Décret n°2013/159 du 15 mai 2013

Le président de la République, décrète :

TITRE I :

Dispositions générales

Article 1er.- (1) Le présent décret fixe le régime particulier du contrôle administratif des finances publiques.
(2) Il s’applique à l’Etat, aux établissements publics administratifs, aux collectivités territoriales décentralisées, aux entreprises des secteurs public et parapublic, ainsi qu’aux entités privées ayant reçu une subvention, un aval, une caution ou une concession de l’Etat ou de toute autre personne morale de droit public.

(3) Il s’applique également à toute personne morale de droit privé bénéficiant d’un Appel à la générosité publique, sous réserve des dispositions prévues par des textes particuliers.

Article 2.- Au sens du présent décret, les définitions ci-après sont admises :
Contrôle administratif : activité permettant aux services spécialisés du pouvoir exécutif de s’assurer du respect de la régularité des opérations budgétaires, financières et du patrimoine de l’Etat, d’évaluer la performance des administrations et de prévenir les risques de toute nature.

Contrôle de régularité : activité permettant de s’assurer de la conformité des opérations budgétaires, financières, et de gestions du patrimoine de l’Etat aux lois et règlements en vigueur.

Contrôle de performance : activité permettant de s’assurer de la réalisation des objectifs avec efficacité, efficience et économie, sur la base d’indicateurs prédéfinis, après mise en œuvre des stratégies, des programmes et des actions de l’administration avec l’allocation conséquente des ressources publiques .

Audit : activité indépendante et objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée. Il aide cette organisation à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle et de gouvernance, et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité.

L’audit est, soit interne lorsqu’il est effectué par un organe placé dans l’organigramme d’une administration mais jouissant d’une indépendance fonctionnelle vis-à-vis du service audité, soit externe lorsqu’il est effectué par une autorité extérieure à l’administration l’ayant prescrit.

Article 3.- (1) Le contrôle administratif est exercé par les services spécialisés compétents du pouvoir exécutif.
(2) Les services visés à l’alinéa 1 ci-dessus peuvent être internes ou externes à la structure contrôlée.

Article 4.- Le contrôle administratif s’effectue soit a priori, soit concomitamment à l’exécution de l’activité contrôlée, soit à posteriori. Il peut être inopiné, sur place ou sur pièces.

Article 5.- (1) Le contrôle administratif peut revêtir la forme d’un contrôle hiérarchique, d’un contrôle de tutelle ou d’un contrôle financier.

(2) Des textes particuliers organisent chacune des formes de contrôle visées à l’alinéa 1 ci-dessus.

Article 6.- Le contrôle administratif comprend :

– Le contrôle de régularité ;

– Le contrôle de performance ;

– Les missions d’audit spécifique.

TITRE II

DU CONTENU ET DES MODALITÉS DU CONTRÔLE ADMINISTRATIF

Chapitre I

Du contrôle de régularité

Article 7.- Le contrôle de régularité couvre l’ensemble des opérations et des actes juridiques et comptables ayant une incidence économique et financière sur le budget de l’Etat ou des autres organismes tels que prévus à l’article 1er du présent décret.

Article 8.- (1) pour la préservation de la régularité des opérations et des actes juridiques et comptables, le contrôle consiste à vérifier :

– La conformité à la règlementation des projets d’actes juridiques y afférents ;

– La régularité de toutes opérations budgétaires et financières au moment du paiement.

(2) Dans le cadre de ses missions, l’autorité en charge du contrôle reçoit communication de tous documents ou renseignements nécessaires à appréciation de la régularité de l’opération contrôlé.

Article 9.- Le contrôle de régularité porte sur les recettes, les dépenses et le patrimoine.

Article 10.- En matière de recettes, le contrôle de régularité porte sur :

– L’autorisation de percevoir les recettes ;

– La liquidation des droits ;

– L’émission et l’annulation des titres ;

– Le recouvrement des recettes ordonnancées.

Article 11.- En matière de dépenses, l’autorité chargée du contrôle examine la régularité formelle de tous les projets d’actes. Ce contrôle de régularité porte sur l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement.

Au niveau de l’engagement, le contrôle porte entre autres sur :

– L’accréditation de l’ordonnateur ;

– L’assignation à un poste comptable ;

– La conformité des engagements aux programmes et actions prévus ;

– La disponibilité des autorisations budgétaires ;

– Le respect des procédures de la commande publique ;

– L’exacte imputation de la dépense selon sa nature et son objet.

Au niveau de la liquidation et en plus des points visés en (1) ci-dessus, le contrôle porte entre autres sur :

– L’existence du visa budgétaire ;

– La liasse de la dépense ;

– La certification du service fait ;

– L’arrêté du montant de la dépense, comme contrepartie réelle du service fait.

Au niveau de l’ordonnancement et en plus des points visés en (1) et (2) ci-dessus, le contrôle porte entre autres sur :

– L’accréditation de l’ordonnateur ;

– La régularité de la liquidation ;

– Le poste comptable assignataire

;
– L’autorisation d’engagement ;

– Le crédit de paiement ;

– L’ordre de paiement.

Au niveau du paiement, le contrôle porte en plus des matières visées en (1), (2) et (3) ci-dessus et à l’exception des procédures de la commande publique sur :

– L’exactitude des calculs de liquidation ;

– Les délais de prescription et de déchéance ;

– Le mode de paiement ;

– La concordance entre le titre de créance et le titre de règlement ;

– Les cas d’opposition, de nantissement et des cessions ;

– Le règlement au véritable créancier.

Article 12.- En matière de patrimoine, le contrôle porte sur :

– L’acquisition et la prise en charge des biens et services ;

– L’affectation des biens et services ;

– Les conditions de conservation et de maintien des actifs dans le patrimoine ;

– Les conditions de cession, de réforme ou d’aliénation des biens publics ;

– La conservation des droits, privilèges et hypothèques sur immobilisations corporelles et incorporelles ;

– La prise en charge à inventaire des actifs financiers et non-financiers acquis.

Article 13.- Le contrôle de régularité est sanctionné, le cas échéant par :

– Le visa de l’autorité chargée du contrôle ;

– Le visa avec observation, lorsque l’objet du contrôle comporte des irrégularités non substantielles et susceptibles d’être remédiées, ou lorsqu’il ya substitution de responsabilité dans les cas d’instructions écrites du supérieur hiérarchique du contrôleur ou de la réquisition de comptable public par l’ordinateur ;

– Le visa avec réserve, lorsque l’autorité de contrôle a des doutes sur la véracité ou l’effectivité de l’objet du contrôle ;

– Le refus du visa lorsque les éléments fondamentaux de l’objet du contrôle sont manifestement irréguliers et contraires aux lois et règlements ;

– Le rapport, pouvant contenir des propositions ou suggestions ;

– L’engagement de la responsabilité des agents des structures contrôlées, conformément aux textes en vigueur ;

– L’avis.

Article 14 : le visa intervient obligatoirement à l’issue du contrôle des éléments ci-après :

– La programmation budgétaire initiale ;

– L’accréditation de l’ordonnateur ;

– L’imputation budgétaire ;

– La disponibilité des crédits ;

– L’exactitude des calculs de liquidation de la dépense ou de la recette ;

– La certification du service fait, sauf dans les cas des régies d’avances et des subventions.

Article 15 : (1) En cas d’irrégularité constatée, lors des contrôles à priori visés dans le présent décret, l’autorité de contrôle suspend le visa ou le paiement selon le cas, et notifie son rejet motivé à l’ordonnateur.

(2) Les Irrégularités relevées à l’occasion des contrôles à posteriori et constituant des fautes de gestions font l’objet de la saisine de l’organe chargé de la discipline budgétaire et financière.

Article 16 : l’ordonnateur peut adresser au comptable une réquisition à laquelle celui-ci est tenu de déférer, sauf pour les motifs ci-après :

– Absence de crédits disponibles ;

– Absence de certification du service fait, sauf pour les cas des régies d’avances, des subventions et des concours financiers ;

– Caractère non libératoire du paiement.

Article 17 : le refus motivé du visa par l’autorité chargée du contrôle ne peut être passé outre que sur l’autorisation expresse du ministre en charge des finances.

Article 18 : l’avis de l’autorité chargée du contrôle ne lie pas le responsable du programme.

Article 19 : Dans le cadre de ses interventions, l’autorité chargée du contrôle est responsable de ses visas ou, le cas échéant, des refus de visa qu’il oppose.

CHAPITRE II : DU CONTRÔLE DE PERFORMANCE

Article 20 : (1) Le contrôle de performance vise à assurer de l’exécution optimale des prévisions des recettes et des dépenses, à l’aide d’indicateurs prédéfinis.

(2) Il permet :

– de mesurer et d’analyser, sur la base des indicateurs, les résultats atteints par rapport aux objectifs fixés, et propos les mesures correctives éventuelles ;

– de s’assurer que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience pour réaliser les objectifs fixés ;

– d’analyser les réalisations, qui sont mesurées et confrontées à la prévision afin de mettre en évidence les écarts ;

– d’identifier et d’évaluer les risques d’anomalies significatives, résultant d’erreur ou de fraude ;

– de recueillir des éléments appropriés susceptibles de révéler l’existence d’anomalies significatives ;

– d’examiner et d’évaluer les pièces et documents comptables.

Article 21 : Le contrôle de performance s’appuie sur la comptabilité analytique des programmes et le système d’information mis en place par l’ordonnateur, permettant à ce dernier de produire des tableaux de bord d’aide à la décision et des rapports de gestion.

Article 22 : l’évaluation de la performance donne lieu à la production d’un rapport de performance.

CHAPITRE III : DES MISSIONS D’AUDIT SPÉCIFIQUE

Article 23 : (1) L’audit consiste en un examen approfondi et systématique de la performance d’une administration, d’un programme, d’une action ou d’une activité aux plans financiers et opérationnel, orienté vers l’identification des opportunités permettant de réaliser plus d’économie, d’efficacité et d’efficience.

(2) L’audit a pour objectif de fournir aux responsables stratégiques des informations pertinentes sur l’emploi des fonds et la gestion des structures et programmes, et d’améliorer la qualité de la gestion. Il aboutit à l’évaluation de la performance des administrations.

(3) L’audit permet notamment de :

– vérifier, à posteriori, le caractère sincère des prévisions des dépenses et des recettes présentées par les responsables de programmes, ainsi que leur comptabilité avec les objectifs des politiques publiques ;

– mesurer et améliorer la fiabilité des systèmes d’information existant ;

– mettre en place des systèmes efficaces de contrôle.

(4) L’audit couvre :

– l’évaluation de la superstructure, de ses missions, de ses objectifs et de ses programmes ;

– l’évaluation des systèmes et procédures de gestion et de contrôle des finances publiques ;

– l’analyse de l’approche managériale ;

– l’identification des risques et l’élaboration de leur cartographie ;

L’évaluation de la gouvernance financière et budgétaire.

Article 24 : l’audit peut être conduit suivant trois approches :

– Une approche axée sur les résultats, qui consiste à évaluer si les objectifs et les attentes prédéfinies ont été atteints comme prévus ;

– Une approche axée sur les problèmes, qui consiste à vérifier et à analyser les causes d’un ou de plusieurs problèmes particuliers ;

– Une approche axée sur les systèmes, qui consiste à s’assurer du bon fonctionnement des systèmes de gestion.

Article 25 : (1) L’audit est sanctionné par un rapport qui comporte, entre autres, des recommandations pratiques susceptibles d’apporter une valeur ajoutée au regard des manquements constatés, et faire référence à tous les cas importants de non – conformité et d’abus constatés.

(2) le rapport d’audit est adressé à l’autorité l’ayant prescrit avec copie au responsable du serment audité, sauf stipulation contraire de l’autorité compétente.

TITRE III DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 26 : (1) Des textes particuliers fixent l’organisation, le fonctionnement et le régime de responsabilité et d’indépendance des services spécialisés de contrôle et d’audit.

(2) le régime de responsabilité de l’ordonnateur est fixé par des textes particuliers.

Article 27 le présent décret, qui abroge toutes dispositions antérieures contraire, sera enregistré et publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au Journal officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 15 Mai 2013

Le président de la République

(é) Paul BIYA