Certains y vont par nostalgie. D’autres y arrivent pour le tourisme. Mais tout visiteur de Mokolo même pressé, commence ou termine indubitablement son tour de ville par là. Quelque peu en hauteur, à l’écart des habitations, tout au bout d’une route bitumée à double sens, se dresse une vaste cpncession. C’est la résidence de Germaine Ahidjo. Le domaine, visiblement à l’aban- don, ne paie pas de mine. De mauvaises herbes ont poussé n’importe où et n’importe comment. Ce n’est pas un décor de forêt dense. Mais l’on sent qu’aucune main humaine n’y a remis de l’ordre depuis des lustres. Tout autour il n’y a pas âme qui vive. Le silence est lourd. Pesant. Triste.
L’héliport à côté n’a de toute évidence pas aussi accueilli la moindre mécanique volante depuis le temps. On passe et on repasse devant ce lieu chargé d’histoire. Et on ne peut que laisser errer son esprit, remonter le temps, imaginer la scène un quart de siècle plus tôt: les splendeurs du pouvoir, le ballet des visiteurs, le zèle des gardes du corps, la nuée des serviteurs, la noria des courtisans. Les clichés se bousculent.
A Mokolo, c’est un passé qui ne passe pas. Bien sûr beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Bien sûr les esprits sont occupés par les joutes politiques du moment. Mais il suffit d’évoquer le sujet pour réaliser que personne n’a oublié cette époque glorieuse. Certains évoquent la générosité de la sage- femme devenue première dame. D’autres se souviennent de sa force de caractère, d’autres encore de ses pistons qui ont propulsés plus d’un dans le saint des saints. Quand d’autres ne rappellent pas trivialement sa beauté. Tous finissent par se bomber le torse de ce que « Mokolo et le Mayo-Tsanaga en général auront toujours droit à quelques lignes dans l’histoire du Cameroun grâce à cette fille du terroir ». Comme de bien entendu mille et une histoires se racontent sur elle et sa famille.
Comme ce mariage fastueux et pompeux d’une de ses filles à Maroua. Elle épousait alors Boubakary, le fils d’Aminou Adama présenté comme l’un des premiers milliardaires de la province. Mais la flamme de l’amour s’est vite éteinte et le mariage a fait long feu. L’ancien gendre présidentiel que l’on croise très souvent dans les rues de Maroua est motus et bouche cousue.
Beaucoup de personnes se plaisent en tout cas à exhumer leurs souvenirs dès que l’on parle de Germaine Ahidjo. Son prestige reste intact auprès des siens. En dépit de la longue séparation qui va déjà au-delà de deux décennies. Elle n’a pas refoulé sa terre natale. Du quartier résidentiel de Dakar au Sénégal où elle est installée, le lien affectif avec le pays reste maintenu par les visites de certains proches. « Pour traquer ses moments de solitude, affirme un parent, ses enfants se relaient auprès d’elle ». Notamment Daniel l’ancien cadre Camair, Aminatou la journaliste, Aïssatou l’enseignante et Fadimatou la doctoresse en médecine. Lors du décès de la mère de Germaine, il y a quelques années, une rumeur persistante l’a annoncée pour les obsèques. Finalement c’est l’une des filles qui est venue s’incliner sur la tombe de la mère et grand-mère. Depuis plus rien personne.
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE