Circulaire N° 003/CAB/PM du 18 avril 2008 relative au respect des règles régissant la passation, l’exécution et le contrôle des marchés publics
Le Premier ministre, chef du gouvernement,
A mesdames et messieurs :
– les vice-Premiers ministres ;
– les ministres d’Etat;
– les ministres.
– les ministres délégués ;
– les secrétaires d’Etat;
– les chefs de mission diplomatique;
– les gouverneurs de province ;
– les préfets ;
– les chefs des exécutifs des collectivités territoriales décentralisées ;
– les directeurs généraux et directeurs des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic ;
– les chefs de projets ;
– les présidents des commissions des marchés publics.
Trois ans après la mise en vigueur du décret N° 2004/275 du 24 septembre 2004 portant code des marchés publics et en dépit des avancées significatives enregistrées dans ce secteur ainsi que des mesures d’accompagnement mises en place pour faciliter l’application des règles et procédures relatives aux marchés publics, mon attention est attirée de manière récurrente sur la persistance de mauvaises pratiques et autres dysfonctionnements.
Ces mauvaises pratiques et dysfonctionnements se traduisent au niveau de la dépense publique par la sous consommation des crédits pourtant disponibles, de faibles taux d’exécution des projets d’investissements publics et une qualité approximative des prestations réalisées.
Ils découlent essentiellement d’une part, de l’indiscipline de certains maîtres d’ouvrage, maîtres d’ouvrage délégués et commissions des marchés publics et d’autre part, du manque de rigueur dans le contrôle des marchés publics, et portent, en phase de passation, entre autres sur :
– l’absence ou le non respect de la programmation de la passation des marchés, entraînant des recours abusifs aux procédures de gré à gré :
– l’inexistence ou la mauvaise qualité des études préalables, donnant lieu à des évaluations erronées des enveloppes budgétaires et à la prolifération des avenants ;
– la mauvaise qualité des dossiers d’appel d’offres, à l’origine des reprises ou annulations de procédures, les multiples recours des soumissionnaires liés au non respect des délais réglementaires;
– le fractionnement des marchés sur crédits délégués réalisables sur plusieurs années, au lieu du lancement d’un seul appel d’offres et de la programmation des dépenses par exercice tel que prévu par les articles 39 et 40 du code des marchés publics ;
– la non publication systématique dans le journal des marchés publics ou tout autre organe habilité, des avis d’appel d’offres et des résultats d’attribution des marchés, portant ainsi atteinte aux principes de transparence et d’équité consacrés à l’article 2 du code des marchés publics;
– le rejet abusif des offres pour des manquements au niveau des pièces administratives non imputables aux soumissionnaires ;
– le non respect des délais minima de trente jours accordés aux soumissionnaires pour la confection de leurs offres, qui engendre la diminution du nombre de candidats par lot ou la. mauvaise qualité des offres présentées ;
– la constitution tardive des sous-commissions d’analyse des offres après la séance de dépouillement des plis et le dépassement du délai maximal de trente jours (30) à consacrer à cette analyse;
– l’établissement des sous critères d’évaluation, après prise en connaissance des offres des soumissionnaires;
– l’évaluation biaisée des offres et des falsifications ou substitutions de pièces au niveau des sous-commissions d’analyse, qui pose le problème de la sécurisation des offres ;
– des retards inexplicables dans la finalisation des projets de marchés pourtant déjà adoptés lors de l’examen des dossiers d’appels, d’offres ou après avoir obtenu l’autorisation de gré à gré sur la base d’une urgence invoquée ;
– le défaut de transmission dans les délais des documents des marchés publics, qui entrave les missions de régulation et d’évaluation du système;
– le non paiement des droits de régulation, qui ne permet pas d’assurer une bonne exécution des activités de contrôle et de régulation exercées respectivement par les observateurs indépendants, les auditeurs indépendants de l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP).
En phase d’exécution, ces mauvaises pratiques et dysfonctionnements concernent surtout:
– le défaut de transmission à l’ARMP des documents liés à cette phase aux fins de régulation et d’audits ;
– la faible capacité des collaborateurs des maîtres d’ouvrage ou maîtres d’ouvrage délégués en charge du suivi et du contrôle de l’exécution couplée au défaut d’application des dispositions de l’article 81 du code sur le recours à la maîtrise d’œuvre privée;
– la mauvaise planification de l’exécution des marchés des travaux en raison notamment du démarrage des prestations en contre saison, de l’indisponibilité des sites ou des difficultés de libération des emprises;
– le défaut d’application systématique des pénalités de retards, le cas échéant;
– le non respect des délais réglementaires fixés par le CCAG et le marché, pour l’approbation des dossiers techniques, des décomptes ou factures, la signature des procès-verbaux de réception et la libération des cautions définitives ou des retenues de garanties.
C’est dans le but de corriger ces insuffisances et d’améliorer la performance du système des marchés publics au Cameroun que la présente circulaire, qui complète celle N° OO4/CAB/PM du 30 décembre 2005 relative à l’application du code des marchés publics, rappelle aux principaux acteurs que sont les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’ouvrage délégués, les présidents et membres des commissions des marchés publics, les observateurs indépendants et l’agence de régulation des marchés publics, les règles fondamentales à respecter dans les activités de passation, d’exécution et de contrôle des marchés publics.
Ainsi, aux maîtres d’ouvrage et aux maîtres d’ouvrage délégués, je prescris:
1. de s’abstenir dorénavant de tout recours aux procédures de gré à gré en dehors des cas limitatifs prévus par le code des marchés publics.
2. d’élaborer, conformément aux prescriptions de l’article 111 (1) du code des marchés et de la circulaire du 30 décembre 2005 susvisée, des plans de passation des marchés à passer tout au long de l’exercice budgétaire et de transmettre le journal de programmation subséquent à l’ARMP et à l’autorité chargée des marchés publics au plus tard le 15 février de chaque exercice budgétaire et dans tous les cas avant la transmission du premier dossier d’appel d’offres en commission pour examen ;
3. de s’abstenir dorénavant de recourir systématiquement aux demandes de gré à gré à titre de régularisation d’avenants ou de marchés exécutés en dehors d’un cadre contractuel définitif;
4. de réaliser les études d’avant projet nécessaires, préalablement à tout lancement d’appels d’offres, afin de définir, les spécifications techniques et des coûts prévisionnels des ouvrages à réaliser, des fournitures à livrer et des services à fournir. A cet effet, pour les projets de construction des bâtiments, d’édifices publics et de routes, vous veillerez à ce qu’au plan technique, ces études intègrent l’approche handicap pour tenir compte des préoccupations spécifiques relatives à l’accessibilité des personnes handicapées. Elles prendront également en considération, les prescriptions de la circulaire N° 002lCAB/ PM du 12 mars 2007 relative à l’utilisation des matériaux locaux dans la construction des bâtiments publics d’au plus R+l ;
5. d’utiliser systématiquement les dossiers types d’appels d’offres disponibles à l’ARMP sous forme physique et électronique et respecter scrupuleusement les innovations qui y sont contenues notamment :
a. l’inclusion dans les dossiers d’appel d’offres (DAO) des études préalables visées au 4 ci-dessus ou des justificatifs sur leur existence. Il s’agira, soit de mentionner les références du marché ayant été passé pour la réalisation de ladite étude, soit de joindre au DAO, une note d’étude faisant ressortir, en fonction de la nature des prestations à réaliser, notamment, le contexte du projet, les objectifs recherchés, le lieu d’exécution des prestations, le calendrier prévisionnel d’exécution des prestations, les caractéristiques techniques envisagées, la disponibilité du site, les notes de calcul, les justificatifs des quantités de l’appel d’offres ainsi que l’évaluation du coût maximal du projet.
b. l’introduction dans les dossiers d’appel d’offres de la liste, disponible auprès de l’ARMP, des établissements bancaires ou organismes financiers nationaux habilités par le ministre en charge des finances à émettre les cautions dans le cadre des marchés publics;
c. la clarification des critères essentiels de qualification des soumissionnaires et d’évaluation des offres;
d. le recours à la notation binaire (oui/non) au lieu de la notation par points lorsqu’il s’agit des marchés’ de travaux et de fournitures ;
e. la fixation du nombre d’exemplaires d’offres à produire par les soumissionnaires en tenant compte du fait qu’une copie doit être remise, séance tenante, lors du dépouillement des plis, au représentant désigné par l’ ARMP ;
6. de veiller au respect des délais réglementaires à accorder aux soumissionnaires pour la remise des offres en tenant compte du fait que ces délais courent à compter de la date de publication des avis d’appels d’offres et non de celle de leur signature ;
7. de transmettre à l’ARMP dans un délai maximal de 48 h, pour publication dans le journal des marchés publics (JDM), les avis d’appels d’offres, les résultats d’appels d’offres et les décisions d’attribution des marchés dès leur signature ;
8. de veiller à la bonne tenue par les services compétents des registres ci-après, fournis par l’ARMP et à la transmission en temps réel à cette dernière, les feuillets prévus à cet effet; il s’agit:
a. du registre infalsifiable destiné à la rédaction des procès-verbaux des séances des commissions;
b. du registre des offres qui permet d’enregistrer toutes les informations relatives à l’achat des dossiers d’appels d’offres (DAO) et au dépôt des offres ainsi que celles relatives aux soumissionnaires concernés ;
c. du registre des lettre-commandes, marchés et avenants signés qui sert à consigner les principales informations sur les contrats conclus;
d. du registre des procédures et contentieux qui a pour vocation d’une part, de matérialiser la traçabilité des procédures pour un meilleur suivi de la programmation et, d’autre part, d’enregistrer les recours formulés à différentes phases de la procédure de passation d’un marché pour un meilleur suivi de leur traitement;
9. de recourir à un appel d’offres ouvert chaque fois qu’une requalification effectuée dans le cadre d’un appel d’offres restreint débouche sur un seul candidat;
10. de s’acquitter dans les délais requis, des droits de régulation au taux de 0,5 % du montant TTC du contrat, c’est-à-dire dès publication des résultats d’attribution et avant notification du marché signé à l’attributaire, conformément au décret N° 2005/5155/PM du 30 novembre 2005 fixant les modalités de fonctionnement du compte d’affectation spéciale pour la régulation des marchés publics;
11. de recourir à l’expertise de l’ARMP pour la formation des personnels devant intervenir dans les différentes procédures de programmation, de passation, d’exécution et de contrôle des marchés, afin d’accroître la qualité des opérations conduites;
12. de désigner dans les cahiers des clauses administratives particulières (CCAP) des marchés, conformément aux dispositions des dossiers types d’appels d’offres, le point focal qui sera responsable de la transmission à l’ARMP, des copies des documents générés en phase d’exécution du marché, à savoir notamment: les ordres de services; les polices d’assurances; les procès-verbaux de réunions; les programmes des travaux et projets d’exécution approuvés; les attachements et les décomptes signés; les rapports d’études approuvés, les rapports périodiques des missions de contrôle; les procès verbaux de réception provisoire et/ou définitive; les cautions et autres garanties; les correspondances diverses, etc…
13. de veiller à ce que les procès-verbaux de réception soient signés séance tenante par tous les membres présents, tel que prescrit par l’arrêté N° 033/CAB/PM du 13 février 2007 mettant en vigueur les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics;
14. de recourir systématiquement à la maîtrise d’œuvre dans les conditions prévues à l’article 81 du code et le cas échéant, à l’expertise extérieure pour une assistance à la maîtrise d’ouvrage, afin d’améliorer la qualité d’exécution des marchés;
15. de procéder, pour les marchés pluriannuels, au lancement d’un seul appel d’offres, conformément aux dispositions des articles 39 et 40 du code des marchés publics qui prévoient la budgétisation des dépenses sur plusieurs exercices, dans la limite des autorisations d’engagement fixées à l’article 15 de la loi N° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat et après accord de l’autorité chargée des marchés publics;
16. de prévoir dans la programmation des marchés dont les montants sont supérieurs aux seuils indiqués à l’article 81 du code, celle des marchés de contrôle y afférents.
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Aux présidents et membres des commissions des marchés publics, je demande:
1. de veiller à ce que les dossiers à examiner soient autant que possible regroupés de manière à optimiser l’ordre du jour de la réunion et par conséquent le nombre de séances;
2. d’éviter d’adopter les sous-critères ou grilles d’évaluation après l’ouverture des offres ;
3. de veiller au respect des délais réglementaires d’analyse des offres ;
4. de s’assurer que l’avis d’appel d’offres a été publié dans un journal habilité et de surseoir à l’ouverture des offres tant que le dit avis n’a pas été publié conformément aux dispositions réglementaires ;
5. de joindre désormais au procès verbal de la séance d’ouverture des offres, la photocopie de l’extrait du registre des offres tenu par le service ou de cellule des marchés;
6. conformément aux prescriptions des dossiers types d’appel d’offres, de remettre séance tenante, lors du dépouillement des plis, une copie des offres des soumissionnaires au point focal désigné par l’ARMP à savoir le collecteur, l’observateur indépendant, le chef d’antenne ou toute autre personne accréditée ;
7. de transmettre à l’ARMP dans les 72 heures qui suivent la fin des travaux, en collaboration avec le secrétaire de la commission et le service ou la cellule des marchés, toute la documentation relative aux dossiers traités tels, les DAO vendus, les rapports d’analyse des offres examinés, les marchés examinés, les convocations, le procès-verbal de la séance, etc… ;
8. de transmettre aux maîtres d’ouvrage et maîtres d’ouvrage délégués, à l’ARMP et à l’autorité chargée des marchés publics, au plus tard un mois après l’échéance, des rapports d’activités semestriels et annuels rédigés selon le modèle fourni par l’ARMP ;
A l’agence de régulation des marchés publics, je recommande :
1. d’intensifier les activités de renforcement des capacités des acteurs à travers les formations programmées où à la carte, des émissions radiophoniques, le journal des marchés publics (JDM), le site Internet, et des appuis techniques spécifiques compatibles avec les activités de régulation;
2. de veiller au paiement régulier des prestations des observateurs indépendants afin d’assurer l’efficacité de la réforme du système des marchés publies ;
3. de mettre un accent particulier sur la régulation de la phase d’exécution à travers d’une part, une bonne maîtrise des données sur l’exécution et le contrôle des marchés publics et d’autre part, des contrôles et investigations inopinés ;
4. de poursuivre les efforts d’harmonisation des procédures nationales et des documents standards avec ceux de nos principaux partenaires au développement conformément à la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement.
J’attache du prix au strict respect et à l’application rigoureuse des directives contenues dans la présente circulaire dont je prescris une large diffusion.
Yaoundé le 18 avril 2008
Le Premier ministre, chef du gouvernement,
(é) INONI Ephraim