Conçue comme un rêve pour certains, une aspiration pour d’autres, la présidence de la République constitue la plus grande instance de pouvoir dans un Etat de droit. Si la théologie dans une logique de sacralisation part du postulat que « tout pouvoir vient de Dieu », le Droit sans fondamentalement s’y écarter précise les conditions tant procédurales que substantielles pour y parvenir aux fonctions de Président de la République. Autrement dit, Dieu établit ses élus et le Droit détermine les règles nécessaires de régulation des missions providentielles. C’est tout le bien fondé d’un minimum de maitrise sur l’accession à la noble fonction de Magistrat suprême dans un Etat. Le cas du Cameroun de par son actualité brulante est éloquent à ce titre. D’où le besoin de s’y intéresser.
L’ACCES A LA MAGISTTRATURE SUPREME DU CAMEROUN : LES CONDITIONS D’ELIGIBILITE :
Au premier abord se situe l’alinéa 6 de l’article 6 de la Loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996 qui prévoit que « le régime de l’élection à la présidence de la République est fixé par la loi ». Et le texte actuellement en vigueur en la matière c’est la Loi n°2011/002 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la Présidence de la République. Les dispositions de cette loi concrétisent d’une certaine manière celles énoncées par l’alinéa 5 de l’article 6 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. La teneur de ce texte détermine diverses exigences liées aux règles substantielles et formelles.
I-Les conditions de fond
Dans son fond, le droit camerounais attache du prix aux aptitudes des postulants et à des dispositions laissant transparaitre la volonté indéfectible d’être pleinement au service envisagé. A ce titre, l’article 9(nouveau) de la loi du 6mai 2011 exige explicitement l’interruption de toute fonction publique élective ou toute activité professionnelle. Bien plus, la loi sus évoquée met un point d’honneur non seulement sur la capacité juridique des postulants mais également sur leur attachement à la République.
A-La capacité juridique
La capacité juridique dont il est question porte sur l’âge des postulants à la candidature et à la jouissance des droits civiques et politiques.
Pour ce qui est de l’âge, l’article 8 de la loi n°97 /020 du 9septembre 1997 exige un plancher de trente cinq (35) ans révolus à la date de l’élection. Il s’agit d’une exigence qui assure sans doute la conciliation des considérations de jeunesse aux nécessités empiriques.
Quant à la jouissance des droits civiques et politiques énoncés par le texte sus évoqué, il convient de dire qu’ils désignent les protections et privilèges de libertés individuelles accordées à tout citoyen par la loi. Ils se réfèrent dans le cas d’espèce au droit de vote, d’élection et surtout d’éligibilité. Dans la mesure où ce droit est institutionnellement consacré pour tout citoyen, il convient de comprendre dans le sens légal de jouissance de droit civiques et politiques, l’absence d’interdiction judicaire de les exercer.
B -L’attachement à la République du Cameroun
La fonction de magistrat suprême étant intimement liée à la présidence de la République, un attachement à l’Etat Camerounais se présente comme une condition majeure déclinée en deux aspects à savoir la citoyenneté camerounaise et la résidence continue sur le territoire.
Pour ce qui est de la citoyenneté camerounaise, l’article 6 alinea5 de la constitution de 18 janvier 1996 corroborée par l’article 8 de la loi n°97 /020 du 9 septembre 1997 parle de « citoyen camerounais d’origine ».A l’observation, cette citoyenneté n’est pas en déphasage avec la nationalité d’origine énoncée par la loi n°68-LF-3 du 11 juin 1968 portant code de la nationalité camerounaise et son Décret d’application n°68-DF-478 du 16 décembre 1968 fixant les modalités d’application du code de la nationalité.
De ces textes, l’on peut noter que la nationalité camerounaise relève soit de la filiation camerounaise soit de la naissance au Cameroun.
Sur la base de la filiation, la nationalité camerounaise est déterminée en fonction du type de filiation.
Dans l’hypothèse de la filiation légitime, l’article 7a prévoit que « est camerounais : l’enfant légitime dont l’un de ses parents est camerounais ».
Pour ce qui est de la filiation naturelle, il ressort de la lecture conjointe des articles 6b, 7b et 8b qu’un enfant naturel a la nationalité camerounaise lorsque la filiation avec son parent camerounais a été établie en premier et même en second si l’autre parent est apatride.
Sur la base de la naissance au Cameroun, les articles 9 à 11 reconnaissent la nationalité camerounaise à toute personne née sur le territoire camerounais soit lorsqu’elle ne peut se prévaloir d’aucune nationalité d’origine, soit lorsque ses parents sont inconnus, soit encore lorsque l’un de ses parents étrangers légitimes ou naturels auquel il a été juridiquement attaché en premier est lui-même né au Cameroun à l’exclusion des agents diplomatiques ou des consuls de carrière de nationalité étrangère conformément à l’article 16 du Code camerounais de la nationalité.
Dans toutes ces hypothèses, la nationalité camerounaise peut être écartée soit par la répudiation de son bénéficiaire dans les six mois précédant la majorité soit plus particulièrement par suite d’établissement de la filiation à l’égard d’un étranger au cours de sa minorité par un enfant de parents inconnus.
Quant à la résidence continue sur le territoire camerounais, l’article 8 de la loi n°97/020 du 9 septembre1997 exige une durée minimale de douze mois consécutifs.
Sur la base ces exigences d’ordre substantiel, tout postulant peut par la suite faire acte de candidature en observant les exigences formelles nécessaires.
II-Les conditions de forme
Les conditions de forme concernent au premier plan les différents postulants dont le sort est en tout état de cause déterminé par le Conseil électoral d’Elections Cameroon.
A- Les formalités à la diligence du postulant
Celles-ci sont relatives à la déclaration de candidature par le postulant inscrit sur une liste électorale à la date du scrutin et investi par un parti politique ou ayant réuni 300 signatures.
Tout commence par la déclaration de candidature revêtu de la signature du postulant conformément à l’article 52(nouveau) de la loi n°2011/002 du 06 mai 2011. Cette déclaration faite en double exemplaire doit impérativement comporter outre l’identité civile du postulant, la couleur, le signe et le titre choisi pour l’impression des bulletins de vote. Par la suite acheminée à la Direction Générale des Elections ou de manière exceptionnelle dans les démembrements régionaux d’Elections Cameroon.
La réception de cette déclaration est dès lors conditionnée par l’adjonction du nombre de pièces exigées par l’alinéa 2 de l’article 54 de la loi n°97/020 du 9 septembre 1997.
Il s’agit plus précisément :
– d’un certificat de nationalité
– de la lettre de présentation et d’investiture du parti cautionnant la candidature du postulant
-ou de la liste de 300 signatures de personnalités requises pour les candidats indépendants
– d’un extrait d’acte de naissance datant de moins de trois mois
– un extrait du casier judicaire datant de moins de trois mois
– de l’original de certificat de versement du cautionnement
– et d’une déclaration sur l’honneur par laquelle le postulant s’engage à respecter la constitution de la République.
Cette déclaration ne devrait avoir de sens que sous condition d’inscription préalable du postulant sur une liste électorale à la date du scrutin conformément à l’article 8 in fine de la loi électorale. Et pour cela, il devrait observer toutes les exigences énoncées par l’article 6 de la loi du 9 septembre 1997. Dès lors, l’administration pourra se saisir de l’acte de candidature.
B- Les formalités à la diligence du Conseil Electoral
Après la réception des manifestations de candidature, il revient au Conseil Electoral de leur conférer l’onction nécessaire. Celle-ci passe par l’acceptation de la déclaration de candidature, la publication de candidatures retenues au terme d’une éventuelle phase contentieuse et leur notification au Conseil constitutionnel.
L’acceptation de candidatures par le Conseil Electoral laisse bien évidemment subodorer l’hypothèse de rejet de certaines candidatures en vertu de l’article 58(nouveau) de la loi électorale de 2011 pour cause d’irrecevabilité.
Dès lors tout postulant insatisfait peut en vertu de l’article 62(nouveau) de la loi électorale de 1997, adresser une requête de contestation ou de réclamation au Conseil constitutionnel dans un délai de deux jours suivant la publication des candidatures. Celui-ci n’ayant pas encore d’existence physique, ses fonctions restent dévolues à la Cour suprême.
Après l’examen de ces requêtes dans le délai de dix jours suivant le depot de la requête comme le prévoit l’alinéa 1 de l’article 63(nouveau)de la loi du 06mai 2011,le Conseil Electoral arrête par la liste des candidatures retenues avant d’en assurer la publication et par la suite la notification au conseil constitutionnel conformément à l’article 58(nouveau) de la loi n°2011/002 du 06 mai 2011 .
Après cette publication, toute déclaration d’inéligibilité par le conseil constitutionnel sur un candidat investi par un parti politique nécessite son remplacement immédiat par un autre candidat proposé par le même parti dans les trois(03) jours suivant la décision du conseil constitutionnel et dans la mesure où le nouveau candidat remplit toutes les conditions légales d’éligibilité.
Et lorsqu’un candidat investi par un parti politique décède avant l’ouverture de la campagne electorale,il peut être remplacé à l’initiative du dit parti. Mais ce remplacement n’est recevable que si la nouvelle candidature est déposée à la Direction Générale des Elections au plus tard le vingtième jour précédant le scrutin.
Le voile sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République du Cameroun ayant été levé, on peut alors s’interroger sur la réglementation de la campagne électorale, le déroulement du scrutin, et son dépouillement.
Par M. Bilong Jacques James – Email : maitrejacques83@yahoo.fr
Et M. Yannick Oyono – E-mail:maitreyannick.oyono@yahoo.fr
Doctorants associés en Sciences Juridiques