 Août 1937 ;

Mais que pour tenir compte de ce que les allogènes (les africains) qui faisaient partie de cette collectivité avaient occupé certaines parcelles de cette réserve, l’Administration d’alors avait accepté de déduire les parcelles par eux occupées et de réduire la réserve à 90 hectares ; ceci pour permettre aux ayants droit d’obtenir des livrets fonciers ;

Qu’autrement dit, s’apercevant de ce que la S.A.P n’utilisait pas toute la réserve, il fut décidé le 6 Septembre 1951 de rétrocéder aux autochtones, une superficie de 40 hectares, ce qui a ramené la superficie de la ferme à 90 hectares avec cette précision que la parcelle comprenant l’ex jardin potager de Messa ne pouvait être passée aux MVOG-BETSI de EMAH Basile ayant appartenu autrefois à une autre famille seule d’ANGOK d’OYOMABANG, la relever pour faire remarquer Monsieur Martin ABEGA et André FOUDA, tous Conseillers à l’ATCAM ;

Que faisant suite à cette rétrocession, les exposants appartenant à la famille d’ANGOK d’OYOMABANG ont introduit la procédure aux fins d’obtention du titre foncier aujourd’hui querellé qui va aboutir plusieurs années après notamment en 1999 ;

Qu’il convient de relever que la famille MVOG-BETSI représentée par EMAH Basile et Autres voisins des exposants avaient déjà sollicité et obtenu en son temps leur titre foncier sur la parcelle jadis appartenue à leurs ancêtres ;

Que la surprise pour les exposants (Famille ANGOK d’OYOMABANG) est née de ce que la famille MVOG-BETSI d’EMAH Basile et Autres plus de six mois après la publication au Journal Officiel du titre foncier aujourd’hui querellé en même temps qu’elle sollicite le retrait dudit titre mais a fait inscrire une prénotation judiciaire à leur préjudice ;

Que le recours introduit par EMAH Basile et Autres doit être déclaré irrecevable en l’état pour forclusion ;

B – SUR L’IRRECEVABILITE DU RECOURS INTRODUIT PAR EMAH BASILE et Autres

Attendu que le titre foncier dont le retrait est aujourd’hui sollicité avait été publié au Journal Officiel de la République du Cameroun le 30 Septembre 1999 ;

Mais attendu que les recourants ont attendu le 5 Mai 2000 soit plus de 6 mois après la publication au Journal Officiel pour saisir le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat d’un recours gracieux préalable, toute chose qui aurait pu utilement être fait entre le 30 Septembre 1999 et le 30 Novembre 1999 ou tout au moins dans les 6 mois de la publication du Journal Officiel ;

Qu’une simple computation des délais permet de conclure en faveur d’une forclusion au préjudice des recourants qui ont diligenté leur action hors des délais légaux ;

Que le présent recours ayant été introduit tardivement, il échet de le déclarer irrecevable pour forclusion ;

C – SUBSIDIAIREMENT SUR LE CARACTERE MAL FONDE DU RECOURES INTRODUIT PAR EMAH Basile ET AUTRES.

Attendu que sans droit ni titre, EMAH Basile et Autres sollicitent de manière cavalière le retrait du titre foncier des exposants régulièrement obtenu sur une parcelle de terrain leur appartenant légitimement et ancestralement ;

Attendu que la mesure sollicitée par EMAH Basile et Autres participe à n’en point douter d’un trafic d’influence et d’intimidation pour s’approprier illégitimement un immeuble sur lequel seuls les exposants ont des droits légitimement et légalement protégés ;

Qu’il résulte clairement du journal des débats de l’ATCAM que la parcelle de terrain objet du titre foncier aujourd’hui comprenant l’ex jardin potager de Messa ne peut être passée aux MVOG-BETSI dont EMAH Basile en ce qu’ayant appartenu autrefois à la famille d’ANGOK d’OYOMABANG dont les exposants ;

Que fort de l’histoire, les exposants ont pendant vingt années introduit, poursuivi et obtenu le titre foncier dont le retrait est aujourd’hui sollicité sans la moindre opposition des EMAH Basile et Autres ;

Que c’est en respect de toutes les règles procédurales que le Conservateur à la suite de la Présidence de la République et du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat a publié au Journal Officiel le 30 Septembre 1999 le décret autorisant les exposants à se faire établir un titre foncier sur l’immeuble litigieux et la signature du 30 Novembre 1999 du titre foncier aujourd’hui querellé ;

Que le caractère intangible, définitif et irrévocable attaché au titre foncier par le législateur seul justifie le rejet du recours introduit par EMAH Basile et Autres ;

C’est pourquoi les exposants sollicitent qu’il plaise à la Cour ;

Vu la requête qui précède et les pièces à l’appui ;

Vu les dispositions de la loi ;

S’entendre déclarer irrecevable le recours introduit par EMAH Basile et Autres pour cause de forclusion, celui-ci ayant été introduit plus de 6 mois après la publication du titre foncier querellé au Journal Officiel de la République du Cameroun ;

Subsidiairement : s’entendre rejeter le recours formé par EMAH Basile et Autres comme mal fondé, aussi ceux sollicitant sans droit ni titre qu’il soit ordonné le retrait d’un titre foncier régulièrement obtenu sur une parcelle de terrain appartenant légitimement aux exposants depuis les lustres tel qu’il résulte du journal des débats de l’ATCAM ;

S’entendre condamner les recourants aux entiers dépens dont distraction u profit de Maître MUNA, MUNA et Associés, Avocats aux offres de droit

Attendu que par réplique datée du 19 Février 2001, Maître …… Conseil des sieurs EMAH Basile et Autres a répondu ainsi qu’il suit ;

Suite à votre mise en demeure d’avoir à déposer mes observations écrites à la Chambre Administrative dans un délai de 15 jours dans le cadre de l’affaire ci-dessus référencée ;

J’ai l’honneur de vous annoncer que nous n’entendons plus répliquer dans la mesure où les écritures de l’Etat du Cameroun nous sont favorables et rejoignent nos prétentions ;

Vous en souhaitant bonne réception, veuillez agréer, Cher Maître, les assurances de ma déférente considération ;

Attendu que, répliquant à l’intervention volontaire de la Collectivité MBIA MBIA et Autres, le Représentant de l’Etat a écrit ce qui suit :

Que tout le baratin et la fausse historique dont ont fait usage les intervenants volontaires dans la cause reprise en marge, non seulement sont dénués de tout fondement juridique, mais encore dénotent clairement de l’esprit de subterfuge et de fraudes de tous genres qui ont animé les intervenants volontaires auprès des services de Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat avec, sans aucun doute, la complicité de quelques agents véreux dudit Ministère pour se faire délivrer le titre foncier n° 27848/MFOUNDI et son morcellement n° 28014/MFOUNDI dont l’annulation est légitimement demandée par la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak ;

Qu’en effet, l’Auguste Chambre relèvera et retiendra la preuve de la fraude des intervenants volontaires établie comme suit : sur le bordereau analytique du titre foncier n° 27848/MFOUNDI visé en annulation ici, il est dit que sieur MBIA MBIA et consorts ont déclaré avoir exploité l’immeuble querellé conformément aux dispositions de l’article 9 du décret n° 76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, alors qu’ils n’ont jamais exploité ledit immeuble : d’où violation des articles 2 et 96 du décret ci-dessus cité ;

Que l’article 9 du décret n° 76/165 susvisé stipule : « Sont habilités à solliciter l’obtention d’un titre foncier sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent :

a) les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise, à condition que l’occupation ou l’exploitation soit antérieure au 5 Août 1974, date de publication de l’Ordonnance n° 74/1 du 6 Juillet 1974, fixant le régime foncier;

b) les personnes déchues de leurs droits par application des article 4, 5 et 6 de l’Ordonnance précédemment citée » ;

Que cet article 9 du décret n° 76/165 visé, avec son renvoi aux articles 4, 5 et 6 de l’ordonnance également visée dans le cas d’espèce, établissant nettement la fraude du bénéficiaire du titre foncier n° 27848/MFOUNDI visé en annulation, car, les intervenants volontaires ici n’ont jamais exploité l’immeuble querellé ;

Qu’il suffit pour s’en convaincre de constater que c’est la collectivité MVOG-BETSI d’Etetak qui a continué à exploiter l’immeuble querellé par des champs et plantations de cultures vivrières après leur expropriation pour la création de la ferme avicole de MVOG-BETSI ;

Que plus convaincant encore cette ferme avicole ne porte ni les nom d’Angok d’Oyomabang ni Oyomabang ; les plans cadastraux ci-joints en disent long ;

Il convient également de relever : que si les intervenants volontaires avaient réellement eu à exploiter le terrain dont ils détiennent le titre foncier n° 27848/MFOUNDI visé en annulation, les MVOG-BETSI d’Etetak n’auraient jamais pu et dû créer des champs et plantations sur ce terrain ;

Que tel argument tient de la logique voire de la vérité et mérite d’être retenu par l’Auguste Chambre pour le triomphe de la Justice ;

D’où il suit : dire droit et recevoir l’Etat du Cameroun en ses conclusions et observations ;

L’y dire fondé et de bonne foi ;

Dire droit et ordonner le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI avec son morcellement n° 28014/MFOUNDI ;

Dire droit et ordonner la rétrocession au profit de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak des 31ha 96a 81ca de terrain non exploités par l’Etat après la création de la ferme avicole de MVOG-BETSI ;

Dépens à la charge du Trésor Public ;

Attendu que par une Note à l’attention de Monsieur le Président de la Chambre Administrative et Honorables Membres de ladite Chambre, le Représentant de l’Etat a produit une ampliation de l’arrêté n° 0091/Y.7/MINUH/D310 du 2 Mai 2001 de Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat autorisant le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI .

Attendu que ladite Note est ainsi rédigée :

Attendu par requête datée du 5 Octobre 2000 sieur EMAH Basile et Autres ont saisi la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour s’entendre voir obtenir l’annulation du titre foncier n° 27848/MFOUNDI délivré à sieur MBIA MBIA et Autres pour fraudes d’iceux, bénéficiaires dudit titre foncier et complicité de l’Administration ;

Que par conclusions datées du 16 Janvier 2001 et des observations datées du 19 Avril 2001, le Représentant de l’Etat du Cameroun (MINUH) dans cette affaire a clairement démontré à l’Auguste Chambre la fraude du bénéficiaire du titre foncier querellé en vue q’icelle statue en bon droit sur l’annulation ;

Que, c’est ainsi qu’alors que le déroulement du procès de cette affaire est encore pendant devant l’Auguste Chambre, le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, au vu des requêtes de Monsieur le Ministre de l’Elévage, des Pêches et des Industries Animales e
t de Maître …, Conseil de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak, d’une part, et du rapport d’expertise n° 00675/MINUH/SOCO du 16 Juin 2000, approuvé par la Direction du Cadastre d’autre part, a autorisé le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI du 15 Novembre 1999 et de son morcellement n° 28014/MFOUNDI du 14 Janvier 2000 .

Que surabondamment, cet arrêté n° 0091/Y.7/MINUH/D310 du 2 Mai 2001 de Monsieur le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat constitue en l’espèce l’acquiescement de l’Administration et mérite d’être entériné par l’Auguste Chambre ;

Qu’il suit de ce qui précède que la demande de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak est pertinente, fondée et entièrement justifiée ;

SUR LA RECEVABILITE DU RECOURS

Attendu que le recours de la Collectivité MVOG-BETSI d’Etetak est recevable comme introduit dans les forme et délai prévus par la Loi n° 75/155 du 8 Décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative ;

Que conformément aux prescriptions de l’article 88 de la loi précitée, l’intervention volontaire des MBIA MBIA et Autres est également recevable ;

SUR LE FOND

Attendu que les arguments développés par le Représentant de l’Etat sont pertinents d’autant plus que le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat a, par arrêté n° 0091/Y.7/MINUH/D310 du 02 Mai 2001, autorisé le retrait du titre foncier n° 27848/MFOUNDI, sa superficie de 31ha 96a 81ca qu’il couvre étant entièrement incluse dans le titre foncier n° 3258/MFOUNDI appartenant à l’Etat du Cameroun (MINUH) ;

Attendu que ces arguments militent pour un acquiescement de l’Etat du Cameroun ;

Qu’il y a donc lieu, conformément aux dispositions des articles 93 alinéa 1 et 94 de la loi n° 75/17 du 8 Décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative, de donner acte à Etat du Cameroun de son acquiescement et d’adjuger à la collectivité recourante l’entier bénéficie de sa demande en annulant le titre foncier n° 27848/MFOUNDI ainsi que son morcellement n° 28014/MFOUNDI ;

Et attendu qu’aux termes de l’article 101 alinéa 1 de la Loi n° 75/17 du 8 Décembre 1975 précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement en matière administrative, à l’unanimité des Membres et en premier ressort ;

DECIDE

Article 1er : Le recours introduit par EMAH Basile et Autres est recevable en la forme ;

Article 2 : L’intervention volontaire de la Collectivité MBIA MBIA et Autres est également recevable en la forme ;

Article 3 : Il est donné acte à l’Etat du Cameroun de son acquiescement ;

Article 4 : L’intervention volontaire de la Collectivité MBIA MBIA et Autres n’est pas fondée ;

Article 5 : Elle est par conséquent rejetée

Article 6 : Le titre foncier n° 27848/MFOUNDI ainsi que le morcellement n° 28014/MFOUNDI sont par conséquent annulés avec toutes les conséquences de droit. “”