Le service public est, dans le domaine de compétences et de prérogatives de l’état, celui qui met directement en relation l’Administration (bien que cette entité à laquelle il est si souvent fait allusion n’existe en réalité pas) et ses administrés. Appréhendés globalement, les fonctions de cette Administration peuvent se caractériser d’une part, en une fonction normative ayant pour objet de prescrire, d’autoriser, d’interdire ou d’encadrer certaines activités privées, et d’autre part, en une fonction de prestation par laquelle la collectivité publique fournit des biens ou des services, tels l’enseignement et la formation, les soins aux malades, certains transports en commun ou des activités culturelles.
L’apport du droit communautaire à la notion de service public a, sans aucun doute, profondément ébranlé la conception française du S.P., notamment par l’ouverture du marché français à la concurrence étrangère et ainsi la disparition des monopoles étatiques à la française.
(A) Le service public.
On peut le définir comme la réunion d’éléments organiques, c’est à dire son rattachement direct ou indirect à une collectivité publique, et d’éléments matériels, c’est à dire la poursuite d’une finalité d’utilité publique. Ainsi conçu, le service public, mythe fondateur du droit administratif français, prenait des allures de mystique, mais risquait également de verser dans la mystification. Une partie de la doctrine, préférant s’éloigner du débat, appréhende comme Bernard Chenot, vice-président du C.E., le service public comme un concept impossible à définir mais bel et bien présent dans la société, mais en se bornant ainsi à dire que le service public est important par son existence et qu’il existe grâce à son importance, on doit bien avouer que cette conception existentialiste n’est que d’un intérêt négligeable pour le juriste soucieux d’éclaircir ce tronçon du droit.
1) Les éléments organiques du service public
Dans la sémantique syndicale et médiatique, le terme «établissement public» est assez large, d’après ceux qui l’emploient, pour englober tout et n’importe quoi. Cependant bien souvent ceux ci oublient que toute entreprise publique n’a pas nécessairement une activité de service public et qu’à l’inverse certaines activités de service public sont exercées par des organismes privés.
Il n’y a service public que si une activité d’intérêt général est assurée soit directement par l’Etat ou une collectivité publique, soit au moins contrôlées par ceux-ci et assumée indirectement par eux.
Ainsi la majorité des services publics sont en effet directement assurés par l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Cependant, un organisme privé peut assurer également une mission de service public, à condition d’avoir un rattachement au moins indirect de cette activité à une personne publique. De tout temps, il a été admis que l’état puisse déléguer certaines de ses fonctions tant qu’il ne s’agit pas de ses attributions régaliennes (un service public ne peut relever de fonctions de souveraineté, telles que le maintien de l’ordre ou l’activité de réglementation).
La seule condition à ce transfert de prérogatives est un rattachement de la personne privée en charge du service public à la personne publique normalement compétente. Il peut aussi bien s’agir d’une participation de la personne publique au capital de l’organisme privé, de la possibilité d’en désigner les dirigeants, du financement de l’activité. Bref il faut un rattachement indirect entre la personne privée et la personne publique, permettant à cette dernière d’exercer un contrôle sur l’organisme privé.
Ainsi, pour retenir la qualification de service public, le Conseil d’Etat a pris en compte, par exemple, le fait que les centres techniques industriels, qui sont des établissements privés d’utilité publique, sont soumis à la tutelle du ministre, qui nomme les membres de leur conseil d’administration et contrôle leur activité par l’intermédiaire d’un commissaire du gouvernement doté d’un droit de veto suspensif (CE, sect., 28 juin 1963, Narcy).
En revanche, en l’absence de ces éléments organiques que sont l’exercice de l’activité par une personne publique ou, au moins, son rattachement indirect à une collectivité publique, il n’y a pas de service public même si l’activité en question poursuit incontestablement une finalité d’intérêt général.
2) Les éléments matériels du service public
Outre la réunion d’éléments organiques, la définition de service public suppose la coexistence d’éléments matériels, c’est à dire le contenu même et le but de l’activité considérée, c’est à dire son caractère d’intérêt public. Toute entité publique n’exerce pas nécessairement à tout moment des missions d’intérêt général. Inversement, des entités privées peuvent exercer des missions d’intérêt général.
Certaines personnes morales privées peuvent être qualifiées de service public alors même que l’exercice de ses missions ne comporterait pas l’exercice de prérogatives de puissance publique, dès lors qu’il existe cependant un certain contrôle exercé par l’autorité publique (C.E. 20 juill. 1990, Ville de Melun…).
(B) Les différents types de service public.
1) Les services publics traditionnels
Il s’agit non seulement des services publics régaliens tels que la justice, la défense nationale, l’éducation… mais aussi certaines fonctions d’éducation et d’assistance sociale. Les juristes de l’école du service public considéraient qu’il s’agissait là des seuls véritables services publics. Enfin l’arrêt du C.E. du 17 déc. 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, dispose que la mise à disposition et la diffusion de textes, décisions et documents juridiques répondant aux exigences d’égalité d’accès, de neutralité et d’objectivité constitue, par nature, une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient à l’Etat de veiller.
2) Les services publics culturels et de loisirs
Des activités théâtrales, cinématographiques, sportives et mêmes artificières (feux d’artifice) ont été qualifiées de services publics dès lors qu’ils sont organisés par des collectivités publiques ou même par des organismes privés placés sous un certain contrôle des collectivités publiques. Arrêt C.E. 7 avr. 1916 Astruc et société du Théâtre des Champs-Elysées, Maurice Hauriou.
3) Les services publics économiques et financiers
On peut se demander si des organismes publics comme la perception des impôts ou la gestion du Loto national doivent être qualifiés de service public. Tant il est vrai que le but de ces activités est l’intérêt financier de l’Etat et non dans l’intérêt immédiat du public. En fait, ces services apparaissent comme de véritables services publics tant il est vrai que les produits financiers tirés par l’Etat de ces activités sont nécessaires pour la création et le fonctionnement d’autres services quant’à eux offerts au public.
2 célèbres jurisprudence : _Monpeurt (CE, Ass, 31/07/42 GAJA n°59)
_Bouguen (CE, Ass, 02/04/43 GAJA n°60)
Le ce a admis la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre des décisions prises par des organismes privés au motif qu’ils étaient chargés de participer à l’exécution d’un service public, alors même que le CE précisait toutefois qu’ils ne constituaient pas des établissements publics. (On s’est longtemps demandé si le CE n’avait pas de cette façon implicitement consacré l’existence d’une nouvelle catégorie de personnes publiques (qui ne seraient ni des collectivités locales, ni des établissements publics) tandis que d’autres pensaient qu’il suffisait de les ranger parmi les personnes privées chargées de missions de service public.
L’exécution d’un service public peut-être confiée non seulement à des personnes morales de droit privé mais aussi à des personnes physiques, par voie de contrat, celui-ci acquérant alors le caractère d’un contrat administratif. (CE, Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin, GAJA n°83)
Il faut souligner ici l’ampleur de la participation des personnes privées à l’action administrative (ex : Malgré le caractère de service public de la Sécurité Sociale, les caisses chargées de sa gestion sont des organismes de droit privé, mais aussi certaines organisations professionnelles (arrêt Magnier), des groupements sportifs (arrêt Peschaud c/ G.F.P.) etc…).
Tous ces organismes sont considérés comme participant à l’action administrative, ce qui les soumets pour certains aspects de leur activité au droit administratif, alors même qu’ils sont des personnes privées.
Pour conclure, il convient de se poser la question de savoir pourquoi un tel assouplissement a été possible. La réponse est courte et simple, ce que l’on pourrait qualifier de «sous-traitance» administrative, permet à l’administration de prolonger et de multiplier son action sur le terrain avec des avantages de souplesse et de proximité.
JURISPRUDENCE :
TC, 22 janv. 1921, Société commerciale de l’Ouest africain.
Les faits :
La colonie de Côte d’Ivoire a établi un bac de transport sur la lagune Ebrié qu’elle exploitait directement, or un accident est survenu causant un préjudice à la Société commerciale de l’Ouest africain.
Procédure :
La Société commerciale de l’Ouest africain a assigné le 30 sept. 1920 la colonie de Côte d’Ivoire devant le président du tribunal de Grand-Bassam. Le lieutenant-gouverneur de la Côte d’Ivoire a dès le 02 oct. 1920 par le biais d’un télégramme déclaré élever le conflit, sans respecter les formalités de l’ordonnance du 1er juin 1928 avant de prendre, le 13 oct. 1920 un arrêté satisfaisant à ces exigences.
Problème de droit :
_Qui du juge judiciaire ou administratif est compétent pour connaître des litiges entre un particulier et une personne publique, en réparation d’un préjudice causé par l’exploitation d’un service public (industriel et commercial) ?
_La saisine du Tribunal des conflits opérée en deux temps est-elle régulière ?
Solution :
_En ce qui concerne la saisine du Tribunal des conflits : les exigences de délais ayant été respecté, le Tribunal des conflits est réputé avoir été régulièrement saisi.
_Etant donnée que le bac d’Eloka ne constitue d’aucune manière un ouvrage public mais un simple service de transport, certes exploité par la colonie de Côte d’Ivoire, mais dans les mêmes conditions que n’importe quel autre industriel, étant donné également l’absence de texte spécial attribuant compétence à la juridiction administrative. La compétence, en l’espèce revient de plein droit à la juridiction judiciaire.
(Arrêté de conflit annulé).
Portée :
Par cet arrêt célèbre –plus connu sous le nom «bac d’Eloka»- le Tribunal des conflits a ainsi décidé que l’autorité judiciaire était compétente pour connaître des actions intentées par des particuliers en réparation des conséquences dommageables de l’exploitation d’un service public industriel et commercial.
Depuis longtemps, la doctrine avait reconnu à l’administration le pouvoir d’agir dans certaines de ses activités comme le ferait un simple particulier, c’est à dire sans user de ses prérogatives de puissance publique. L’innovation fondamentale de cet arrêt consiste dans l’application de la notion de gestion privée à des services publics entiers, c’est ainsi que l’on a été amené à distinguer les services publics «administratifs» et les services publics «industriels et commerciaux».
Mais comme on le verra plus tard, cette distinction entre SPA et SPIC, ainsi consacrée par l’arrêt Société commerciale de l’Ouest africain, n’obéit pas, aujourd’hui, à un critère simple qui la rendrait facile à manier concrètement.
La jurisprudence du C.E. (Union syndicale des industries aéronautiques) oblige à recourir à un faisceau d’indices. Ces indices peuvent être tirés de l’objet du service, de l’origine de ses ressources et des modalités de son organisation et de son fonctionnement. La portée de la distinction est importante. En effet, alors que les SPA sont soumis au droit public, le relations des SPIC avec les usagers, le personnel et les fournisseurs sont régies par le droit privé.
CE ass., 20 déc. 1935, Ets Vézia.
Les faits :
Les décrets du 04 juill.1919, 05 déc. 1923 et 10 oct. 1930 ont crées des sociétés de prévoyance, de secours et de prêts groupant obligatoirement les cultivateurs et éleveurs de statut indigène. Le but de ces sociétés était de remédier à la mévente de produit agricole entraînant la diminution des ressources économiques des indigènes et menaçant l’équilibre économique des colonies françaises. Un dernier décret daté du 09 nov. 1933 a autorisés ces mêmes sociétés à exercer de nouvelles prérogatives dont l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Procédure :
Un recours est exercé contre le décret du 09 nov. 1933
Recours rejeté par le CE.
Problème de droit :
Le décret du 09 nov. 1933 avait-il un caractère obligatoire de nature à violer le principe de la liberté du commerce et à fortiori entraîner son illégalité ?
Solution :
On ne saurait qualifier de monopolistique l’activité des sociétés de prévoyance car rien n’empêche leurs adhérents de céder directement leurs produits aux négociants locaux. Enfin le caractère de service public de ces sociétés légitime la détention par celles-ci de prérogatives de puissance publique.
Portée :
Dans cet arrêt le CE a amorcé la distinction entre le service public entendu comme institution, comme organe administratif, et le service public entendu comme mission, comme fonction : il avait admis que les sociétés de prévoyance, de secours et de prêts mutuels agricoles groupant obligatoirement les cultivateurs et éleveurs de statut indigène en Afrique occidentale française réalisaient des opérations présentant un «caractère d’intérêt public» justifiant le recours à l’expropriation à leur profit.
Le service public = Avant 1935 : Organe administratif + Mission d’intérêt général
Après 1935 : Organe administratif ou Mission d’intérêt général
On assiste à une dissociation des deux éléments définissant le service public et ainsi à un élargissement de l’éventail des possibilités de gestion (ex. Une personne privée peut désormais assurer à la place et sous le contrôle de l’Etat la gestion d’un service public, c’est dans cette optique que les sociétés de prévoyance se sont vues conférer des prérogatives de puissance publique telles que la possibilité de recourir à l’expropriation, prérogatives traditionnellement réservées aux personnes publiques relevant du droit administratif.
CE ass., 13 mai 1938, Caisse primaire «Aide et Protection».
Les faits + Procédure :
La caisse «Aide et protection» a déféré au CE un décret du 29 oct. 1936 pris en application de la loi du 20 juin 1936 relative au non cumul d’emplois et de rémunérations, qui en étendait le dispositif au personnel des caisses d’assurances sociales.
Arrêt de rejet.
Problème de droit :
Peut-on appliquer des normes de droit administratif à des personnes privées en charge de la gestion d’un service public ?
Solution :
D’après l’art. 28, § 1er, du décret du 30 oct. 1935 les caisses primaires sont des organismes privés cependant leur mission est de gérer le service des assurances sociales qui est par nature un service public. De ce fait les agents de ces organismes privés ont pu être assimilés aux fonctionnaires concernés par la loi du 20 juin 1936, auxquels il est interdit d’exercer un autre emploi.
Le CE rejeta le recours en déclarant que la loi sur les cumuls était applicable «à tous les agents ressortissant à un organisme chargé de l’exécution d’un service public, même si cet organisme a le caractère d’un établissement privé», et en définissant le service des assurances sociales comme un service public.
Portée :
Depuis l’arrêt Société commerciale de l’Ouest africain, le droit français a reconnu la possibilité d’une gestion privée des personnes publiques. Désormais, grâce à cet arrêt la gestion publique des personnes privées l’est aussi.
La notion même de service public acquiert la signification purement matérielle d’activité exercée dans l’intérêt général et soumise à ce titre, au moins partiellement à un régime de droit public. Cette distinction avait déjà été opérée dans l’arrêt Ets. Vézia.
En résumé, l’arrêt Caisse Primaire «Aide et Protection» du 13 mai 1938 consacre explicitement l’analyse selon laquelle : «un organisme peut être chargé de l’exécution d’un service public, même si cet organisme a le caractère d’un établissement privé».
CE ass., 7 juill. 1950, Dehaene.
Les faits :
Afin de contrer un mouvement de grève le gouvernement a fait interdire aux chefs de bureau de préfecture d’y participer. Néanmoins, le sieur Dehaene, chef de bureau à la préfecture d’Indre et Loire a cessé toute activité du 13 au 20 juill. 1948.
Procédure :
Conformément aux lois des 27 déc. 1947 et 28 sept. 1948 concernant les règles applicables au droit de grève, le préfet d’Indre et Loire a infligé, au sieur Dehaene, un blâme en guise de sanction disciplinaire. Ce dernier exerce un recours en excès de pouvoir contre le préfet d’Indre et Loire.
Problème de droit :
Etant donnée la valeur constitutionnelle du droit de grève, un préfet peut-il infliger une sanction disciplinaire à l’un de ses agents sans excéder ses pouvoirs ?
La grève d’un agent publique, entreprise dans un élan de solidarité, peut-elle être constitutive d’une faute ?
Solution :
Bien que les lois des 27 déc. 1947 et 28 sept. 1948 se bornent à définir le régime particulier s’appliquant aux CRS et aux personnels de police concernant le droit de grève, il reste cependant vrai que ce droit, reconnu de valeur constitutionnelle, ne saurait s’appliquer sans restrictions aux autres catégories d’agents afin d’en éviter un usage abusif et contraire à l’ordre public. Ainsi le gouvernement a pu légalement interdire la grève de juill. 1948 et réprimer, ceux de ses agents qui y avaient participé.
Portée :
Pendant très longtemps la législation française est demeurée muette au sujet de la grève des fonctionnaires (seul l’art. 123 du C. Pénal). C’est donc à la jurisprudence administrative qu’il revint d’élaborer les règles de droit relatives à la grève des agents publics. Elle adopta une attitude rigoureuse, en considérant que l’agent qui se mettait en grève s’excluait par là même du service et, par voie de conséquence, du bénéfice des garanties disciplinaires.
Puis la jspce. devint la loi avec le statut des fonctionnaires du 14 sept. 1941, dont l’art. 17 disposait : «Tout acte d’un fonctionnaire portant atteinte à la continuité indispensable à la marche normale du service public qu’il a reçu mission d’assurer constitue le manquement le plus grave à ses devoirs essentiels. Lorsqu’un acte de cette nature résulte d’une action collective ou concertée, il a pour effet de priver le fonctionnaire des garanties prévues par le présent statut en matière disciplinaire». Mais cette loi a été déclarée nulle par l’ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine.
La Constitution de 1958 et la légalisation qui a suivi n’ont pas changé les données du problème. Cependant la loi du 31 juill. 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics, qui interdit les grèves «surprise» et «tournantes» n’a, à cause de son caractère très partiel, que très peu comblé ce vide juridique.
CE sect., 9 mars 1951, Société des Concerts du Conservatoire.
Les faits :
Au lieu d’assurer leur service dans l’orchestre de la société des concerts du Conservatoire, deux de ses membres ont malgré l’interdiction qui leur en avait été faite, prêté leur concours à un concert organisé à la Radiodiffusion française le 15 janv. 1947. Des sanctions disciplinaires leurs ont par la suite été infligées par le comité de direction de la société des concerts du Conservatoire. En réponse à ces sanctions la Radiodiffusion française a exclu de son antenne toute retransmission concernant la soc. des concerts du Conservatoire.
Procédure :
La Radiodiffusion française a formulé, auprès du ministre chargé des Beaux-Arts d’une demande de sanction contre le secrétaire général de la société des concerts du Conservatoire.
Cette dernière a exercé un recours contre la décision de la Radiodiffusion française par laquelle celle-ci lui refusait toute diffusion radiophonique.
Ce recours a été accueilli par le CE et la Radiodiffusion française a été condamnée a verser une indemnité de 50.000 F à la société requérante.
Problème de droit :
Un service public peut-il prendre contre un organisme privé des sanctions autres que celle se justifiants par des exigences d’ordre public ?
Solution :
La mesure d’exclusion prononcée à l’encontre de la société des concerts du Conservatoire ne se justifiait par aucun motif d’intérêt général. Cette administration a «usé de ses pouvoirs pour un autre but que celui en vue duquel ils lui sont conférés et a méconnu le principe d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics.
Portée :
Cet arrêt et les conclusions sur lesquelles il a été rendu consacrent la théorie des « principes généraux du droit ».
L’arrêt consacre également le «principe d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics». Ce principe implique que toutes les personnes se trouvant placées dans une situation identique à l’égard du service public doivent être régies par les mêmes règles.
CE ass., 16 nov. 1956, Union syndicale des industries aéronautiques.
Les faits :
Par l’art. 105 de la loi du 31 mars 1931 est instituée la Caisse de compensation pour la décentralisation de l’industrie aéronautique. En 1938, par un décret en date du 24 mai, son domaine d’activité est étendu. Enfin, le décret n°53-404 en date du 11 mai 1953 supprime cet organisme.
Procédure :
Un recours pour excès de pouvoir est exercé contre le décret du 11 mai 1953.
Ce recours est rejeté.
Problème de droit :
La Caisse de compensation pour la décentralisation de l’industrie aéronautique avait-elle un statut de SPIC ou de SPA (pouvant être légalement supprimé par décret) ?
Solution :
D’après l’art. 7 de la loi du 17 août 1948 et étant donné que l’établissement en question avait essentiellement pour objet de subventionner des opérations d’intérêt général mais aussi le fait que son financement provenait d’une taxe parafiscale, précomptée sur toutes les factures afférentes à des marchés passés par le ministère de l’Air, il convient de qualifier la Caisse de compensation pour la décentralisation de l’industrie aéronautique de service public administratif. Or le gouvernement a le pouvoir de supprimer par décret ce type d’établissement.
Portée :
Désormais les critères de distinction entre SPIC et SPA sont : l’objet du service, l’origine des ressources et les modalités de son organisation et de son fonctionnement.
CE sect., 28 juin 1963, Narcy.
Les faits :
Le sieur Narcy, employé au Centre technique des industries de la Fonderie demande à ce que lui soit versée, en plus de son salaire, sa solde de réserve d’officier général de l’armée de mer.
Procédure :
Le sieur Narcy a exercé un recours auprès du secrétaire d’Etat aux Forces armées (Marine), demande qui a été rejetée une première fois le 20 juin 1957 puis une seconde fois, implicitement, le 8 août 1957. Ces deux rejets successifs ont été confirmés par le ministre des Finances. Narcy a ensuite exercé un nouveau recours pour excès de pouvoir contre cette décision. Recours une nouvelle fois infructueux, se soldant par un arrêt de rejet du CE.
Problème de droit :
Un établissement privée, détenteur de prérogatives de puissance publique, chargé de la gestion d’un service public peut-il être assimilé à un établissement public auquel s’appliquent des normes de droit administratif ou bien a t’il un statut juridique particulier ?
Solution :
Depuis sa création, le Centre technique des industries de la fonderie a été financé par l’Etat et ce jusqu’à hauteur de 97% en 1958, ce centre a bénéficié de prérogatives de puissance publique (en l’espèce le droit de percevoir des cotisations obligatoires sur les membres de la profession) et étant donné également qu’il appartient aux ministres chargés de la tutelle de pourvoir à la nomination des membres du conseil d’administration. Il convient donc de qualifier l’organisme privé en question comme chargé de la gestion d’un service public. Or c’est cette condition indépendamment de toute autre qui fait peser sur les employés du centre la réglementation des cumuls d’emplois et de rémunération.
La demande du sieur Narcy est donc rejetée.
Portée :
Cet arrêt du CE (Sect. 28 juin 1963, Narcy.) relatif comme l’arrêt Caisse primaire «Aide et Protection», à l’application de la réglementation sur les cumuls d’emplois dans les services publics aux centres techniques industriels, permet de mieux cerner les critères applicables.
Trois éléments entrent ainsi en ligne de compte :
_La mission d’intérêt général confiée à l’organisme ;
_Les prérogatives de puissance publique qui lui sont attribuées à cette fin ;
_Le contrôle que l’administration exerce sur lui.
CE sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques.
Les faits :
Les sieurs Denoyez et Chorques possèdent tous deux une résidence secondaire sur l’île de Ré. Or ils demandent simplement à ce que leurs soient appliquées les tarifs préférentiels (soit le tarif applicable aux habitants de l’île, soit à défaut le tarif consenti aux habitants de Charente-Maritime, concernant les passages d’eau(ainsi que le remboursement du trop perçu depuis 1961 et l’abrogation du tarif des cartes d’abonnement en vigueur).
Procédure :
Par deux décisions, datées des 3 juin et 27 oct. 1971 le préfet de Charente-Maritime a refusé de donner satisfaction à cette demande.
Par la suite le T.A. de Poitiers a rejeté les requêtes introduites contre ces décisions par les sieurs Denoyez et Chorques.
Ces derniers exercent un dernier recours visant à annuler la décision du T.A. de Poitiers en date du 7 juin 1972.
Problème de droit :
Etant donné l’existence d’un principe de valeur constitutionnelle concernant l’égalité de tous devant les services publics, un tel service peut-il offrir des prestations différentes aux particuliers en fonction de leur lieu de domiciliation ?
Solution :
Un service public peut appliquer plusieurs tarifs différents à ses utilisateurs : _soit à cause d’une loi le prévoyant expressément _soit à cause de différences de situation appréciables existant entre ces usagers _ soit qu’un nécessité d’intérêt général l’y oblige. En l’espèce le lieu des domiciliation est une différence de situation existante entre les usagers de nature à autoriser une telle pratique. Enfin, le Conseil général de Charente-Maritime ne pouvait légalement édicter un tarif préférentiel aux habitants de Charente-Maritime, aucun des trois éléments suscités ne s’appliquant ici.
Portée :
La portée de cet arrêt n’est que relative car il ne fait que confirmer des règles de droit antérieurement édictées par la jurisprudence. On peut cependant noter que le CE confirme le fait que l’exploitation d’un bac constitue un service public administratif. Et dans cette optique il réaffirme que le principe d’égalité n’interdit cependant pas à l’administration de traiter différemment des personnes à la condition que la différence de traitement soit en rapport avec la différence de situation ou qu’elle tienne à des considérations d’intérêt général liées au fonctionnement même du service public.
HAMMOURABI © 2000