BATOURI
Histoire et toponymie
Batouri est une déformation de Gbatouli, qui désigne, en langue Gbaya, grand cours d’eau noir ». D’après le député, lorsque les Allemands, armés de fusils, débarquent dans la localité vers la fin du XIXe siècle en provenance de Doumé, qui fut leur capitale régionale, ils rencontrent sur les rives du fleuve Kadey un certain Gbatouli à qui ils demandent le nom du lieu où ils se trouvent. Ne comprenant pas la langue germanique, l’indigène croit que les visiteurs lui demandent son nom à lui. « Gbatouli », leur rétorque-t-il. Les arrivants croient plutôt avoir entendu « Batouri ».
Ce peuple avait déjà connu d’autres guerres sur son chemin depuis le Sud Soudan, d’où il est parti. Peu avant les Allemands, il venait de repousser deux tentatives d’invasion des peulhs à Koundi (actuel Gambo, Boulaï) qui, sous la conduite de Gambo, ont tenté de les islamiser avant l’installation définitive des Kakos à Nola, quartier où réside actuellement le préfet de a Kadey. Sans oublier les autres attaques perpétrées à Ndélélé, autrefois appelé Bolessé par les Yanguélé, ou les Mbessebos à Kambélé, son loin de là. Tous ces événements, l’ancien maire de Batouri les tient de ses ancêtres Voui, Haman et surtout de son père Menguessa, qui ont eu la sagesse de les lui raconter afin que lui aussi, à son tour, les transmet aux générations suivantes.
Avec la défaite allemande lors de la première Guerre mondiale, le Cameroun passe sous mandat de la Société des nations (SDN) avant de devenir protectorat français et anglais au lendemain de la deuxième Guerre mondiale. L’administration française dans la partie orientale du Cameroun, va faire de Batouri le chef-lieu de la région de l’Est. ‘Pour des intrigues avec Marigo Mboua (le tout premier président de l’Assemblée nationale du Cameroun de 1961 à 1972, un fils du coin, Ndlr), Mbongo Mounoumè, alors inspecteur fédéral, déplaça le chef-lieu de la région pour Bertoua au début des années 60 », se rappelle Philémon Adjibolo.
Aujourd’hui, ces ces Kakos partis de Koumbou Kula (la forêt de Kula, dans le sud Soudan) revendiquent une parenté avec feu le leader soudanais John Garang, mais aussi avec Jean-Pierre Bemba Gombo, le leader du Mouvement pour la libération du Con démocratique (Mldc), malheureux
candidat face à Joseph Kabila à la dernière présidentielle congolaise.
Sans rancoeur aucune, les Kakos restent j un peuple accueillant. La preuve, Batouri est depuis des décennies une ville cosmopolite où des communautés ethniques venues d’horizons divers cohabitent en paix. Malgré les influences culinaires étrangères du fait de la modernité, les Kakos restent très attachés à leur sauce de gombo ou de koko assaisonnée à la viande boucanée ou au poisson fumé, de préférence accompagnée de couscous de manioc (appelé kamo) bien élastique. Philémon Adjibolo en est d’ailleurs friand: il
n’hésite pas, au clair de lune, à retrousser les manches de sa veste et à prendre
place sur une natte à même le sol, aux côtés de ses frères,
lorsque Nicole, son épouse, lui concocte ce mets avec ses
vingt-quatre enfants.
Grâce à sa position au sein de l’appareil
politique, Philémon Adjibolo dit avoir contribué à la création de nombreuses
unités administrative dans le département de la Kadey ont les districts de Nguélébok et et Kentzou. Maire de la ville de Batouri pendant une quinzaine d’années, il y a créé certains quartiers, à l’instar de Meyopo (la joie de vivre, en kako) dont il a contribué à la viabilisation grâce à l’extension du téléphone, l’adduction d’eau et l’électrification. Le chef-lieu de la Kadey peut aussi se targuer de faire partie des villes aujourd’hui connectées au reste du monde par te biais de l’Internet, du téléphone fixe, des réseaux de téléphonie mobile. « Mais beaucoup reste à faire», reconnaît modestement Philémon Adjiholo. Une vingtaine d’établissements d’enseignement maternel, primaire et secondaire s’emploient chaque jour à la formation d’une jeunesse sans cesse croissante. Avec en bonne place, te collège catholique Bary, créé le 19 octobre 1966 et où sont passés comme enseignants Emmanuel Bondé, actuel ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ou encore Bernard Wongolo, le gouverneur de la province du Sud.
Outre le petit commerce, la population de Batouri, estimée à près de 60.000 habitants, vit de l’exploitation forestière à travers la Société de transformation des bois de la Kadey (Stbk). La culture du tabac, vulgarisée par l’implantation de ta Compagnie d’exportation des tabacs camerounais (Cetac), permet aux agriculteurs de créer de vastes plantations à leur propre compte et de se faire un peu d’argent. A Kambélé, une bourgade située à 5 kilomètres sur la route de Vokadouma, une unité de transformation du manioc en amidon dirigée par des Chinois depuis 4 ans, emploie, grâce à ses 200ha de plantations, à une vingtaine de personnes, même si beaucoup se plaignent de la faible rémunération (moins de 30.000F le mois parindividu).
Batouri aurait pu être d’accès facile si la piste d’atterrissage de 2000m sur 45 était fonctionnelle et entretenue. Elle est aujourd’hui à la merci des eaux de ruissellement et des herbes folles. Même la tour de contrôle de cet aérodrome, qui de loin semble témoigner d’une activité normale, tombe progressivement en ruine.
Par contre, s’il y a un lieu touristique qui pourrait attirer les foules, c’est le mont Pandi. Un sommet de près de 1.000m d’altitude et dont ont dit qu’il est Souvent le théâtre de phénomènes extraordinaires que personne n’arriverait à expliquer. Selon des sources, à l’approche d’un événement de grande importance (décès d’une grande figure de la localité, visite d’une haute personnalité, comme ce fut le cas lors de la visite de l’ancien Premier ministre Simon Achidi Achu en 1995, etc.), il se dégage au sommet de Pandi une ambiance de fête sans qu’on ne sache qui en
est l’initiateur. On entend ainsi des battements de tambours et de tam-tams. Paris, de près, il est difficile pour le visiteur de voir le sommet du fait de l’épaisse couche nuageuse qui l’enveloppe des jours durant. Même les photographes téméraires et les plus futés du coin redoutent l’endroit, qu’ils jugent assez dangereux et d’accès difficile.
Philémon Adjibolo
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