De quel Cavaye Yéguié Djibril faut-il parler ? Du Président de l’assemblée nationale presque inaccessible dans sa vaste résidence du quartier général à Yaoundé dont on peut squatter la salle d’attente une semaine entière. En vain. Sans atteindre le saint des saints. Sans rencontrer le maître des lieux mystifié et protégé par une escouade d’argents de sécurité et du protocole ? Ou doit-on parler de Cavaye Yéguié Djibril chef traditionnel qu’on trouve sans chercher à mada, qui blague avec ses visiteurs, s’assure qu’ils sont bien servis, parcourt son village à pied. Appelle presque tout le monde par son non ? Tel est cet élu du peuple. Un homme à deux visages, à deux facettes à l’image d’une vie en deux tableaux.
Car s’il est assurément né sous une bonne étoile un jour de l’année 1940 à Mada dans le Myo Sava, cette étoile a mis du temps à briller. Longtemps, il fut un maître d’éducation physique et sportive sans prétention. Un chef traditionnel sans histoire. Lorsqu’ il embrasse la carrière politique à l’orée des années 70 et qu’il postule à un siège de député c’est d’abord pour mieux faire entendre sa voix et assurer un mieux –être à ses administrés. Personne ne peut alors parier un sou pour un horizon au-delà de sa circonscription électorale. L’honorable est pourtant élu, réélu et « ré-réélu » d’abord sous la bannière de l’Unc puis sous les couleurs du Rdpc. Dans un contexte monolithique où l’Assemblée nationale est perçue comme une simple chambre d’enregistrement, il n’est pas vraiment sous les feux de la rampe mais cet élu du peuple là n’est déjà plus un député comme les autres. Il commence à faire partie des meubles du Palais de verre de Ngoa Ekellé.
Arrive donc décembre 1990 et l’histoire que session des libertés. Cavaye Yeguié Djibril est dans l’hémicycle. Il vote come ses collègues l’arsenal des lois qui démantèle le parti-Etat pour rouvrir les vannes du multipartisme. Nombre de ces députés qui composent le dernier parlement monolithique du Cameroun ne remettront les pieds au palais verre. Balayés par la bourrasque du changement lors des législatives de mars 1992. Mais l’honorable Cavaye Yéguié Djibril conserve son écharpe tricolore d’élu du Mayo Sava. Bien lui prend. Sa vie va basculer. Et son étoile va cette fois-ci au firmament.
Le président Paul Biya, dans la recomposition des grands équilibres géopolitiques du triangle national, destine la primature à l’aire anglophone. Le perchoir échoit donc naturellement au Grand-Nord. Le prince jette son dévolu sur cet ancien vice-président de la chambre. Le voici subitement propulsé au devant de la scène. Les camerounais découvrent alors ce président qu’ils n’attendaient pas, cette deuxième personnalité de la République qui va progressivement endosser le manteau digne de son rang. Ses contempteurs ne vendent pourtant par cher sa peau. Mais à l’exercice, l’honorable Cavaye yéguié Djibril, fort de son expérience et de sa connaissance des usages parlementaires, étonne et détonne par sa maîtrise dans la conduite des débats dans un hémicycle où les députés de l’opposition, même minoritaires, savent donner du répondant. Il a plusieurs fois tiré d’affaires sa formation politique. Le chic, le clinquant et la flamboyance ne sont fort. Et, côté cœur, tout juste sait-on qu’en bon chef traditionnel, il partage son lit avec plusieurs épouses même si la jeune et charmante Hadja Fadimatou est la seule qu’on voit à ses côtés lors des cérémonies officielles.
Le nombre et même les visages de ses fils restent aussi un secret de famille. D’aucuns le trop près de ses sous. Mais à le voir sillonner les coins et recoins du Mayo-Sava distribuer des dons en nature et en espèces sonnantes et trébuchantes. On finit par se dire qu’il a la main plus ouverte que certains ne le croient. Mille et une fois, les chroniqueurs politiques l’ont annoncé parlant, mais 13 années après, 13 renouvellements du bureau plus tard, l’honorable Cavaye Yéguié Djibril est toujours à la manette. Installé au perchoir. Sa longévité tient évidemment au poids électoral de la province de l’extrême-Nord où il a une bonne clientèle politique mais aussi et surtout à la confiance du chef de l’Etat qui a faire tout ce temps son cheval de base.
Bienvenue a l’extrême-Nord
Radioscopie d’une province et de ses personnalités incontournables
Aimé Robert BIHINA
Eric Benjamin LAMERE