Ça pourrait bien être une bonne question d’oral au concours
d’entrée à l’Ecole de journalisme de Yaoundé: «Qui était la tête de liste Rdpc dans la circonscription électorale du Mayo-Sava lors des législatives du 30 Juin 2002?» Parions que nombre de candidats répondraient : Cavaye Yéguié Djibril, président de l’Assemblée nationale, Ils auraient alors tous faux car la deuxième personnalité de la République était le deuxième nom sur la liste derrière El-Hadj Abba Boukar. Ce n’est pas un détail. Il n’y en en pas en politique. Cela permet déjà de lever un pan de voile sur la stature d’un homme dont on peut dire sans forcer le trait qu’il est tombé dans la politique dans la tendre enfance un peu comme le fameux Obelix de la bande dessinée. 40 ans déjà qu’il enfile l’écharpe tricolore. Celle de conseiller municipal d’abord, ensuite celle de député enfin les deux à la fois en qualité de député-maire.
Précédé d’une réputation de tout puissant, de « faiseur de roi », il ne donne pourtant pas à son visiteur l’image d’un ogre. On découvre un affable septuagénaire. Le cheveu blanc et rare. Le geste lent mais sûr. Le regard vague comme s’il était constamment plongé dans de profondes méditations. Bref une allure de vieux sage qui convie ses hôtes à partager un bol de bouillie dans sa modeste demeure. Cette simplicité n’est cependant que la partie visible de l’iceberg. Car Abba Boukar dégage en réalité un magnétisme certain. Celui qu’exerce tous les hommes de pouvoir.
On dirait qu’un de ces bienveillants anges de l’univers de la politique s’était penché sur son berceau à sa naissance à Mora en 1935. Ce bien aimé ange l’a peut-être aussi transporté sur ses ailes pour le déposer pieds et poings liés dans une arène politique qu’Abba Boukar n’a donc plus jamais quitté depuis plus de quatre décennies. Après un bref séjour sur les bancs couronné par un CEPE, il fréquente les hôpitaux avec sa blouse d’infirmier de 1957 à 1976. Dans l’intervalle, il embrasse la carrière politique à l’orée de l’indépendance du Cameroun. Il va progressivement tisser sa toile et ses réseaux. Conseiller municipal de la commune rurale de Mokolo de 1962 à 1976. Ii prend dans la foulée les rênes de l’organe de base du parti au pouvoir. L’Uc puis l’Unc et plus tard le Rdpc. Il est président des sous-sections de Mokolo, du MarguiWandala, avant de prendre les commandes de la section du MayoSava. EtAbba Boukar qui n’a plus rien à prouver à l’échelle locale veut désormais se donner une envergure nationale.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Il sera député de la Nation. Dès 1978, il ne quittera le palais de verre de Ngoa-Ekellé que le temps de la législature 1988-1992. lI collectionne les mandats tout comme il rempile sans cesse comme maire de la commune rurale de Mora. Rien d’étonnant alors à ce que ce doyen de la scène politique exhibe le torse bardé de distinctions honorifiques chevalier, officier, commandeur du mérite camerounais, officier de l’ordre de valeur, chevalier de l’ordre de la pléiade de la francophonie.
Assurément, il a de l’expérience et la matière pour meubler ses entretiens avec des ballets incessants de visiteurs ou pour baliser le chemin des 27 enfants que lui ont donné ses quatre épouses. Peut-être est-il plus prolixe dans le cocon familial car sur la scène politique où les moindres déclarations sont disséquées, décortiquées, analysées, on ne tire de lui aucune révélation fracassante, aucune déclaration retentissante. Il cultive à la perfection l’art de la périphrase, de l’esquive, du secret et de la discrétion comme s’il s’était fixé pour règle : parler peu, écouter beaucoup.
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE