Le Journal Officiel
Depuis plus de 18 ans, cette publication publique est rare, au point où très peu de Camerounais connaissent son existence.
Les auditeurs du poste national Crtv connaissent bien cette phrase : «le présent décret sera enregistrée publié suivant la procédure d’urgence puis inséré au journal officiel». Mais que savent-ils donc de ce fameux journal officiel (J.o) ? «C’est Cameroon Tribune le journal officiel du Cameroun» disent certains. Même au ministère de la Communication où le reporter de Mutations s’est rendu, la grande majorité du personnel ignore l’existence du journal officiel. Inutile donc de leur demander le lieu d’impression de cette publication, sa périodicité, son circuit de distribution, entre autres préoccupations journalistes.
Si le Jo est encore ignoré, il voit pourtant le jour avant l’indépendance du Cameroun. Cette publication publique est subventionnée à hauteur de 500 millions de francs par mois par le gouvernement Camerounais. Il paraît pour la première fois le 1er novembre 1916 avec une périodicité bimensuel (tous les 1er et 15 du mois). Et son contenu est exclusivement constitué d’assemblage de textes de loi provenant de la présidence et des autres organes du gouvernement.
Jusqu’à 1993, le journal officiel du Cameroun est sous la responsabilité de l’Imprimerie Nationale, sise derrière l’ancien palais, au quartier administratif à Yaoundé. Et son processus de production était tout simple. Selon André Marie Mvogo adjoint au chef du service commercial de l’Imprimerie nationale, «tout le personnel de l’Imprimerie était impliqué dans le processus de production du journal officiel».
Après la phase de production, les employés du bureau chargé du journal officiel, avait la charge de distribuer les journaux, apprend-on de ce dernier. Une distribution qui se fait en majorité par abonnement. «On devait faire parvenir les journaux aux abonnés qui étaient pour la plupart des fonctionnaires et ce par le biais de la poste», rajoute Etotro employé au journal officiel.
Présidence
Dès 1993, le Jo cesse d’être une affaire de l’Imprimerie nationale. «Une loi datant de 1993 modifie le statut de cette l’imprimerie», renseigne André Marie Mvogo. «Les termes qui au départ stipulaient que l’imprimerie nationale était chargée de la production des journaux officiels sont désormais suivi par la notification : «elle peut être supplée par d’autres imprimeries d’état», poursuit le directeur adjoint du service commercial. L’imprimerie se voit alors retirée la charge de la production du journal officiel, et celle-ci va revenir aux soins de la présidence de la république.
Selon une source crédible qui a requis l’anonymat «ce retrait fait suite au financement octroyé à l’Etat du Cameroun par l’Union Européenne (Ue) pour la parution régulière du journal. Le montant du financement s’élevait à 600 millions de France Cfa». Depuis la gestion du J.o par la Présidence au quartier Etoudi (qui dans la suite, s’est dotée d’une unité graphique pour l’impression du journal officiel, entre autres publications ndlr) la régularité du J.o n’aurait plus été effective. Mais bien avant 1993, Célestin Monga, économiste et ancien journaliste, s’indignait déjà dans une lettre ouverte au président de la République de la non visibilité du journal officiel. «Je vous signale que nous sommes peut-être le seul pays au monde où les lois votées ne sont même pas publiées dans le Journal Officiel comme le prévoit la Constitution. Parce que l’imprimerie nationale, dont c’est la principale attribution, est en état de cessation d’activité. Est-ce vraiment sérieux ?», décriait-il. «Pour produire un journal on a besoin d’une main d’oeuvre et du matériels. Et à la Présidence, il y a pas assez de personnels», soutient M. Etotro.
Le J.o n’est visiblement pas la chose la mieux partagée malgré l’abondance des décrets, ordonnances, arrêtés que cette publication doit vulgariser. Après plusieurs clics sur Internet, l’internaute pourra retrouver quelques exemplaires tout au plus du J.o. Cependant, le plus récent de tous date d’avril 2008. A qui la faute ?
Archivistes
La faute revient à la direction du Journal Officiel aujourd’hui rattaché à la présidence de la République pourrait-on dire. L’on se souvient de la nomination en 2005 de Marie Kolomeni née Doudou, en tant que directrice du journal officiel. Après son décès survenu le 30 mars 2010, difficile de savoir qui lui a succédé à la direction du J.o. Suite à un appel téléphonique au bureau du J.o, l’on apprend que le responsable de cette publication est un nommé M. Dikonguè. Lequel ne serait pas au bureau, donc pas disponible pour résoudre une quelconque préoccupation. Mais la source à l’autre bout du combiné soutient que le journal officiel continue de paraître. Soit. Et que devient l’Imprimerie nationale ?
Officiellement, elle continue d’abriter «les bureaux du journal officiel». Mais ici, les tables desdits bureaux croulent sous le poids des archives du journal officiel. Les 3 employés qu’on y trouve partagent ainsi le décor avec des piles des tomes d’archives du J.o. On se croirait dans un magasin de débarras. «En réalité, aujourd’hui, nous jouons plus un rôle d’archivistes», reconnaît un membre du personnel de l’Imprimerie nationale. «Certaines personnes pour des raisons judiciaires ou autres viennent se procurer un exemplaire de journal d’une période donnée à la recherche d’un texte qui a été publié» explique Etotro, tout en gardant espoir qu’un jour, la production du journal officiel reviendra entre les mains de l’imprimerie nationale.
Monique Ngo Mayag avec
Henrie Lucie Nombi (stagiaire)