Sur ses 36 000 communes, la France en compte quelques-unes aux noms très surprenants. Si certaines s’en accommodent tant bien que mal, d’autres préfèrent, pour diverses raisons, le modifier. Les noms de nos communes ne sont-ils pas immuables ?

Saligos, Bombasse, le Sale Village: autant de communes qui ont pris le parti de conserver leur nom insolite, comme une part de leur patrimoine. Depuis peu, c’est le nom d’un petit hameau dans le Loiret qui fait gronder le centre Simon Wiesenthal:[ «La Mort-aux-Juifs».->http://www.atangana-eteme-emeran.com/ecrire/?exec=articles&id_article=31082] Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, l’organisation a demandé la modification du nom qui fait polémique. Mais peut-on modifier si facilement le nom d’une ville?

• A-t-on le droit de changer le nom d’une ville?

C’est possible, mais seulement dans deux cas: «pour éviter un risque sérieux d’homonymie avec une ou plusieurs autres collectivités, [et] pour rétablir une dénomination historique tombée en désuétude», selon le site gouvernemental des collectivités locales. Contrairement aux particuliers qui peuvent demander à changer de nom si le leur les pénalise au quotidien, un nom de ville «ridicule» ou «péjoratif» ne peut être modifié. Plus interpellant encore, ils ne peuvent être changés pour raisons touristiques ou économiques. Ainsi, la ville d’Eu (près de Dieppe), mal référencée sur Internet, aurait émis il y a quelques années le souhait de changer de nom: théoriquement, elle n’en a pas le droit. Même si sa fréquentation touristique en pâtit.

En raison de ces obstacles, certaines communes essayent de tirer parti de leur situation: une quarantaine s’est même regroupée sous le nom des «Communes de France aux noms burlesques et chantants», et en profitent pour faire connaître leur patrimoine culturel et gastronomique.

• Comment changer le nom d’une ville?

Le conseil municipal peut demander au Conseil d’Etat le changement du nom de sa commune. Ensuite, c’est la Commission de révision du nom des communes qui statue. Une commission dont l’un des membres représente la Poste: en effet, l’organisme doit s’assurer que le changement ne perturbera pas les services publics. En 2013, huit communes ont changé de nom via cette procédure.

• Est-ce que les citoyens peuvent participer à cette démarche?

Souvent, le conseil municipal consulte ses habitants: le maire de Saint-Thibaud-en-Valois, par exemple, avait organisé en 2012 un référendum pour sonder ses administrés sur un éventuel changement de nom de la commune.

• Est-ce que le gouvernement peut obliger une commune à changer de nom?

Certains lieux aux noms autrefois banals choquent désormais, comme les rues portant les noms de personnalités aujourd’hui désavouées. Et si rien dans la loi ne consacre le pouvoir à l’exécutif d’imposer un changement, la polémique autour du hameau «La Mort-aux-Juifs» pourrait bien changer la donne.

• Et pour les rues, comment ça marche?

Si les GPS persistent à mal indiquer un lieu ou si la Poste se trompe fréquemment, il n’est pas rare que la mairie décide de réorganiser certains quartiers: dans ce cas, le conseil municipal a entière autorité sur le nom de ses rues. En revanche, les habitants peuvent contester cette décision en justice. Pour les lieux-dits, c’est la même chose: le conseil municipal peut décider de modifier leurs noms, sans avoir à en réferer à une instance supérieure.

Deux camps s’affrontent traditionnellement sur ce sujet. D’un côté, ceux qui militent pour l’adoption de noms nouveaux en accord avec les mœurs actuelles. Et de l’autre, les partisans du statu quo, qui invoquent à travers ces noms insolites le devoir de mémoire. Ceux-là n’auraient pas fait le choix d’Emerainville, une ville de Seine-et-Marne, qui a laissé les enfants de sa commune choisir le nom de ses rues.