KENTZOU
Ils sont certainement nombreux, les Camerounais qui n’ont jamais entendu parler de Kentzou, localité à la fois éloignée et enclavées du pays. Au départ de Yaoundé, il faut parcourir 320 km pour atteindre Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est, via Atok, Abong-Mbang, Doumé et Dimako. Il faudra encore affronter 220 km sur la nationale n° 10, par une route cabossée et abandonnée à elle-même depuis la fin, en 2006, du programme triennal d’entretien des routes en terre. Le parcours vous mènera au carrefour Mandjou, à Batouri et Kwelé, sur la route qui rallie Yokadouma.
Kentzou, chef-lieu du district de la Bombé, dans le département de la Kadey, est frontalière des arrondissements de Batouri et de Ndélélé, à l’ouest, et la commune de Ngamboula en République centrafricaine, à l’est. C’est une véritable ville cosmopolite, terroir des tribus Kako, mbousoukou et bororo, que côtoient les allégènes Haoussa, Bamiléké, Bamoun évalués à 17 000 âmes. Ville frontière, Kentzou abrite également une forte communauté centrafricaine en provenance de Bangui, Berberati et Ngamboula, qui viennent s’approvisionner en produits de toute nature.
Ce passé commercial, la commune le revendique depuis la colonisation. A l’époque l’espace commercial, qui a connu l’installation sur ses terres de nombreux commerçants, était administré par l’arrondissement de Ndélélé et souffrait de l’éloignement. Il fallait ainsi traverser la rivière Kadey par bac ou par pirogue pour y arriver.
La commune de Kentzou naîtra en 1995, à la faveur d’un découpage administratif intervenu un an plus tôt et qui créait le district de la Bombé. Son premier maire sera installé en 1996. Une mutation administrative qui, de l’avis de Gwepolo Happi, président local du mouvement des jeunes de l’Undp, « a permis à Kentzou de connaître une ascension exponentielle en 11 ans, matérialisée par l’électrification rurale, l’installation des deux opérateurs de téléphonie mobile Mtn et Orange ainsi que la création d’un télé-centre communautaire ». Toute chose qui, ajoutée à l’intense activité commerciale, a transformé Kentzou en un véritable havre d’ambiance, surtout pour les ressortissants centrafricains, qui y viennent tous les week-ends pour se mêler aux autochtones Kako. « Kentzou, raconte Louis Aimé Belekou, son deuxième maire, c’est le nom du fondateur du village et son premier chef à l’époque coloniale. Le village en réalité, est né sur les bords de la rivière Bombé, du côté de la République centrafricaine. Progressivement, les premiers habitants ont longé le cours d’eau suite aux différentes luttes de clans, pour venir s’installer à Gogo, ils iront s’installer sur les collines de Gnerem, au lieu dit Djenguelen qui signifie « suspendu » parce que la maison du chef était juchée sur la colline.
Djenguelen était le nom du village dont le chef se faisait appeler par les notables « Gbayanga Kendjo », qui signifie « fragile » parce que le chef était régulièrement sur les nerfs. C’est à cet endroit que l’explorateur européen trouvera les premiers habitants. Il transcrira le son « Kentzou » pour désigner le village, au lieu de « Kendjo ».
Selon Louis Aimé Belekou, l’actuelle agglomération, située à 4 km du village initial, est née lorsqu’un comptoir y est installé par un Européen du nom de Dahama. Ce dernier, tout en chassant l’hippopotame dans la Kadey, vend du sel, du vin, du savon et bien d’autres produits de premières nécessité. Ceux qui viennent les acheter commencent alors, progressivement, à s’établir à Kentzou, une contrée qui a compté, parmi ses personnalités les plus remarquables, Ghangaya Kendjo, le fondateur du village, Ernest Bah Nermanie, le fils du chef Bah Kendjo, Benoît Aoudou, l’un de ses successeurs qui a vu le village entrer dans la modernité ou encore Christian Loua, actuel président du comité de développement et superviseur du Pnvra pour l’Est.
Au plan des infrastructures de base, le chef-lieu du district de la Bombé possède une carte scolaire assez fragile : 11 écoles publiques en matériaux provisoires, 2 établissements privés et un lycée d’enseignement général à cycle complet, des structures qui accusent un manque criard d’enseignants et de salles de classe, de bibliothèques d’aires de jeu.
Il en est de même dans le domaine de la santé : une unité de district d’élaborée et un centre de santé : une unité de district d’élaborée et un centre de santé intégré à Lolo, l’un des plus grands villages du coin, dirigé par un infirmier chef assisté de deux auxiliaires recrutés par la commune.
S’agissant des infrastructures de communication, Kentzou ne dispose que de 71 km de routes en terre et n’est certainement pas près de découvrir le bitume. Il en est de même avec les télécommunications. Bien que connectée au réseau téléphonique, Kentzou vit coupée du monde du fait de l’absence du signal Crtv. Seuls quelques privilégiés arrivent à capter des images par satellite.
Pour son deuxième mandat, le jeune édile Louis Aimé Belekou- qui cordonne ses services depuis une résidence privée sise sur la routez de la mission catholique – et ses 24 conseillers municipaux nourrissent de grandes ambitions pour leur municipalité. « Nous voulons moderniser Kentzou à travers plusieurs actions de développement, parce que c’est la vitrine du Cameroun à partir de la Rca », explique-t-il. Entre autres réalisations annoncées pour 2009, on peut citer la construction d’un marché frontalier, d’un hôtel de ville, de 6 salles de classe, de 5 forages, etc. « Si le marché frontalier est construit, cela va ouvrir la commune sur le nord du Congo et l’ouest de la République centrafricaine. Et le volume des activités commerciales va décupler, ce qui augmentera aussi les recettes communales », rêve l’élu municipal. Qui note en même temps que malgré la présence d’un grand entrepôt utile aux deux pays voisins, l’actuel marché, qui compte quelque 300 boutiques, est le fruit des efforts des riverains. D’où l’urgence pour la municipalité de mettre sur pied une structure plus accueillante, dans le but de favoriser les échanges commerciaux entre les fournisseurs camerounais et de potentiels acheteurs centrafricains et congolais.
La commune envisage également l’érection d’une radio communautaire, l’amélioration de l’habitat à travers la création d’une fabrique de briques en terre cuite, mais aussi la construction de logements pour les cadres communaux et l’informatisation des services de la municipalité. Avec l’aboutissement du dossier de construction du marché frontalier, encore à l’étude à l’agence régionale du Feicom de l’Est, Kentzou pourrait devenir une ville moderne et jouir des énormes potentialités inexploitées jusqu’ici.