Loi n° 75-12 du 8 décembre 1975

portant organisation de la profession d’architecte au Cameroun

L’Assemblée nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

TITRE PREMIER

Définitions et conditions d’accès.

CHAPITRE PREMIER

Définition.

Article premier. – L’architecte est l’artiste et le technicien qui, en son propre nom et sous sa responsabilité, exerce une profession libérale dans le cadre des techniques de son art et de la limite de la mission que lui confie son client.

Art. 2. – 1° L’architecte participe à l’élaboration du programme des études qui lui sont confiées. Il compose les édifices, en détermine les proportions, la structure, la distribution, en classe les plans, rédige les devis et marchés en vue des travaux de construction, d’entretien ou de décoration.

2° Il dirige et coordonne les travaux de chantier ou peut être associé à leur surveillance, il s’assure que ces travaux sont bien conduits conformément aux plans et devis descriptifs qu’il a dressés, et aux moyens d’exécution qu’il a prescrits. Il vérifie les décomptes en vue du règlement des dépenses.

3° Il veille à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires applicables aux travaux dont il est chargé.

Art. 3. – Dans tous les cas, les missions d’architecte sont définies, dans leurs détails, par un contrat le liant à son client.

CHAPITRE II

Conditions d’accès.

Art. 4. – Les conditions d’accès à la profession d’architecte sont les suivantes :

1° Etre de nationalité camerounaise.

2° Etre âgé de vingt un ans révolus.

3° Etre titulaire d’un diplôme d’architecte reconnu par l’Etat ou d’un diplôme équivalent.

4° Jouir de ses droits civiques et n’avoir subi aucune condamnation pour faits contraires à la probité.

5° Etre inscrit à l’ordre national des architectes.

Art. 5. – Tout architecte ayant directement ou indirectement bénéficié de l’Etat d’une bourse ou d’une aide financière pour études ne peut, sauf dérogation du Président de la République, exercer à titre privé que s’il justifie de dix années de service effectif dans une administration publique.

 

TITRE II

Exercice de la profession.

CHAPITRE PREMIER

Droits et devoirs de l’architecte.

Art. 6. – Dans le cadre de ses compétences, l’architecte peut remplir les fonctions d’expert, donner des consultations ou dispenser des enseignements.

Art. 7. – L’architecte est tenu au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l’article 310 du code pénal.

Toutefois, il en est délié lorsqu’il est traduit devant le conseil de l’ordre siégeant en matière disciplinaire.

Art. 8. – 1° L’architecte est responsable de la bonne exécution des missions qui lui sont confiées. Les études non conformes au programme préétabli sont obligatoirement reprises par leurs auteurs.

2° L’architecte reçoit pour tous les travaux rentrant dans ses attributions, des honoraires dont les taux sont fixés par décret après avis du conseil de l’ordre.

CHAPITRE II

Relations avec les clients.

Art. 9. – Dans l’exercice de sa profession, un certain nombre de devoirs incombent à l’architecte tant dans ses relations avec ses clients ou confrères que dans ses relations avec l’ordre, l’entrepreneur ou le fournisseur.

Le code des devoirs professionnels de l’architecte fera l’objet d’un décret d’application.

CHAPITRE III

Incompatibilité.

Art. 10. – L’exercice de la profession d’architecte est incompatible :

  1. a) Avec toute espèce de négoce, même par personne interposée ou par conjoint ;
  2. b) Avec toute occupation ou activité de nature à porter atteinte à l’indépendance de l’architecte.

CHAPITRE IV

Congés, intérim, décès.

Art. 11. – L’architecte qui s’absente pour raison de congé doit informer l’autorité de tutelle et le conseil de l’ordre et désigner le responsable de son cabinet dont la qualification doit correspondre au moins à celle de collaborateur d’architecte.

Art. 12. – 1° En cas de congé ou d’une indisponibilité d’une durée supérieure à deux (2) mois, l’architecte doit désigner un intermédiaire qui doit être un architecte.

2° Dans le cas d’une absence de l’architecte supérieure à quatre (4) mois consécutifs, l’autorité de tutelle peut ordonner la fermeture provisoire du cabinet après avis du conseil de l’ordre statuant en matière de discipline.

Art. 13. – 1° Si par suite d’un cas de force majeure, l’architecte se trouve  dans l’impossibilité d’achever sa mission, son remplaçant est proposé soit par lui-même, soit par ses ayants droit au maître de l’ouvrage.

2° Lorsque plusieurs architectes accomplissent une même mission, ils ont toute liberté pour répartir entre eux les tâches et les honoraires.

3° En cas de pluralité d’architectes, le décès ou l’empêchement de l’un d’eux ne porte nullement atteinte aux effets du contrat.

4° dans tous les cas, les autres architectes sont tenus de poursuivre la mission qui leur était confiée.

 

TITRE III

De l’ordre national des architectes.

CHAPITRE PREMIER

Structure et fonctionnement de l’ordre.

Art. 14. – Il est créé un ordre national des architectes groupant les personnes habilitées à exercer cette profession dans les conditions édictées par la présente loi.

L’ordre national des architectes est doté de la personnalité morale.

Art. 15. – L’ordre national des architectes comprend une assemblée générale et un conseil supérieur de l’ordre.

Art. 16. – 1° L’assemblée générale est composée de tous les architectes inscrits à l’ordre.

2° Elle se réunit sur convocation de son président au moins une fois par an en session ordinaire, et le cas échéant en session extraordinaire à la demande soit de la majorité absolue de ses membres, soit du conseil supérieur de l’ordre, soit de l’autorité de tutelle.

3° L’assemblée générale élit son président pour deux ans. Le président est rééligible.

4° Elle élit les membres du conseil supérieur de l’ordre, arrête son règlement intérieur qui est homologué par l’autorité de tutelle et publié au Journal officiel.

5° L’ordre du jour de l’assemblée générale porte exclusivement sur les questions relatives à l’exercice de la profession.

Il est établi par le président de l’assemblée générale qui peut être saisi, un mois avant la session, de questions émanant soit des membres du conseil supérieur de l’ordre, soit du président du conseil, soit de l’autorité de tutelle.

6° L’organisation et le fonctionnement de l’assemblée générale sont définis par le règlement intérieur de l’ordre.

Art. 17. – L’assemblée générale statue au scrutin à la majorité absolue des membres présents.

Ne prennent pas part au vote, les architectes suspendus disciplinairement.

Art. 18. – L’ordre national des architectes est dirigé par un conseil supérieur de l’ordre.

Art. 19. – Le conseil supérieur de l’ordre des architectes est composé de cinq architectes élus par l’assemblée générale pour une période de deux ans.

Il comprend : un président

un vice-président;

un secrétaire général ;

un trésorier ;

un commissaire aux comptes.

Les membres du conseil supérieur de l’ordre sont rééligibles.

Art. 20. – Le conseil supérieur de l’ordre se réunit  au moins  une fois par semestre soit à la diligence de son président, soit à la demande de la majorité du conseil ou de l’autorité de tutelle. Ses décisions sont prises à la majorité absolue des membres présents. En cas de partage, la vois du président est prépondérante.

Art. 21. – Le président du conseil représente l’ordre auprès des pouvoirs publics. Il veille à l’exécution des décisions du conseil et du fonctionnement régulier de l’ordre dont il assure la défense des intérêts et la gestion des biens. Il représente l’ordre ainsi que son conseil dans tous les actes  de la vie  civile et en justice.

Art. 22. – 1° Le conseil de l’ordre a pour attributions :

  1. a) De veiller au respect des lois et règlements qui régissent la profession ainsi qu’à la discipline et au perfectionnement professionnel ;
  2. b) De veiller au maintien des principes de moralité et de probité indispensables à l’exercice de la profession et à l’observation par tous les membres de l’ordre du code des devoirs professionnels ;
  3. c) De statuer sur l’admission à l’inscription, à la réinscription au tableau et au rang ;
  4. d) D’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession d’architecte ;
  5. e) De gérer les biens de l’ordre et d’autoriser le président du conseil à ester en justice, à accepter tous dons et legs faits à l’ordre, à transiger, à consentir toutes aliénations ou hypothèques, à contracter tous emprunts ;
  6. f) De connaître d’une façon générale de toute question relative à l’exercice de la profession d’architecte et du bon fonctionnement de l’ordre.

2° Pour les attributions prévues à l’alinéa 1er paragraphe (e) les membres du conseil  supérieur sont solidairement responsables devant l’assemblée générale.

Art.23. – Le président du conseil est responsable de son action de gestion devant le conseil supérieur de l’ordre.

CHAPITRE II

Inscription au tableau de l’ordre.

Art. 24. – Les inscriptions au tableau de l’ordre sont faites par ordre d’ancienneté.

Art. 25. – L’autorité de tutelle tient le tableau de l’ordre à la disposition du public dans les préfectures et sous-préfectures ainsi qu’aux greffes des juridictions.

Ce tableau est publié annuellement par le conseil supérieur de l’ordre dans un journal d’annonces légales.

Art. 26. – L’inscription au tableau est demandée par l’architecte au conseil de l’ordre. La demande doit être accompagnée des pièces justifiant que le candidat remplit les conditions définies à l’article 4 ci-dessus.

Art. 27. – La décision du conseil supérieur de l’ordre est notifiée au requérant dans les trois mois après le dépôt de la demande. L’inscription effective dans l’ordre  intervient après avis conforme de l’autorité de tutelle.

La décision du conseil supérieur de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême statuant en matière administrative et en chambre du conseil.

Art. 28. – Aussitôt inscrit au tableau de l’ordre, l’architecte prête serment devant le conseil supérieur de l’ordre d’exercer sa profession avec conscience et probité.

Art. 29. – L’inscription au tableau de l’ordre donne le droit d’exercer la profession sur toute l’étendue du territoire national.

Art. 30. – L’architecte intégré dans  les statuts particuliers des corps des fonctionnaires de l’Etat peut solliciter  l’inscription à l’ordre national des architectes.

Toutefois, il ne peut exercer, à titre privé, la profession d’architecte que dans les limites de l’article 5 ci-dessus.

CHAPITRE III

Discipline.

Art. 31. – Le code des devoirs professionnels de l’architecte, cité à l’article 9, fixe les devoirs de la profession.

Art. 32. – Tout manquement aux devoirs de la profession rend son auteur passible d’une sanction disciplinaire.

Les poursuites sont intentées auprès du conseil supérieur de l’ordre soit par l’autorité de tutelle, soit sur plainte des intéressés.

Les décisions du conseil sont susceptibles de recours devant  la Cour suprême dans les formes et conditions prévus à l’article 27.

L’architecte mis en cause a le droit de prendre connaissance du dossier. Il ne peut  le déplacer. Il est convoqué pour être entendu ; il peut être assisté  d’un avocat ou d’un architecte membre de l’ordre.

Art. 33. – L’architecte reconnu  coupable encourt l’une des sanctions suivantes :

1° L’avertissement ;

2° Le rappel à l’ordre ;

3° Le blâme avec inscription au dossier ;

4° La suspension pour une durée maximum d’une année ;

5° La radiation provisoire du tableau emportant l’interdiction d’exercer la profession d’architecte.

La radiation devient définitive après avis conforme de l’autorité de tutelle.

Toute peine prononcée contre un membre du conseil supérieur de l’ordre, à l’exception de l’avertissement, entraîne déchéance de cette qualité.

Art. 34. – Sont nuls et de nul effet tous les actes tendant à permettre directement ou indirectement l’exercice de tout ou partie des activités professionnelles de l’architecte rayé du tableau ou même, pendant la durée de la peine, simplement suspendu.

 

TITRE IV

Dispositions diverses.

Art. 35. – 1° A titre exceptionnel, l’architecte de nationalité étrangère peut être autorisé par décret à exercer au Cameroun.

2° Il est tenu :

  1. a) De prendre l’engagement préalable de s’assurer la collaboration d’un architecte camerounais membre de l’ordre ;
  2. b) D’établir sa résidence habituelle au Cameroun.

3° Les dispositions qui précèdent s’appliquent de plein droit à l’architecte de nationalité étrangère exerçant légalement et effectivement au Cameroun à la date de promulgation de la présente loi.

Art. 36. – L’architecte de nationalité étrangère n’exerçant pas au Cameroun  peut être engagé par un contrat particulier pour une mission déterminée.

Il est soumis pendant toute la durée de la mission à l’obligation prévue à l’article 35, paragraphe 2-a).

Art. 37. – L’architecte de nationalité étrangère autorisé à exercer au Cameroun dans les conditions prévues aux articles 35 et 36 ci-dessus demeure soumis au contrôle de l’ordre, notamment en ce qui concerne les dispositions du chapitre III relatif à la discipline.

Art. 38. – Des décrets fixeront en tant que de besoin les modalités d’application de la présente loi.

Art. 39. – Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi, ainsi que celles du décret n° 62-25-COR du 2 avril 1962 portant organisation de la profession d’architecte au Cameroun oriental.

Art. 40. – La présente loi sera enregistrée et publiée au Journal officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 8 décembre 1975.

El HADJ AHMADOU AHIDJO.