« Si vous voulez que ça barde, ça va barder ». On prête à Dakolé Daïssala ces propos courroucés dans une altercation l’avant-veille de la tentative de coup d’Etat du 06 avril 1984. Simple expression d’une colère, d’un ras-le-bol ? Ou déclaration prémonitoire d’un responsable dans le secret des événements à venir? La certitude est que celui qui est alors directeur général de la défunte Société des transports urbains du Cameroun (Sotuc) a eu ce jour-là la mauvaise inspiration de brandir la mauvaise menace au mauvais endroit et au mauvais moment. Car dans l’atmosphère délétère et surchauffée qui allait culminer avec les bruits de botte, c’était des mots de plus et de trop qui allaient en partie sceller le sort de Dakolé Daïssala. Poussé dans le wagon des personnalités « mouillées » dans le putsch manqué, il ne peut échapper à la prison.
Il va retrouver l’air de la liberté dans la mouvance du vent de démocratisation qui souffle au début des années 1990. Dakolé Daïssala et les autres sont élargis en 1991 à la faveur de la loi d’amnistie qui rêmet à zéro, le compteur des condamnations politiques. Si douloureuse que fut cette expérience dans l’univers carcérale, l’ancien dégé va en tirer au moins deux bénéfices, si l’on ose dire. Il trouve du temps et du recul pour, à la manière de l’auteur de « Mein Kampf », coucher sur « les paquets de cigarettes », les premières lignes de son livre, Libre derrière les barreaux.
Mieux, le pénitencier lui taille un costume de martyr qu’il capitalise opportunément lorsqu’il fonde sa formation politique, le Mouvement pour la démocratie et la défense de la République (Mdr). Le leader du Mdr devient très vite l’un des chouchous de son Mayo-Kani natal et d’une bonne partie du Mayo-Danay, particulièrement en zone Toupouri où on ne jure que par cet homme à la voix éraillée. Une anecdote raconte d’ailleurs que même des responsables des organes de base du Rdpc choisissent dans le secret de l’isoloir, le bulletin du Mdr parce que « les (toupouri) les arrête ».
Sans surprise donc, Dakolé Daïssala tient sa revanche sur l’histoire à la faveur des législatives de mars 1992. Le Mdr avec ses six députés va dépanner le parti au pouvoir en quête d’une majorité absolue pour gouverner. Au terme de cette alliance, le président du Mdr s’en tire à bon compte. Le juteux et prestigie ministère des Postes et Télécommunications pour lui-même d’autres strapontins, dont une vice-présidence de l’Assemblée nationale pour ses lieutenants. Mais comme tous les mariages d’intérêt, chaque partenaire regarde vite de son côté à la moindre occasion. 1997. Le couple ne se supporte plus. Dakolé bat campagne contre Biya. Le divorce est consommé. Le désormais ancien minpostel dépouillé dans sa base électorale, ne sauve que son propre siège de député qu’il perd d’ailleurs une législature plus tard lors du double scrutin municipal et législatif du 30 juin 2002. Il n’a plus rien. II n’est presque plus rien, Inacceptable pour cet homme de pouvoir et d’action. Il enfourche donc son cheval de conquistador à la tête de la dynamique du mémorandum du Grand-Nord. Le pouvoir qui prend la mesure du danger contre attaque tout en prenant langue avec les mémorandistes. Depuis cet épisode, Dakolé Daïssala joue la carte de la discrétion. Le héraut est-il fatigué? Personne ne veut et ne peut le croire. En réalité, et comme on dit sous nos latitudes « un vieux mariage ne finit jamais pour toujours ». Tout reste encore possible entre le Rdpc et le Mdr…
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE